Raúl Castro est en passe de rompre l'isolement diplomatique dont son pays est depuis longtemps victime. L'Amérique latine a déjà succombé, l'Europe s'apprête à le faire, et les États-Unis s'interrogent.
Depuis sa retraite anticipée en 2006 pour raisons de santé, Fidel Castro a fait de la lutte contre le réchauffement climatique l'un de ses chevaux de bataille. Raúl, son frère, qui lui a succédé à la tête de l'État et du Parti communiste, s'est pour sa part érigé en artisan du réchauffement diplomatique. Cinquante-cinq ans après le déclenchement de la révolution, Cuba a rarement semblé moins isolée sur l'échiquier international.
Les 28 et 29 janvier s'est tenu à La Havane le deuxième Sommet de la Communauté des États latino-américains et caribéens (Celac), institution fondée en 2010 sous l'impulsion de Hugo Chávez. La manifestation a été qualifiée d'"immense succès" par la presse hispanophone.
Sur les 33 États membres, 31 étaient représentés au plus haut niveau - seuls les présidents du Panamá et du Salvador manquaient à l'appel. Tous les autres étaient là, à commencer par la Brésilienne Dilma Rousseff, qui a réaffirmé l'intérêt que son pays porte à l'île caraïbe ("mon pays veut être un partenaire de premier ordre de Cuba"). Plusieurs chefs d'État conservateurs proches des Américains étaient également de la partie, tout comme José Miguel Insulza, le secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), structure dominée par les États-Unis et dont Cuba fut exclue en 1962, et Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies. Ce dernier a rendu une visite amicale à Fidel et s'est félicité des "résultats visibles" des réformes économiques engagées depuis quelques années.
Libéraliser l'économie sans toucher aux verrous politiques
Visibles ? Spectaculaires même. Désormais, les Cubains peuvent exploiter des terres à titre privé, lancer leur propre entreprise (dans certains secteurs seulement), voyager à l'étranger (avec quand même quelques restrictions) et acheter des voitures comme bon leur semble (à des prix malheureusement prohibitifs). Et Raúl a promis de mettre prochainement fin à la coexistence du peso cubain et du peso convertible. Cette "actualisation" du modèle castriste évoque ce qui s'est passé naguère en Chine ou au Vietnam : on libéralise l'économie sans toucher aux verrous politiques.
Cette stratégie est la source des inégalités sociales qu'on voit poindre, mais elle est aussi l'une des causes du réchauffement diplomatique. "Désormais, on peut dire que Cuba est complètement réinsérée au sein de l'Amérique latine", analyse Janette Habel, de l'Institut des hautes études de l'Amérique latine, à Paris, qui rappelle que, jusque dans les années 1980, "seul le Mexique entretenait des relations avec lui". L'analyste cubano-américain Arturo López-Levy (cité par le quotidien français Le Monde) va plus loin. Pour lui, ce sont les États-Unis qui, en s'obstinant à soumettre leur voisin à un embargo jugé anachronique par beaucoup, sont aujourd'hui isolés.
Même l'Union européenne, longtemps alignée sur la ligne dure américaine et dont la coopération avec Cuba est au point mort depuis 2003, est en train de reconsidérer sa position. Le 10 février, ses vingt-huit ministres des Affaires étrangères se sont entendus pour entamer un processus de "normalisation" des relations. "C'est la fin annoncée de cette aberration qui, depuis 1996, conditionne tout échange avec l'île à des avancées démocratiques", estime un diplomate français.
Les États-Unis eux-mêmes vont-ils se résoudre à faire des concessions ? En coulisses, les contacts entre administrations américaine et cubaine sont fréquents - et bien antérieurs à la poignée de main historique entre Barack Obama et Raúl Castro lors des obsèques de Nelson Mandela, le 15 décembre. Obama osera-t-il briser un tabou qui perdure depuis John Fitzgerald Kennedy, il y a plus d'un demi-siècle ? Il s'est déclaré favorable à une "mise à jour" des relations. Mais on sait qu'entre ce qu'il souhaite faire et ce à quoi le Congrès l'autorise il y a souvent un gouffre.
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