Cuba se trouve dans une situation particulière. Une « course contre le temps » pourrait-on dire. Asphyxiée depuis plus de soixante ans par le blocus américain, l’île socialiste a vu ses marges de développement industriel et commercial drastiquement réduites. La toute-puissance du dollar a longtemps interdit toute alternative, même pour ses partenaires les plus proches.
Mais le monde change. Cuba est devenue partenaire officiel des BRICS+. La dédollarisation avance, lentement mais inexorablement. La Chine s’affirme chaque jour un peu plus face à Washington. Le peuple cubain a fait preuve d’un courage et d’une endurance remarquables. La question peut désormais se poser : une fenêtre stratégique est-elle ouverte pour – enfin – briser l’isolement de l’île socialiste ?
Quel est l’état actuel des relations entre Cuba et la Chine ?
Les relations entre les deux pays sont excellentes. Cuba a été le premier pays d’Amérique à reconnaître la Chine Populaire en 1960, en établissant des relations diplomatiques malgré les pressions des États-Unis. Dès l’avènement de la Révolution cubaine en 1959, le gouvernement de Fidel Castro a milité pour que la Chine soit admise comme membre permanent des Nations unies, même s’il a fallu attendre 1971 pour que cela devienne réalité.
La Chine est un partenaire politique majeur de Cuba. Il existe des liens solides entre les deux pays. Pékin et La Havane partagent une vision commune d’un monde multipolaire fondé sur le droit international. Cuba, comme une grande partie de la communauté internationale, a toujours défendu le principe d’une seule Chine. De son côté, la Chine a constamment soutenu l’indépendance de Cuba et a dénoncé les agressions répétées de la part des États-Unis, notamment les sanctions économiques anachroniques, cruelles et illégales imposées depuis 1960.
La Chine est aujourd’hui le premier partenaire économique de Cuba, représentant plus de 20 % des échanges commerciaux de l’île. Cuba importe des biens de consommation, tels que des vêtements, de l’électroménager, ainsi que des produits technologiques et électroniques et des machines industrielles. La Chine a notamment investi dans la Zone de développement de Mariel, dans les télécommunications et les infrastructures routières. Cuba, pionnière en biotechnologie médicale, a également conclu des partenariats dans ce domaine avec la Chine.
Après plusieurs années de stagnation, les échanges commerciaux ont augmenté de façon substantielle l’année dernière : les exportations chinoises vers Cuba ont augmenté de 45 %, atteignant 75 millions de dollars, tandis que les exportations cubaines vers la Chine ont bondi de 80 %, totalisant 30 millions de dollars. Ces chiffres restent cependant inférieurs à ceux de 2017. Sur le plan touristique, un premier vol direct avec Air China a été inauguré en 2024, entraînant une hausse de 50 % du nombre de touristes chinois.
Depuis 2017, la coopération sino-cubaine a permis la construction de centrales photovoltaïques et le lancement des kits solaires « Made in Cuba ». Pensez-vous que cette initiative est un premier pas vers une aide au développement industriel plus large ?
Plusieurs parcs solaires sont effectivement en construction à Cuba, une cinquantaine en 2025, et une centaine prévue d’ici à 2028. L’objectif est de répondre à la grave crise énergétique que traverse l’île, incapable de moderniser ses centrales thermoélectriques en raison des sanctions économiques étasuniennes. Par exemple, Cuba ne peut acheter les pièces de rechange nécessaires au remplacement de son matériel obsolète.
De mon point de vue, l’aide apportée par la Chine reste insuffisante. Il faudrait construire dès maintenant 150 parcs solaires. Un grand pays comme la Chine dispose des ressources matérielles et financières pour permettre à Cuba de résoudre son problème d’approvisionnement énergétique, qui a de lourdes conséquences sur le bien-être de la population. La Chine propose les tarifs les plus compétitifs, les délais de réalisation les plus courts et les prêts les moins coûteux, sans contrepartie politique, contrairement au Fonds monétaire international.
Cuba compte environ 9 millions d’habitants. Pour un géant démographique comme la Chine, c’est l’équivalent d’une ville comme Xi’an, seulement la dixième la plus peuplée du pays. La Chine est donc en mesure de fournir un soutien substantiel à Cuba.
En raison de la politique hostile des États-Unis, qui ont inscrit Cuba sur la liste des pays soutenant le terrorisme, près d’une centaine d’institutions bancaires internationales ont rompu leurs liens avec l’île. Celle-ci a un besoin vital de financements. La Chine devrait lui accorder un prêt substantiel à taux zéro sur cinquante ans afin de répondre aux besoins fondamentaux du peuple cubain. Cuba, qui a toujours été solidaire avec tous les peuples en lutte pour leur émancipation, mérite à son tour d’être soutenue. Une grande révolution, comme la Révolution chinoise, est capable de fournir ce concours matériel et financier.
Depuis 2025, Cuba est membre à part entière des BRICS. Que peut-elle apporter à cette organisation ?
Cuba est d’abord et avant tout une puissance morale et symbolique, ayant su résister sans fléchir à l’impérialisme étasunien. Malgré l’état de siège économique implacable qui l’étouffe, Cuba n’a jamais renoncé à ses principes, ce qui lui confère un grand prestige dans le monde, en particulier dans le Sud global. Son adhésion aux BRICS est un honneur pour cette institution multipolaire, car l’île a toujours défendu des valeurs fondamentales telles que la souveraineté nationale, la réciprocité, la non-ingérence dans les affaires intérieures et la diplomatie.
Cuba est également une puissance médicale ayant établi une coopération avec plus d’une cinquantaine de pays. Elle dispose d’un personnel médical abondant et hautement qualifié, avec 8 médecins pour 1 000 habitants, près de trois fois plus qu’en France, par exemple.
Depuis les années 1960, Cuba exporte ses services médicaux et possède une vaste expérience dans ce domaine. On peut citer la Brigade Henry Reeve, composée de 500 médecins spécialisés dans les situations d’urgence : Cuba est intervenue en Haïti après le séisme, en Afrique durant la crise de l’Ebola, et même en Europe lors de la pandémie de Covid-19. Actuellement, plusieurs centaines de médecins et d’autres professionnels de santé travaillent en Italie.
L’École latino-américaine de médecine forme des étudiants du monde entier depuis près de trois décennies, avec environ 5 000 diplômés par an. Cuba dispose également d’un secteur de biotechnologie médicale de très haut niveau, ce qui lui a permis de développer des médicaments innovants comme le vaccin contre le cancer du poumon (Cimavax), des traitements contre le diabète, ainsi que plusieurs vaccins contre le Covid-19.
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