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31/10/2019

L'Amérique latine au coeur

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roussel Bourges500.jpgPar Fabien Roussel Secrétaire national du PCF, député du Nord

«Elles s’ouvriront à nouveau, un jour, les longues avenues, devant les hommes libres qui construiront un monde nouveau. »

En regardant ces derniers jours les images des manifestations au Chili, le dernier message du président Allende adressé à son peuple depuis la Moneda bombardée résonne dans ma mémoire.

Chili, Équateur, Haïti, Argentine, Colombie, Honduras, Brésil, Costa Rica, partout les peuples se lèvent et leur clameur s’élève, des Andes jusqu’au Rio de la Plata : « Dehors le FMI et les gouvernements corrompus, bas les pattes mister Trump ! »

À Cuba ou au Venezuela, d’autres défendent avec leur gouvernement des projets de société fondés sur la justice sociale, la paix, et d’entente, malgré les violentes tentatives d’étouffement conduites par l’impérialisme états-unien et les institutions financières.

Les manifestations redessinent le visage de « Nuestra América », l’Amérique de Bolivar et de José Marti, une Amérique indienne, métisse, blanche et noire, en bloc insurgée.
Un grand espoir se lève : le Chili chante et danse la cueca face aux militaires.

En Amérique latine, 17 millions de femmes et d’hommes, surtout des enfants, vivent dans l’extrême pauvreté. Les politiques d’austérité, les fonds vautours, pillent, rançonnent, tandis que les multinationales font ventre de tout : santé, éducation, transports, eau, électricité, richesses minières. Avec la complicité de gouvernants corrompus. Cela ne suffit pas.

Pour faire payer aux plus pauvres la crise, le Fonds monétaire international (FMI) impose de nouveaux tours de vis, tandis que les gouvernants déclarent la guerre aux peuples. À Santiago, Quito, Tegucigalpa, Port-au-Prince, l’armée n’intimide plus. En Uruguay, la rue s’oppose au projet de la droite d’autoriser l’armée à maintenir « l’ordre intérieur ».

Dimanche, les électeurs ont placé en tête de l’élection Daniel Martinez, du Front large, qui confirme sa place de première force politique du pays.
Les rétropédalages des gouvernants n’éteignent pas la révolte. En Équateur, le gouvernement a annulé les mesures qui avaient déclenché la marche indigène sur Quito suivie d’une chasse aux militants syndicaux et associatifs.

Au Chili, après l’historique mobilisation populaire du 25 octobre, le président Piñera a fait démissionner plusieurs de ses ministres dans une opération de maquillage, envisage la levée de l’état d’urgence et le retrait des militaires actuellement dans les rues. L’arrivée ce lundi d’une mission du comité des droits de l’homme de l’ONU n’est pas étrangère à ces décisions.

Au Honduras, les manifestants exigent la destitution du président Hernandez dont le frère, narcotrafiquant, vient d’être jugé à New York. Depuis juin, à Haïti, pays des « morts sans importance », le peuple réclame le départ du président Jovenel dont le clan corrompu a empoché l’aide accordée par le Venezuela.

En Argentine, le président Macri a plongé le pays dans une crise ravageuse comparable à celle de 2010. Il vient d’être sévèrement battu par Alberto Fernandez et Cristina Kirchner.

Usa Amerique Latine.jpgEn Colombie, « le pays où vit la mort », des centaines de militants sociaux ont été assassinés ces derniers mois. Le président, homme lige des États-Unis dans l’agression contre le Venezuela, a enregistré, dimanche, une nette défaite aux élections régionales et municipales.
Les coups d’État « institutionnels » ont de plus en plus de mal à fonctionner.

Au Brésil, le complot ourdi pour destituer Dilma Rousseff et jeter Lula en prison est éventé, la plupart de ses instigateurs poursuivis pour corruption. Comme au Venezuela, en Bolivie, la tentative de la droite de contester la réélection du président Evo Morales se heurte à la détermination du mouvement social. « Ils ont les armes mais nous avons la force de nos peuples », a déclaré le président de Cuba, Miguel Diaz Canel, devant les « non-alignés » réunis en Azerbaïdjan. La preuve par Cuba, sur la ligne de front depuis soixante ans, que l’empire nord-américain étrangle chaque jour un peu plus.

Chaque semaine, une nouvelle mesure renforce le blocus. Isoler, affamer, désespérer, l’administration Trump ne recule devant rien, ne respecte rien, ni l’ONU, ni les règles de l’OMC, aucun traité international. Les gouvernants européens protestent timidement parfois mais laissent faire. Nous en appelons à la force des peuples, en premier lieu au nôtre, pour faire entendre le souffle de la solidarité

12:47 Publié dans Actualités, Amérique Latine, Politique, USA | Tags : amérique latine, pcf, fabien roussel | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg

07/01/2019

Amérique Latine : un continent "hors-radar" international ?

Amérique Latine.jpgPlus de 120 délégations pour Lula ou Dilma Roussef, une quarantaine et trois chefs d'Etat seulement pour l'investiture de Jaïr Bolsonaro au Brésil : malgré la visibilité de ses crises politiques, l'Amérique Latine en plein marasme économique est-elle aussi "hors-jeu" sur le plan international ?

Alors qu'avec l'investiture de Jaïr Bolsonaro au Brésil l'Amérique Latine perd un des principaux moteurs du multilatéralisme, Cuba fête sans fanfare les 60 ans de la révolution castriste. Au-delà de la coïncidence des calendriers, l'avènement d'un nouveau bilatéralisme promis par le Brésil et le renoncement annoncé de Cuba à l'économie socialiste d'Etat soulignent deux évolutions majeures de l'Amérique Latine ces dernières années : 

L’Amérique latine était arrivée sur les radars internationaux (diplomatiques, économiques, culturels) depuis les années 2000 et aujourd’hui revient à  la périphérie d’où elle était sortie à ce moment-là...   Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS

D'une part la stagnation économique guette la plupart des grandes économies, Mexique, Brésil, Argentine ou Chili, quand ce n'est pas la récession au Venezuela ou au Nicaragua (la croissance globale est de 0,5 % sur ces 5 dernières années). Elle finit par peser lourdement sur la possibilité de politiques sociales et le quotidien des populations qui émigrent vers les pays frontaliers. D'autre part, avec Jaïr Bolsonaro, le continent confirme un "basculement" vers la droite (extrême droite dans ce cas) d'un certain nombre de grands pays dirigés à partir des années 2000 par des gouvernements socialistes ou apparentés, devenus repoussoirs dans le contexte de scandales corruption et des campagnes électorales. 

L'affaiblissement diplomatique est important. Sur le continent, les principales institutions coopératives et multilatérales sont en salle d'attente (Unasur) ou hors-service (Celac). A leur place s'est substituée la ligue plus informelle du "Groupe de Lima", essentiellement focalisé sur la crise au Venezuela. Quant à la diplomatie non sud-américaine, de même que Jaïr Bolsonaro l'a annoncé pour le Brésil, certains Etats font de plus en plus le pari du bilatéralisme. Le rapprochement assumé avec les Etats-Unis de Donald Trump ou l'accueil des investissements chinois (tournée de Xi Jinping en décembre 2018) sont des paris à double tranchant pour des pays affaiblis ou isolés, présentant le risque d'un retour de "l'arrière-cour" pour l'un, du "piège de la dette" pour l'autre. 

Le constat tout à fait nouveau en Amérique latine est qu’apparaissent des phénomènes de migration intracontinentaux extrêmement importants. Certains sont connus (plusieurs centaines de milliers de Vénézuéliens ont quitté leur pays pour des raisons économiques), mais moins connues il y a également les nouvelles migrations d’Haïtiens et de Dominicains (qui ne peuvent plus se rendre aux Etats-Unis). Ils cherchent une porte de sortie vers le Brésil et le Chili, où ils ont déclenché des phénomènes de xénophobies, inconnus jusqu’ici….   Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS

Pendant ce temps, la Russie renforce ses positions militaires et économiques avec Cuba, et surtout le Venezuela où elle vient de tenir des manœuvres aériennes communes et où elle investira 6 milliards de dollars dans le secteur pétrolier.  

Sources France Culture

12:55 Publié dans Actualités, Amérique Latine, Histoire | Tags : amérique latine, histoire, société | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg

21/03/2016

En Amérique du Sud, c'est l'année de tous les dangers

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Au Brésil, l'opposition à Dilma rousseff, la présidente, a réuni plus de 3 millions de manifestants le 13 mars. A gauche, la mobilisation se prépare.

La droite revient en force, avec le soutien des puissances libérales états-uniennes. L'argentine, où le libéral Mauricio Macri veut briser l'héritage de Kirchner, le Brésil, où Lula est attaqué sans retenue, le Venezuela, où l'opposition orchestre le chaos, sont dans l'oeil du cyclone.

Cette année 2016 s'annonce très conflictuelle pour trois pays d'Amérique latine : Brésil, Venezuela et Argentine. « Nous sommes face à une attaque conservatrice qui souhaite empêcher une candidature de Lula à l'élection présidentielle en 2018 », affirme le dirigeant brésilien du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST), Joao Pedro Stedile. Une déstabilisation dénoncée par 14 anciens chefs d'État et de gouvernement latino-américains et européens (1). Ils ont publié, le 11 mars, une protestation contre la tentative « de détruire l'image de ce grand Brésilien et les avancées sociales que le Brésil a connues pendant ses deux mandats ».
 
BRÉSIL, UNE CRISE INCONTRÔLABLE ?
Le camp progressiste brésilien n'entend pas en rester là. Le 31 mars aura lieu une mobilisation nationale du Front Brésil populaire. Ses revendications? Celles proposées par les travailleurs. En avril, ce sera le tour des paysans. Pour Joao Pedro Stedile : « Le gouvernement de Dilma n'arrive pas à contrôler la crise et à avancer. Il a accepté l'agenda néolibéral avec la réforme du système de retraite et en signant un pacte avec la droite pour exclure l'entreprise Petrobras de l'exploration du Pré-Sal, ouvrant ainsi la porte aux entreprises multinationales. » Le Pré-Sal est un immense gisement de pétrole et de gaz naturel dont le potentiel est estimé à environ 1,6 milliard de mètres cubes, situé entre l'État de l'Espirito Santo et l'État de Santa Catarina au sud-est du Brésil. Il s'agit de la plus grande réserve de pétrole au monde dans des eaux maritimes.
 
VENEZUELA, LA GUÉRILLA COMME POLITIQUE
Au Venezuela, le scénario du chaos est savamment orchestré par la droite et l'extrême droite, qui tentent d'obtenir par la force leur retour au pouvoir. En 2002, elles s'étaient déjà essayées au coup d'État contre Hugo Chavez. Maurice Lemoine décrypte sur le site Mémoire des luttes cette stratégie (medelu.org) de radicalisation qui reprend fin 2013, après une énième défaite aux élections régionales et municipales qui ne sont pas pour autant le plébiscite attendu contre le président Maduro. « Le 23 janvier 2014, Leopoldo Lopez, l'un des dirigeants "ultras" de la MUD (Table de l'unité démocratique, droite ­ NDLR), incite ses militants à mettre en oeuvre le plan "la Salida" (la sortie), destiné, en créant le chaos, à pousser le chef de l'État à la démission.
 
Dès le 12 février 2014, sous les exhortations de ces meneurs, d'incessantes actions de guérilla urbaine mettent le feu à quelques villes ­ toutes entre les mains de l'opposition. Ces « guarimbas » (barricades faites de tout type de matériel et de pneus enflammés), cette vague de violences sauvages vont laisser dans leur sillage le lourd bilan de 43 morts (dont 9 fonctionnaires) et 878 blessés. » La victoire de la coalition d'opposition Mesa de la Unidad Democrática (MUD) aux élections législatives du 6 décembre dernier a débouché sur une Assemblée nationale contrôlée par des forces hostiles à la révolution bolivarienne. Depuis la victoire de Hugo Chavez en 1999, ce scénario n'a jamais eu lieu et elle conforte la droite et l'extrême droite dans leur stratégie.
 
ARGENTINE, UNE CHASSE AUX SORCIÈRES
En Argentine, le nouveau président de droite, Mauricio Macri, multiplie les attaques contre l'héritage des Kirchner. Près de trois mois après son arrivée au pouvoir, il a déjà licencié 45 000 salariés du secteur public, provoquant de nombreux mouvements sociaux. Face à la grève générale organisée par les principales organisations syndicales, les fédérations des professionnels de la santé et de l'éducation, les chercheurs fin février, cet ultralibéral a promis de poursuivre les suppressions de postes. Une intransigeance conforme à ce président qui gouverne par décrets (une centaine en moins de 100 jours). Dans un silence médiatique, Mauricio Macri a engagé une véritable chasse aux sorcières en arrêtant la dirigeante du mouvement social Tupac Amaru, Milagro Sala, députée du Parlement du MERCoSUR. Une véritable répression qui s'accompagne d'un limogeage de militants et d'une reprise en main de la presse avec le licenciement d'une série de journalistes parmi les plus connus dans les médias publics télévisés pour une vaste reprogrammation des contenus...
Cette contre-offensive de la droite en Amérique latine est due à un système capitaliste en crise. Faute d'issue, ce système cherche « à s'approprier les ressources naturelles importantes et détruire tout type de contrôle national sur les marchés pour recréer un marché mondial des marchandises, affranchi de tout contrôle, afin de garantir des profits illimités aux entreprises transnationales. D'où la multiplication des accords de libre-échange », analyse Joao Pedro Stedile. La bataille est donc lancée à l'échelle régionale.
 
(1) Cristina Kirchner (Argentine), Eduardo Duhalde (Argentine), Carlos Mesa (Bolivie), Ricardo Lagos (Chili), Ernesto Samper (Colombie), Mauricio Funes (El Salvador), Felipe Gonzalez (Espagne), Manuel Zelaya (Honduras), Massimo D'Alema (Italie), Martin Torrijos (Panama), Nicanor Duarte (Paraguay), Fernando Lugo (Paraguay), Leonel Fernandez (République Dominicaine), José Mujica (Uruguay), Juan Manuel Insulza (OEA, Organisation des états américains).
 
Vadim Kamenka
Dimanche, 20 Mars, 2016
Humanité Dimanche
 
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01/07/2015

Maurice Lemoine. Les Etats-Unis : la fabrique de coups d’état en amérique latine

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Journaliste et écrivain, spécialiste de l’Amérique Latine, ancien rédacteur en chef du « Monde diplomatique », Maurice Lemoine, qui couvre l’Amérique latine depuis quarante ans, publie une véritable enquête passionnante de 700 pages : « les Enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’État modernes et autres tentatives de déstabilisation ».

« Cours de rattrapage » ou « circuit découverte », d’après les mots de l’auteur, « les Enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’État modernes et autres tentatives de déstabilisation », livre érudit revient sur quasiment un siècle de tentatives des États-Unis pour contrôler ce qu’ils considèrent comme leur « arrière-cour». Un livre nécessaire pour comprendre ce qui se joue en ce moment, alors que la volonté d’émancipation n’a jamais été aussi forte et partagée en Amérique Latine.
 
HD. Pourquoi avoir choisi ce thème de la fabrication des coups d’État et des déstabilisations en Amérique latine ?
MAURICE LEMOINE. Il s’agit d’un « cours de rattrapage » pour ceux qui en sont restés à l’image du satrape chilien Augusto Pinochet ou au souvenir des dictateurs des années 1970-1980. Et d’un « circuit découverte » pour les jeunes générations qui n’ont pas connu cette période. D’autant plus nécessaire que partout la démocratie semble solidement réinstallée. Or, depuis qu’une vague de chefs d’État de gauche occupent le pouvoir, des coups d’État et des tentatives de déstabilisation ont affecté le Venezuela en 2002, Haïti en 2004, la Bolivie en 2008, le Honduras en 2009, l’Équateur en 2010 et le Paraguay en 2012. Sachant que trois présidents ont été renversés, Jean-Bertrand Aristide en Haïti, Manuel Zelaya au Honduras et Fernando Lugo au Paraguay. Qui le sait ? Pas grand monde ... Pourquoi ? Parce que les États-Unis et leurs alliés locaux emploient des méthodes beaucoup plus sophistiquées qu’auparavant. Elles sont certes moins sanglantes, mais tout aussi condamnables si l’on considère que les peuples, par la voie démocratique, ont le droit de choisir leurs dirigeants. Il s’agit donc ici de dévoiler et dénoncer les techniques employées.
 
HD. Très documentées, ces 700 pages retracent avec un style proche du roman d’espionnage l’histoire de l’Amérique latine. Combien d’années cela prend-il d’écrire un tel livre ?
M. L. S’agissant du style, j’ai toujours considéré qu’il n’est pas nécessaire d’être pontifiant, sentencieux, dogmatique et mortellement ennuyeux pour traiter sérieusement de sujets sérieux. On n’attrape pas le lecteur avec du vinaigre, si vous me passez l’expression. Ce qui n’empêche nullement la rigueur. Par ailleurs, un journaliste n’est pas un maître à penser. S’il arrive à une conclusion, dans ce cas « politique », il doit clairement montrer comment il y parvient: c’est-à-dire raconter. Partir des faits. Remonter la chaîne des événements, des causes et des conséquences. Les connaître dans la durée pour ne pas s’en tenir à l’écume du présent. De sorte que si l’écriture matérielle de ce livre a dû prendre un an ou un an et demi (en fait, je n’en sais trop rien), il est le résultat de quatre décennies de fréquentation du terrain des résistances et des luttes (mais aussi de la musique, du rhum et des éclats de rire) – sans parler de la lecture d’une pléthore d’ouvrages dont témoigne l’imposante bibliographie.
 
« CE LIVRE EST LE RÉSULTAT DE QUATRE DÉCENNIES DE FRÉQUENTATION DU TERRAIN DES RÉSISTANCES ET DES LUTTES. »
 
HD. Est-ce pour tenter de sortir une partie des médias européens, notamment français, d’une certaine apathie par rapport à la politique des États-Unis sur ce continent ?
M. L. Apathie ? Que non pas. Complicité objective! Les uns et les autres ont un ennemi commun: les politiques de gauche – rebaptisées « populisme » pour les disqualifier. D’où, à longueur de colonnes et de « JT », le déploiement d’un catalogue de clichés encore plus épais que celui de La Redoute! D’où, par exemple, l’interprétation partielle et partiale des événements qui affectent actuellement le Venezuela, quand la tentative de déstabilisation du président Nicolas Maduro (comme hier d’Hugo Chavez) par l’extrême droite devient une « société civile » et de « gentils étudiants » aux prises avec un gouvernement répressif et autoritaire.
 
HD. Comment expliquez-vous la relative indifférence de l’Europe vis-à-vis de la politique interventionniste voire putschiste des États-Unis et même d’une partie de la gauche ?
M. L. Par les raisons idéologiques précédemment évoquées. Par la dérive néolibérale de la socialdémocratie, tant latino-américaine qu’européenne. Pour les plus lucides, soumis à la pression du « prêt-à-penser », par la prudence, la crainte de se retrouver dans « le mauvais camp », le souci de conformité. Et, pour beaucoup, par l’absence de mémoire – d’où la nécessité d’écrire (et de lire!) ce bouquin. Un exemple ? Le sabotage économique qui provoque aujourd’hui pénuries et files d’attente au Venezuela est l’exacte réplique de la politique appliquée au début des années 1960 à Cuba après que Washington a secrètement déterminé que « le seul moyen envisageable de détourner le soutien interne est de créer la désillusion et le mécontentement fondés sur l’insatisfaction économique et les privations (...) pour provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement »... Méthode également employée dans les années 1970 contre Salvador Allende.
 
« LE SABOTAGE ÉCONOMIQUE QUI PROVOQUE DES PÉNURIES AU VENEZUELA EST L’EXACTE RÉPLIQUE DE LA POLITIQUE APPLIQUÉE EN 1960 À CUBA. »
 
HD. L’unité actuelle de l’Amérique latine lui permet de résister mais jusqu’à quand si, comme pour la Grèce, la désinformation continue ? Pourrait-on imaginer retrouver, comme vous l’écrivez, ce « peuple qui discute avec le peuple », paraphrasant Sartre, et mettre à mal le fameux TINA (le « there is no alternative » de Thatcher – il n’y a pas d’alternative) ?
M. L. Aux lecteurs qui ne connaissent pas l’Amérique latine et ne sont pas obligés de me croire sur parole, je dirai ceci: si vous bouillez d’indignation quand nos éditorialistes « respectables », « objectifs », « impartiaux » et surtout omniprésents mettent sur le même plan le Front de gauche et le Front national, vous pouvez parfaitement comprendre la nature du traitement appliqué à Chavez, Maduro, l’Argentine Cristina Kirchner, l’Équatorien Rafael Correa, le Bolivien Evo Morales et, à travers eux, aux peuples qui les ont élus. Cela étant, si les médias influencent l’opinion publique, ils ne la transforment pas radicalement: là-bas, malgré quinze années d’attaques incessantes des médias pour le compte des groupes économiques qui les possèdent et les contrôlent, la gauche latino-américaine a effectivement résisté. Sans doute parce qu’elle s’est attaquée à un sujet encore tabou chez nous: la démocratisation de l’information. Contrairement à ce que prétendent ceux qu’inquiète cette perte de leur monopole, il ne s’agit pas de remettre en cause la « liberté d’expression », mais de faire renaître un pluralisme qui n’existe plus (ou quasiment plus) aujourd’hui.
 
HD. En Europe, comme en Amérique latine durant des décennies, la démocratie est sous la coupe des marchés; peut-on alors espérer un jour écrire le même type d’ouvrage sur l’Europe avec l’espoir qu’une gauche de rupture arrive au pouvoir démocratiquement ?
M. L. On prétend qu’il y a en France la droite, la gauche et la gauche de la gauche. C’est erroné. Il y a la droite, la « deuxième droite » et la gauche. Appelons les choses par leur nom. C’est pour avoir fait un constat peu ou prou similaire que les Latino-Américains, il y a une quinzaine d’années, ont choisi la rupture et ... sont arrivés au pouvoir démocratiquement.
 
Entretien réalisé par Vadim Kamenka pour l'Humanité
 
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