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23/09/2013

Cuba et la rhétorique des droits de l’Homme

cuba,usa,colombie,brésil,libertésEn Occident, le nom de Cuba est inévitablement associé à la problématique des droits de l’homme. Les médias européens et étasuniens stigmatisent la plus grande île des Caraïbes de manière réitérée sur cette question.

Aucun pays du continent américain n’est autant pointé du doigt que la patrie de José Martí, qui dispose d’une couverture médiatique disproportionnée par rapport à sa taille. En effet, des événements qui passeraient inaperçus dans n’importe quel autre pays d’Amérique latine ou du monde sont relayés par la presse internationale quand il s’agit de Cuba.

Ainsi, le suicide en février 2010 d’Orlando Zapata Tamayo, un prisonnier condamné pour des délits de droit commun, à Cuba a été bien plus médiatisé que la découverte en janvier 2010 d’un charnier de 2000 corps de syndicalistes et de militants de droits de l’homme assassinés par l’armée en Colombie.

De la même manière, les manifestations d’opposants cubains apparaissent régulièrement dans la presse occidentale qui, en même temps, censure les exactions commises – plus de 500 cas d’assassinats et de disparitions ! – par la junte militaire, de Roberto Micheletti d’abord, et de Porfirio Lobo qui gouverne actuellement le Honduras après le coup d’Etat de juin 2009 contre le président démocratiquement élu José Manuel Zelaya1.

Les Etats-Unis justifient officiellement l’imposition des sanctions économiques, en vigueur depuis juillet 1960 et qui affectent toutes les catégories de la société cubaine, en particulier les plus vulnérables, en raison des violations des droits de l’homme. De 1960 à 1991, Washington a expliqué que l’alliance avec l’Union soviétique était la raison de son hostilité à l’égard de Cuba. Depuis l’effondrement du bloc de l’Est, les différentes administrations, de Georges H. W. Bush à Barack Obama, ont utilisé la rhétorique des droits de l’homme pour expliquer l’état de siège anachronique, qui loin d’affecter les dirigeants du pays, fait payer le prix des divergences politiques entre les deux nations aux personnes âgées, aux femmes et aux enfants2.

De son côté, l’Union européenne impose une Position commune – la seule au monde ! – depuis 1996 au gouvernement cubain, qui limite les échanges bilatéraux, pour les mêmes raisons. Cette stigmatisation constitue le pilier de la politique étrangère de Bruxelles à l’égard de La Havane et représente le principal obstacle à la normalisation des relations bilatérales. Entre 2003 et 2008, l’Union européenne a également imposé des sanctions politiques, diplomatiques et culturelles à Cuba en raison des « violations des droits de l’homme3 ».

Une stigmatisation légitime ?

          cuba,usa,colombie,brésil,libertés  Il ne s’agit pas d’affirmer que Cuba est irréprochable sur la question des droits de l’homme et qu’aucune violation n’y est commise. En effet, Cuba est loin d’être une société parfaite et il y existe des atteintes à certains droits fondamentaux.

Néanmoins, Il convient de se questionner sur les raisons d’une telle stigmatisation de la part des médias occidentaux, des Etats-Unis et de l’Union européenne. Cuba présente-t-elle une situation des droits de l’homme particulière ? Est-elle pire que celle du reste du continent ? Washington, Bruxelles et la presse occidentale sont-ils réellement préoccupés par cela ? Disposent-ils d’une autorité morale suffisante pour s’ériger en donneurs de leçons ?

Pour répondre à ces questions, le rapport d’Amnistie Internationale (AI) de 2010 apporte un éclairage intéressant. Dix pays – cinq du continent américain : le Canada, les Etats-Unis, le Mexique, le Brésil et la Colombie, et cinq de l’Union européenne : la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et la République tchèque (leader du front des nations opposées à la normalisation des relations avec Cuba) seront soumis à une analyse comparative4.

Les droits de l’homme à Cuba

            Selon AI, il existe de « sévères restrictions sur les droits civils et politiques » à Cuba. AI recense « 55 prisonniers d’opinion […] incarcérés pour le seul fait d’avoir exercé de manière pacifique leur droit à la liberté d’expression5 ». Dans une déclaration du 18 mars 2008, AI reconnaît néanmoins que ces personnes ont été condamnées « pour avoir reçu des fonds ou du matériel du gouvernement américain pour des activités perçues par les autorités comme subversives ou faisant du tort à Cuba6 », ce qui constitue un délit d’ordre pénal à Cuba mais également dans n’importe quel autre pays du monde.

L’organisation souligne également que « nombre [d’opposants] ont déclaré avoir été battus lors de leur arrestation ». De graves restrictions pèsent encore sur la liberté d’expression, d’après AI, car « tous les grands médias et Internet demeur[ent] sous le contrôle de l’État ». Par ailleurs, les sites des opposants sont bloqués à Cuba et ne sont accessibles que depuis l’étranger. Plusieurs dissidents ont été arrêtés puis relâchés. AI dénonce également les manœuvres d’intimidation à leur encontre. En outre, « les restrictions au droit de circuler librement ont empêché des journalistes, des défenseurs des droits humains et des militants politiques de mener à bien des activités légitimes et pacifiques ». Ainsi, l’opposante Yoani Sánchez n’a pas été autorisée à quitter le pays pour recevoir un prix aux Etats-Unis7.

            AI rappelle néanmoins qu’en mai 2009, Cuba « a été réélu au Conseil des droits de l’homme [ONU] pour un nouveau mandat de trois années », illustrant ainsi que la majorité de la communauté internationale ne partage pas l’avis de Bruxelles et de Washington au sujet de la situation des droits de l’homme à Cuba8.

            Enfin, AI reconnaît que les sanctions économiques imposées par les Etats-Unis ont « toujours des effets négatifs sur les droits économiques et sociaux des Cubains. La législation américaine restreignant les exportations vers l’île de produits et de matériel fabriqués ou brevetés par les États-Unis continu[e] d’entraver l’accès aux médicaments et aux équipements médicaux ». AI ajoute que les agences des Nations unies présentes à Cuba sont « également pénalisées par l’embargo9 ».

            Ainsi, comme l’illustre le rapport d’AI, Cuba n’est pas irréprochable en matière de respect des droits de l’homme.

Les droits de l’homme sur le continent américain

            Il convient désormais de mettre en perspective la réalité cubaine avec la problématique du continent à ce sujet.

            Les Etats-Unis

           usamisere.jpg D’après AI, 198 personnes sont toujours détenues illégalement sur la base navale de Guantanamo, sans inculpation, et ce depuis sept ans. Au moins cinq détenus se sont suicidés dans la prison de Guantanamo. Par ailleurs, plusieurs prisonniers ont été jugés par des tribunaux militaires qui n’offraient pas toutes les garanties d’un procès équitable10.

            De plus, « plusieurs centaines de personnes, dont des enfants, étaient toujours détenues par les forces américaines sur la base aérienne de Bagram, en Afghanistan, sans avoir la possibilité de consulter un avocat ou d’être présenté devant un juge11 ».

            AI a également dénoncé le « programme de détentions secrètes de la CIA » et a révélé les « actes de torture et autres formes de mauvais traitements infligés aux personnes détenues ». Elle cite deux exemples : «  Parmi les techniques autorisées figuraient la nudité forcée, la privation prolongée de sommeil et le waterboarding (simulacre de noyade). […]Abu Zubaydah […] avait été soumis à cette dernière technique plus de 80 fois en août 2002 et Khaled Sheikh Mohammed 183 fois en mars 2003 ». Les auteurs de ces actes ne seront pas poursuivis par la justice comme l’ont déclaré Barack Obama et le ministre de la Justice Eric Holder12.

            AI remarque que « l’impunité et l’absence de voies de recours persistaient pour les violations des droits humains perpétrées dans le cadre de ce que le gouvernement du président Bush appelait la « guerre contre la terreur ». L’organisation ajoute que « le nouveau gouvernement a bloqué la publication d’un certain nombre de photos montrant les sévices infligés à des personnes détenues par les États-Unis en Afghanistan et en Irak13 ».

            AI dénonce également les actes de « torture et autres mauvais traitements », commis sur le territoire des Etats-Unis par les forces de l’ordre à l’encontre de citoyens américains. « Au moins 47 personnes sont mortes après avoir été neutralisées au moyen de pistolets Taser, ce qui portait à plus de 390 le nombre total de personnes décédées dans des circonstances analogues depuis 2001 ». AI ajoute que « parmi les victimes figuraient trois adolescents non armés qui avaient commis des délits mineurs ainsi qu’un homme apparemment en bonne santé auquel des policiers de Fort Worth, au Texas, ont administré des décharges électriques pendant 49 secondes sans interruption, en mai14 » 2009.

            L’organisation internationale pointe du doigt les conditions de détention aux Etats-Unis. Selon elle, « ses milliers de prisonniers étaient maintenus à l’isolement prolongé dans des prisons de très haute sécurité où, dans bien des cas, les conditions de vie bafouaient les normes internationales selon lesquelles les détenus doivent être traités avec humanité ». Ainsi « de très nombreux détenus […] dont beaucoup souffraient de troubles mentaux, étaient maintenus à l’isolement depuis 10 ans ou plus, 23 heures sur 24, sans soins adéquats et sans que leur situation ait été réexaminée en bonne et due forme ». Ces derniers « n’avaient la possibilité ni de travailler, ni de se former, ni de se distraire et n’avaient que très peu de contacts avec le monde extérieur15 ».

            Selon AI, « des dizaines de milliers de migrants, dont des demandeurs d’asile, étaient régulièrement incarcérés, en violation des normes internationales. Beaucoup étaient détenus dans des conditions extrêmement dures, pratiquement privés d’exercice, d’accès aux soins et de la possibilité d’obtenir une assistance juridique16 ».

            Par ailleurs, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a dénoncé plusieurs cas d’exécutions extrajudiciaires commises par les forces de l’ordre à l’encontre de migrants. « Le nombre de morts en détention était supérieur aux 74 cas recensés par les autorités depuis 2003 », note AI17.

            AI évoque les discriminations faites aux femmes issues des minorités en termes de droit à la santé. Ainsi, « le nombre de décès évitables dus à des complications liées à la grossesse restait élevé ; plusieurs centaines de femmes sont mortes au cours de l’année. Des disparités liées aux revenus, à la race, à l’origine ethnique ou nationale existaient dans l’accès aux soins médicaux pour les femmes enceintes ; le taux de mortalité maternelle était près de quatre fois plus élevé chez les Afro-Américaines que chez les femmes blanches ». AI ajoute également que 52 millions de personnes de moins de 65 ans n’avaient pas d’assurance maladie, « un chiffre en augmentation par rapport à l’année précédente18 ».

            Selon AI, un objecteur de conscience a été condamné à un an de prison pour avoir refusé de servir en Afghanistan. L’organisation dénonce également les procès inéquitables à l’encontre de Leonard Peltier, détenu depuis 32 ans, « malgré les doutes quant à l’équité de sa condamnation en 1977 ». AI note également que la Cour suprême fédérale a refusé d’examiner l’appel interjeté par cinq prisonniers politiques cubains, Gerardo Hernández, Ramón Labañino, Antonio Guerrero, René González et Fernando González, condamnés à de longues peines de prison alors que « le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] avait conclu, en mai 2005, que la détention de ces cinq hommes était arbitraire car ils n’avaient pas bénéficié d’un procès équitable19 ».

            Par ailleurs, la peine de mort continue à être appliquée aux Etats-Unis. Ainsi, 52 personnes ont été exécutées en 200920.

            Le Brésil

            La situation au Brésil fait également l’objet d’un rapport. AI fait état « d’un usage excessif de la force, d’exécutions extrajudiciaires et d’actes de torture de la part de la police ». Les forces de l’ordre « ont continué à se livrer à des violations massives », et des « centaines d’homicides n’ont pas fait l’objet d’enquêtes sérieuses et les suites judiciaires ont été inexistantes ou presque ». Ainsi, « à Rio de Janeiro, en 2009, la police a ainsi tué 1 048 personnes ». A Sao Paolo, « ce chiffre s’élevait à 543, soit une augmentation de 36 % par rapport à 2008 ». Par ailleurs, « les homicides imputables à la police militaire auraient quant à eux augmenté de 41 %21 ».

            L’organisation dénonce également « l’augmentation du nombre de milices – groupes paramilitaires armés composés en grande partie d’agents de la force publique agissant hors service » qui « usant de leur pouvoir sur la population pour en retirer des avantages économiques et politiques illicites, […] ont mis en danger la vie de milliers d’habitants et les institutions mêmes de l’État22 ».

            Au Brésil, « les conditions de détention restaient cruelles, inhumaines ou dégradantes. La torture était régulièrement employée lors des interrogatoires ou à des fins d’extorsion, ou pour punir, contrôler ou humilier », selon AI, en plus du problème de surpopulation23.

            Par ailleurs, « des litiges fonciers ont cette année encore été à l’origine d’atteintes aux droits fondamentaux commises tant par des tueurs professionnels à la solde de propriétaires terriens que par des policiers ». Pas moins de 20 personnes ont été assassinées en 200924.

 

            Selon AI, les droits des travailleurs ont été bafoués et des « milliers de travailleurs étaient maintenus dans des conditions s’apparentant à de l’esclavage ». Le droit à un logement convenable n’est pas non plus respecté. Par ailleurs, « de graves atteintes aux droits des populations indigènes étaient toujours commises dans l’État du Mato Grosso do Sul ». AI évoque plusieurs cas de disparition de militants indigènes25.

            Le Canada

            Selon AI, les autorités canadiennes « n’ont pas veillé au respect des droits des peuples autochtones lors de la délivrance d’autorisations pour l’exploitation des mines, des forêts, du pétrole et d’autres ressources naturelles. Le gouvernement a continué d’affirmer, sans fondement, que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne s’appliquait pas au Canada26 ».

            L’organisation dénonce également les discriminations à l’égard des indigènes et notamment des enfants. Par ailleurs, l’exploitation par la force du pétrole et du gaz se trouvant sur les terres des Cris du Lubicon a contribué à « une mauvaise santé et à une pauvreté très fréquentes chez eux27 ».

            Le droit des femmes est régulièrement violé au Canada. Ainsi, « les femmes, jeunes filles et fillettes autochtones étaient toujours nombreuses à subir des violences » et « le gouvernement canadien n’a pris aucune mesure en vue de mettre en place un plan d’action national complet pour lutter contre la violence et la discrimination28 ».

            Le Canada s’est également rendu complice d’actes de torture en livrant des suspects aux autorités afghanes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme29.

            Par ailleurs, les forces de police se sont rendues responsables d’un assassinat d’un suspect en lui administrant une décharge électrique à l’aide de pistolets Taser30.

            La Colombie

            colombie2-diocese-de-medellin.jpgEn Colombie, la population civile est « victime de déplacements forcés, d’attaques aveugles, de prises d’otages, de disparitions forcées, d’enrôlement forcé de mineurs, de violences sexuelles à l’égard des femmes et d’homicides », commis par les forces de sécurité, les paramilitaires et la guérilla31.

            AI dénombre 20 000 cas de disparitions forcées et 286 000 cas de personnes déplacées. L’organisation souligne que « le gouvernement a refusé de soutenir une proposition de loi prévoyant l’octroi de réparations aux victimes du conflit sur une base non discriminatoire, c’est-à-dire sans aucune distinction selon que les auteurs des violations sont des agents de l’État ou non. Le texte a été rejeté par le Congrès en juin32 ».

            Par ailleurs, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones a qualifié la situation des droits des peuples indigènes de Colombie comme étant « grave, critique et profondément préoccupante ». AI note qu’« au moins 114 hommes, femmes et enfants indigènes ont été tués en 2009, un chiffre en hausse par rapport à l’année 200833 ».

            Le Département administratif de sécurité, qui opère sous l’autorité directe du chef de l’État, est impliqué dans « une vaste affaire d’espionnage illégal, mené sur une longue période. Au nombre des victimes figuraient des défenseurs des droits humains, des membres de l’opposition politique, des juges et des journalistes, dont on cherchait ainsi à restreindre, voire à neutraliser, l’action. Ces manœuvres auraient été effectuées avec l’étroite collaboration de groupes paramilitaires. Des membres des milieux diplomatiques et des défenseurs étrangers des droits humains ont également été pris pour cibles ». AI ajoute que « Certains militants espionnés par le Département administratif de sécurité avaient reçu des menaces de mort et fait l’objet de poursuites pénales pour des motifs fallacieux34 ».

            En 2009, 80 membres du Congrès ont fait l’objet d’une « information judiciaire en raison de leurs liens présumés avec des groupes paramilitaires ». Plusieurs magistrats participant à l’enquête ont reçu des menaces de mort, selon AI35.

            Plus de 2 000 exécutions extrajudiciaires ont été commises par les forces de sécurité. « Le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a déclaré que ces homicides étaient commis par un nombre important d’éléments de l’armée ».            L’armée a continué de collaborer avec les groupes paramilitaires, lesquels se sont rendus coupables de « massacres ». Au moins 8 militants des droits de l’homme et 39 syndicalistes ont été assassinés en 2009. AI note que « l’impunité dont jouissaient les auteurs de violations restait source de profonde préoccupation36 ».

            Le Mexique

            Au Mexique, plus de 6 500 personnes ont été tuées dans des violences liées au narcotrafic. AI évoque des « violations des droits humains commises par des militaires, notamment des exécutions extrajudiciaires et d’autres homicides illégaux, des disparitions forcées, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que des détentions arbitraires ». L’organisation ajoute que « des victimes et des proches de victimes ont reçu des menaces après avoir tenté de déposer plainte » et déplore « l’impunité dont jouissent les coupables37 ».

            AI affirme que « plusieurs cas de violations des droits humains – disparition forcée, recours excessif à la force, torture et autres mauvais traitements et détention arbitraire, notamment – imputables à des agents de la police municipale, fédérale ou des États ont été signalés ». De plus, « les promesses des autorités, qui s’étaient engagées à mener une enquête sur toutes les allégations de torture, sont restées lettre morte38 ».

            Les migrants ont également été victimes des autorités mexicaines. Ils ont subi des « brutalités, menaces, enlèvement, viol et assassinat, entre autres – perpétrés essentiellement par des groupes de criminels mais aussi par certains fonctionnaires ». AI souligne par ailleurs que « deux défenseurs des droits fondamentaux des indigènes ont été enlevés, torturés et assassinés à Ayutla ». AI note également qu’« à la fin de l’année, Raúl Hernández, prisonnier d’opinion et militant d’une autre organisation locale de défense des droits des populations indigènes, se trouvait toujours en prison sur la base d’une accusation de meurtre forgée de toutes pièces39 ».

            Au Mexique, plusieurs journalistes ont été menacés, agressés et enlevés, selon AI, tout particulièrement ceux qui « s’intéressaient aux questions de sécurité publique et de corruption ». Au moins 12 journalistes ont été assassinés en 2009. De plus, « les enquêtes ouvertes sur les meurtres, les enlèvements et les menaces dont les professionnels des médias faisaient l’objet donnaient rarement lieu à des poursuites, ce qui contribuait à entretenir un climat d’impunité40 ».

            AI dénonce les discriminations et violences commises à l’égard des peuples indigènes, spoliés de leurs terres et de leurs habitations par les autorités, « le but étant d’exploiter les ressources locales41 ».

            Les femmes et les filles sont constamment victimes de violences. « De très nombreux cas d’assassinat de femmes après enlèvement et viol ont été signalés dans les États de Chihuahua et de Mexico », remarque AI. Mais, « l’impunité demeurait la norme pour les meurtres de femmes et les autres crimes violents dont elles étaient victimes ». Par ailleurs, 14 des 31 Etats du Mexique refusent d’appliquer la loi de dépénalisation de l’avortement42.

Conclusion

            Le rapport d’Amnistie Internationale est édifiant à plusieurs égards. Tout d’abord, on découvre que si l’organisation recense certaines violations des droits humains à Cuba, l’île des Caraïbes est loin d’être le mauvais élève du continent. Ce constat remet donc en cause la stigmatisation des médias occidentaux, de Washington et de Bruxelles à l’égard de La Havane.

Ainsi, la presse occidentale trompe l’opinion publique en présentant Cuba comme étant le principal violateur des droits humains sur le continent américain. Les Etats-Unis, de leur côté, ne peuvent en aucun cas justifier l’imposition des sanctions économiques en raison de la situation des droits de l’homme dans l’île et doivent y mettre un terme. En effet, non seulement ils ne disposent d’aucune autorité morale pour disserter sur cette question au regard de leur propre situation, mais en plus la plupart des pays du continent présentent une situation pire que celle de Cuba.

Quant à l’Union européenne, elle doit éliminer la Position commune qui est discriminatoire et peu crédible et normaliser les relations avec La Havane. Il convient désormais d’évaluer l’autorité de Bruxelles sur cette question.

A suivre « Cuba et la rhétorique des droits de l’homme (2/2) »

Notes

1 Salim Lamrani, « Cuba, les médias occidentaux et le suicide d’Orlando Zapata Tamayo », Voltaire, 1er mars 2010.

2 Salim Lamrani, Cuba. Ce que les médias ne vous diront jamais (Paris : Editions Estrella, 2009), pp. 121-134.

3 Ibid., pp. 21-36.

4 Amnesty International, « Rapport 2010. La situation des droits humains dans le monde », mai 2010. http://thereport.amnesty.org/sites/default/files/AIR2010_...  (site consulté le 7 juin 2010).

5 Ibid., pp. 87-88.

6 Amnesty International, « Cuba. Cinq années de trop, le nouveau gouvernement doit libérer les dissidents emprisonnés », 18 mars 2008. http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/cuba-c...(site consulté le 23 avril 2008).

7 Amnesty International, « Rapport 2010. La situation des droits humains dans le monde », op. cit., pp. 87-88.

8 Id.

9 Id.

10 Ibid., pp. 105-09

11 Id.

12 Id.

13 Id.

14 Id.

15 Id.

16 Id.

17 Id.

18 Id.

19 Id.

20 Id.

21 Ibid., pp. 48-52.

22 Id.

23 Id.

24 Id.

25 Id.

26 Ibid., pp. 62-63.

27 Id.

28 Id.

29 Id.

30 Id.

31Ibid., pp. 72-76

32 Id.

33 Id.

34 Id.

35 Id.

36 Id.

37 Ibid., pp. 210-14.

38 Id.

39 Id.

40 Id.

41 Id.

42 Id.

 

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Salim Lamrani
est enseignant chargé de cours à l’Université Paris-Sorbonne-Paris IV et l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et journaliste français, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba. Ce que les médias ne vous diront jamais (Paris : Editions Estrella, 2009).

 

Article publié dans Médiapart

13/09/2013

SURINAM : Un encombrant président pour l'Amérique du Sud

surinambouterse.pngDepuis le 30 août, la présidence tournante de l'Union des nations sud-américaines (Unasur) revient au Surinam, c'est-à-dire à son chef d'Etat, le colonel Desi Bouterse, 67 ans. Hélas, le nouveau représentant de l'Amérique du Sud ne pourra pas beaucoup voyager, car pèse sur lui un mandat d'arrêt international.

En 1999, il avait été condamné par contumace à onze ans de prison pour trafic de cocaïne par la justice des Pays-Bas. A en croire les télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks en 2011, la condamnation n'a pas dissuadé le colonel de persévérer. C'est une affaire de famille : son fils, Dino Bouterse, condamné en 2005, puis libéré pour bonne conduite, vient d'être arrêté au Panama, extradé vers les Etats-Unis et déféré devant un tribunal de New York, le 30 août. La charge reste la même : narcotrafic.

Extrait d'un article du Monde

LE SURINAM

SURINAMCARTE.gifLe Suriname, ou Surinam, en forme longue la République du Suriname, en néerlandais Suriname et Republiek Suriname, anciennement Guyane néerlandaise avant l'indépendance, est un pays situé en Amérique du Sud..

C’est une ancienne colonie hollandaise, est un État du nord-est de l'Amérique du Sud, limité au nord par l'océan Atlantique, à l'est par la Guyane française, au sud par le Brésil, et à l'ouest par le Guyana.

La superficie totale du Surinam est de 163 000 km2. La capitale est Paramaribo.

Trois bandes différentes sont parallèles au rivage long de 400 km: le littoral formé d'une succession de plaines et de cordons littoraux, bordés de mangroves puis la Savannah, vaste plate-forme couverte de forêts et enfin le Bush, lambeau du bouclier guyanais, recouvert d'une épaisse forêt équatoriale.

Comme pour la Guyane française, le climat est équatorial, chaud et humide. Les précipitations sont abondantes et durent d'avril à août et de décembre à février.

Les principales ressources naturelles du Surinam sont la bauxite (transformée en aluminium), le minerai de fer, le cuivre, le nickel, ainsi que le bois précieux des immenses forêts. L'agriculture est essentiellement pratiquée dans la plaine côtière et dans les vallées : le riz est la culture principale, puis viennent le cacao, le café, les agrumes, les bananes et la canne à sucre. La pêche à la crevette est pratiquée le long des côtes.

suriname-village.jpgLa population du Surinam s'élève à 415 000 habitants. Les groupes ethniques les plus représentés sont les Hindo-Pakistanais, qui constituent environ 37% de la population, et les créoles (d'origine à la fois africaine et amérindienne), qui représentent 31% de la population. On trouve également des Indonésiens (15%), des Noirs africains, descendants des esclaves qui s'étaient enfuis en migrant vers l'intérieur des terres (10%), des Amérindiens, les descendants des tribus indigènes (3%), des Chinois (2%) et des Européens (1%).

La langue officielle est le néerlandais; cependant, une grande partie de la population utilise également le créole, appelé Taki Taki ou sranan-tongo.

L'unité monétaire est la guinée du Surinam ou florin.

paramaribo_779088c.jpgParamaribo ou ville des fleurs en langue indienne a su conserver la majorité de ses bâtiments en bois de style colonial. Une visite s'impose au marché central plein de relents d'épices hindoux. Le palais présidentiel est à admirer ainsi que la cathédrale romaine tout en bois et le temple hindou.

Le Suriname est une démocratie établie par la constitution de 1987. Le corps législatif est l'Assemblée nationale, composée de 51 membres élus tous les cinq ans.

L'Assemblée nationale élit le chef de l'exécutif, le président, par une majorité des deux tiers. Si aucun candidat n'atteint une telle majorité, le président est élu par l'Assemblée du peuple, une institution de 340 personnes composée de l'Assemblée nationale et de représentants régionaux.

Le Suriname est membre de la Caricom, le marché commun caribéen.

Mai 2010 : Élections générales qui placent la coalition de Dési Bouterse en tête, mais sans majorité absolue. Celui-ci est néanmoins élu président de la République en juillet.

 

22/08/2013

Que se passe-t-il en Bolivie ?

bolivie3.jpgDe quel pays est donc ce Président auquel les autorités françaises ont dû présenter des excuses pour l'interdiction de survol du territoire par son avion présidentiel ?

Les peuples des différents pays du continent latino-américain cherchent à sortir du néolibéralisme, de la privatisation, de la concentration des richesses, du libre marché à outrance. C’est commun à l’Argentine, au Brésil, à l’Équateur, à l’Uruguay, à sa façon.

La différence qu'assume la Bolivie, c'est qu'elle veut faire de l'après néolibéralisme une étape vers l'après capitalisme. Alors que d’autres voient dans seulement dans l'après néolibéralisme comme un capitalisme plus social.

La composante révolutionnaire la plus importante de ce qui se déroule en Bolivie, c'est la décolonisation de l'État

Cela signifie que les nations et les identités culturelles indigènes qui ont toujours été marginalisées dans les structures de pouvoir, assurent aujourd’hui la conduite de l’organisation politique, culturelle et, progressivement, de l’organisation économique du pays, en lien avec d’autres secteurs non indigènes de la société.

Et que le processus est engagé de transformation du système de l’enseignement, du système de valeurs rompant avec la logique de la couleur de peau comme capital  : la couleur blanche, plus puissante, et la couleur plus sombre, plus dévaluée et opprimée. Cette logique de la race comme capital, qui est le propre des sociétés coloniales, est en train d’être démolie en Bolivie.

L'État de Bolivie est un État «  plurinational  » parce qu'il associe la présence – dans la structure étatique, dans son système politique, dans sa conception de l'histoire, dans la distribution des ressources – des différentes nations indigènes qui composent la société bolivienne. C’est la marque d’une vigueur et d’une mise en responsabilité politique des identités nationales indigènes à l’intérieur de l’État.

Par exemple, la forme d’élection des membres du Parlement. Une partie est élue au scrutin individuel, à bulletin secret. Une autre est élue par des assemblées (communautés ou syndicats).

Avec pour corollaire : la prise de décision. Les syndicats et les structures communautaires sont consultés directement par le gouvernement pour définir les stratégies d’investissements publics et de distribution des terres : il y a dix ans, un décret sur la terre a été écrit, en consultation avec le FMI et la Banque mondiale. Aujourd’hui, on les écrit avec les organisations sociales.

bolivie1.jpgLa deuxième composante de la transformation du pays,via la nationalisation et l’étatisation, l’extension des biens communs de la société, de la richesse commune.

Les secteurs stratégiques sont passés du privé au contrôle de l’État. Il s'agit d'un point de passage de la propriété de l’État à la propriété sociale. Car la propriété de l’État ne représente pas une propriété sociale. C’est un type de monopole qui permet, à l’étape actuelle, de redistribuer la richesse, d’améliorer les conditions de vie des plus humbles. Mais ce n’est qu’une étape.

La troisième composante de la révolution, c'est la volonté politique de construire une société communautaire,

pas seulement dans le champ politique, mais également dans la gestion de l’économie. Il s'agit d'associer les composantes pré-capitalistes de la production aux composantes d'accumulation capitaliste et étatique de redistribution des richesses (ce qui demeure capitaliste) et les composantes d'avant-garde encore dispersées d’une logique du travail agraire qui est en connexion avec la nature.

Cette révolution rencontre des contradictions qu'il s'agit de reconnaître afin de mieux trouver leurs solutions

boliviecarte.jpgPar exemple la nécessité de l'accumulation rencontre sur son chemin celle de la redistribution de la richesse pour mieux satisfaire les besoins. Valeur d'échange opposée à la valeur d'usage, donc. À terme, la valeur d'usage doit s'imposer. C’est une contradiction qui traverse l’État, la gestion de l’économie, les communautés, les usines.

Autre confrontation entre la lutte sociale pour l’extension des biens communs et la lutte sociale pour l’appropriation individuelle ou corporatiste de ces mêmes biens communs.

Au moment des mobilisations sociales – dans les années 2000 –, les paysans, les Indigènes, des plaines comme des plateaux, les ouvriers, ont brandi le drapeau universaliste de l’appropriation des biens collectifs  : nationalisation du gaz et du pétrole, de l’électricité, récupération de l’eau. Aujourd'hui c'est le retour des corporatismes. Les paysans indigènes des plaines (2%de la population), les instituteurs, les mineurs de Huanuni qui travaillent pour une entreprise détenue par l’État, chacun demande que les surplus budgétaires servent à la satisfaction de leurs revendications propres, au lieu de porter des revendications universelles.

.Faut-il sanctuariser la Madre Tierra dans une logique de préservation , ou utilisera-t-on ses ressources (gaz, pétrole) pour permettre de construire des écoles, rendre l’eau potable, amener l’électricité, développer la situation sanitaire  ? Une communauté indigène dit  : il faut extraire le gaz parce que nous voulons des écoles et des hôpitaux. Une autre répond  : non, car il ne faut pas toucher à la Madre Tierra. C’est une contradiction permanente.

Ce tissus de difficultés, mais aussi d'avancées ne suffit pas à faire oublier que d'une manière plus générale le capitalisme mondialisé et globalisé génère des forces productives chaque fois plus socialisées.

Pour conclure, laissons la parole à Álvaro Garcia Linera, vice-président bolivien.

morales,bolivie,amérique latineLa science n’est pas une force productive d’un groupe de quelques professeurs qui dans leurs laboratoires découvrent des choses. La science est de plus en plus une production de milliers de scientifiques, anciens et contemporains, qui a été appropriée de manière privée mais qui, dans son contenu, est produite socialement.

C'est la même chose pour la production : ce téléphone portable, il est le fruit du travail de 3 000 scientifiques qui travaillent pour Apple. Le plastique a été produit en Thaïlande. Les puces au Mexique. Et l’ensemble a été assemblé en Chine. D’où est ce téléphone portable  ? De la planète. Mais dans le même temps, il est la propriété privée d’une société nord-américaine qui en fait des profits. Ce qui n’empêche pas que la production est à chaque fois plus socialisée. C’est un horizon  : il y a un potentiel de production socialisée.

La nature maintenant : Le capitalisme développe, à chaque étape, les forces productives qui détruisent la nature, qui est un bien commun. La nature ne supporte pas la propriété. La nature est un produit total de la planète et de l’univers qui se trouve, actuellement, être graduellement détruite par cette forme d’appropriation individuelle. Pourtant, il y a un autre potentiel qui veut s’exprimer dans un autre type de société. Donc, il y a une base matérielle croissante, une tendance matérielle organisée et subjective d’une société gérée en commun, produite en commun, à une grande échelle. C’est le communisme.

C’est la contradiction fondamentale du capitalisme que de générer une possibilité de société future qui n’est pas le capitalisme. C’est la possibilité de l’horizon communiste qui pourra sauver l’humanité du désastre écologique, sauver les communautés paysannes de leur destruction, libérer la connaissance scientifique de la prison de l’appropriation individuelle. Ce n’est pas de la poésie, du lyrisme. C’est de la matière, une force organisée et même une nécessité historique naturelle. Voilà pourquoi je pense que l’horizon général de l’époque est communiste.

Source : http://www.humanite.fr/node/546612

Par Dxaabala, publié par Agoravox

19/08/2013

Horacio Cartes est assermenté comme président du Paraguay

horacio-cartes.jpgLa fortune familiale de l'homme qui a été assermenté jeudi à la présidence du Paraguay a été amassée dans un des pays les plus inégaux d'Amérique latine, grâce à sa position de force dans des secteurs qui vont du tabac aux boissons gazeuses en passant par le football et les banques.

L'homme de 57 ans, Horacio Cartes, est un néophyte politique dont le nom n'apparaissait même pas sur les listes électorales avant qu'il ne décide de briguer la présidence. Il doit en plus composer avec de fréquentes accusations que la fortune de sa famille est due au blanchiment d'argent, à la contrebande de cigarettes et au trafic de drogues.

Les électeurs paraguayens ont choisi de faire fi de ces allégations dans l'espoir que l'homme d'affaire et son parti politique Colorado, le plus puissant du pays, pourront permettre au Paraguay de tirer encore davantage profit de la manne que représente le soya, une culture qui génère une croissance économique de 10 % par année.

Le conglomérat Grupo Cartes inclut plus d'une vingtaine d'entreprises qui fournissent de l'emploi à quelque 3500 personnes. M. Cartes a remporté le scrutin d'avril avec 46 % des votes quand il a promis d'utiliser son expertise pour créer des emplois. Il devait d'ailleurs rencontrer, jeudi, 150 dirigeants d'entreprises étrangères intéressés à améliorer l'infrastructure économique d'un pays de 6,2 millions d'habitants, mais dont 39 % vivent sous le seuil de la pauvreté.

«Nous avons déclaré la guerre à la pauvreté, et ce gouvernement n'acceptera aucune trêve», a lancé M. Cartes lors de sa victoire.

Son prédécesseur, Fernando Lugo, avait lui aussi promis de combattre la pauvreté. M. Lugo, un ancien évêque catholique romain, a été destitué l'an dernier après avoir perdu la confiance du congrès. Sa présidence avait interrompu plus de 50 ans du pouvoir pour le parti Colorado, dont 35 ans de dictature sous Alfredo Stroessner.

La contrebande, la corruption et l'évasion fiscale sont endémiques au Paraguay et certains experts croient que les hommes d'affaires peuvent difficilement éviter d'entrer en contact avec des criminels. L'organisme anticorruption Transparency International classe le Paraguay au 150e rang mondial sur un total de 176.

horacio.jpgLes soupçons contre M. Cartes ont éclaté au grand jour en 2010, quand le site Internet WikiLeaks a mis en ligne un câble diplomatique du département d'État américain qui affirmait qu'il se trouve à la tête d'un réseau de trafic de drogue et de blanchiment d'argent. M. Cartes a réfuté ces allégations lors de la seule conférence de presse organisée pendant sa campagne avec des médias étrangers.

M. Cartes et ses proches ne font pas l'objet de sanctions de la part des États-Unis. En revanche, il a été emprisonné pendant 60 jours en 1986, en lien avec une complexe affaire de fraude bancaire. Les accusations contre lui ont éventuellement été abandonnées.

Ses activités cigarettières lui ont aussi valu des soupçons dans une région où la contrebande des cigarettes est répandue. Ses entreprises ont fait l'objet d'une enquête au Brésil tandis qu'en Argentine, la moitié des cigarettes de contrebande récemment saisies par les douaniers provenaient de ses compagnies. M. Cartes affirme qu'il n'y est pour rien.

Le nouveau président est aussi à la tête de la principale banque du pays, Banco Amambay. Il a également acheté de vastes terrains le long de la frontière entre le Paraguay et le Brésil; mis sur pied le plus important cigarettier du pays; fait l'acquisition du principal embouteilleur paraguayen de boissons gazeuses; et mis la main sur le meilleur club de football du pays, Libertad.

Il exporte des cigarettes Palermo vers les États-Unis et importe au Paraguay la bière Budweiser et des cigares cubains. Il a profité du fait que son père soit le représentant de Cessna au Paraguay pour lancer une entreprise d'aviation qui compte 80 avions et a formé la plupart des pilotes civils du pays.

La fortune totale de sa famille est inconnue, puisque les lois paraguayennes n'exigent pas la divulgation de telles informations.

Mais les autorités américaines l'ont à l'oeil. Un câble diplomatique rédigé en 2010 affirme que la Drug Enforcement Agency des États-Unis a envoyé des agents infiltrer l'organisation de M. Cortes, qui était apparemment impliquée dans le trafic de drogue dans la zone où se rencontrent le Paraguay, l'Argentine et le Brésil.

Un autre câble, celui-là rédigé en 2007, affirme que le responsable antidrogue du Paraguay, Hugo Ibarra, a déclaré à un diplomate américain que le chef de l'agence anticorruption du pays, Gabriel Gonzalez, était en réalité à la solde de M. Cortes et de Banco Amambay. M. Gonzalez aurait déclaré à M. Ibarra que 80 pour cent du blanchiment d'argent au Paraguay se fait par le biais de cette institution.

M. Cartes a de nouveau attiré l'attention quand il a commencé à écouler ses cigarettes Palermo sur le marché américain en 2008, mais à un coût inférieur de 20 % à celui de la concurrence. Des cigarettiers comme Philip Morris, British-American, Reynolds et Imperial Tobacco ont alors rencontré des agents fédéraux américains pour préparer une contre-offensive.

C'est à ce moment que M. Cartes a commencé à jouer un rôle actif sur la scène politique de son pays. Un ancien agent des renseignements américains croit qu'il a voulu se faire élire à la tête du pays de manière à pouvoir bloquer toute ingérence américaine.

Article diffusé par  LaPresseCanadienne

15:38 Publié dans Actualités, AL-Pays : Paraguay, Politique | Tags : horacio cartes, paraguay, drogue, mafia | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg