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28/09/2016

Les sanctions économiques, principal obstacle au développement de Cuba

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Salim Lamrani

Malgré l’établissement d’un dialogue historique avec La Havane le 17 décembre 2014 et en dépit de la visite officielle du Président Barack Obama dans l’île en mars 2016, Washington continue d’appliquer des sanctions économiques contre la population cubaine, suscitant l’incompréhension auprès de la communauté internationale.

Etablies en 1960 en pleine guerre froide, elles perdurent plus d’un demi-siècle plus tard, occasionnant d’importantes difficultés pour l’économie cubaine et infligeant des souffrances inutiles aux catégories les plus vulnérables de la population.

Leur coût élevé et leur portée extraterritoriale motivent le rejet unanime de communauté internationale. Pourtant, la résolution de ce conflit asymétrique dépend du pouvoir exécutif étasunien qui dispose des prérogatives nécessaires pour démanteler une grande partie du réseau de sanctions imposées à l’île.

Coût des sanctions économiques

Le 13 septembre 2016, Barack Obama a de nouveau renouvelé pour un an la Loi de commerce avec l’ennemi, une législation de 1917 utilisée pour la première fois par le Président John F. Kennedy en 1962 pour imposer des sanctions économiques totales à Cuba, qui prolonge l’état de siège contre l’île. Cette loi, prolongée chaque année par les neuf présidents des Etats-Unis depuis cette date, est uniquement appliquée contre La Havane[1].

Une fois encore, l’impact des sanctions a été dramatique pour l’économie et la société cubaines. En un an, d’avril 2015 à mars 2016, elles ont coûté 4,68 milliards de dollars à Cuba, selon Bruno Rodríguez, Ministre cubain des Affaires étrangères. Dans leur rapport annuel sur les sanctions économiques, les autorités cubaines ont estimé les dommages causés au niveau national.

Trois secteurs sont particulièrement affectés. D’abord, les exportations puisque Cuba ne peut vendre ni bien ni services aux Etats-Unis. Ensuite, le coût engendré par la recherche de marchés alternatifs géographiquement éloignés de l’île. Enfin, l’impact financier car Cuba n’est toujours pas autorisée à utiliser le dollar dans ses transactions internationales, malgré les déclarations du Président Obama sur la suppression de cette restriction. « Il n’y a aucun élément de nos vies qui échappe à leur impact », a conclu Bruno Rodríguez[2]. Au total, les sanctions économiques ont coûté 125 milliards de dollars à Cuba depuis leur imposition dans les années 1960[3].

D’autres secteurs vitaux, tel que celui de la santé, sont affectés par les sanctions économiques. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple parmi d’autres, Cuba ne peut pas acquérir les stimulateurs cérébraux profonds qui permettent de traiter les maladies neurologiques, produits de façon exclusive par l’entreprise étasunienne Medtronic. Plusieurs centaines de patients atteints de la maladie de Parkinson, qui pourraient bénéficier d’une meilleure qualité de vie grâce à cet appareil, en sont privés en raison d’un différend politique qui oppose Washington à La Havane depuis plus d’un demi-siècle[4].

Aspect extraterritorial des sanctions

Malgré le rapprochement historique de décembre 2014, plusieurs entités internationales ont été lourdement sanctionnées après cette date pour avoir réalisé, en parfaite légalité avec le droit international, des transactions financières avec Cuba. Ainsi, en mai 2015, la banque française BNP Paribas a été condamnée à une amende record de 8,9 milliards de dollars pour avoir entretenu, entre autres, des relations financières avec Cuba[5].

En octobre 2015, le Crédit agricole a dû s’acquitter d’une amende de 1,116 milliards de dollars pour les mêmes raisons. Il convient de rappeler que BNP Paribas et le Crédit agricole n’ont violé aucune  législation française et ont scrupuleusement respecté le droit européen et le droit international. Washington a simplement appliqué de manière extraterritoriale et donc illégale ses sanctions contre Cuba. D’autres entités financières ont également été lourdement sanctionnées. Ainsi, la banque allemande Commerzbank a dû payer une amende de 1,71 milliards de dollars et a mis un terme à toute relation avec Cuba[6]. Toutes ces décisions ont été prises par le pouvoir exécutif étasunien.

Marge de manœuvre du Président Obama

Pourtant, le Président Obama a lancé plusieurs appels au Congrès, l’invitant à mettre un terme à un état de siège anachronique, cruel et inefficace. Il a exprimé à maintes reprises son opposition au maintien de mesures de rétorsion économique qui, en plus d’affecter gravement le bien-être des Cubains, ont isolé les Etats-Unis sur la scène internationale. Lors de son déplacement historique à Cuba, il a admis la chose suivante : « La politique des Etats-Unis n’a pas marché. Nous devons avoir le courage de reconnaître cette vérité. Une politique d’isolation élaborée pour la Guerre froide n’a aucun sens au XXIe siècle. L’embargo a fait du mal au peuple cubain au lieu de l’aider. C’est un fardeau d’un autre temps qui pèse sur le peuple cubain ». Ce discours empreint de lucidité a été salué par l’ensemble de la communauté mondiale favorable à la résolution pacifique de ce conflit[7].

Néanmoins, la rhétorique constructive de Barack Obama n’a pas été suivie de faits tangibles et concrets malgré ses prérogatives en tant que chef de l’exécutif. Il est vrai que le Président des Etats-Unis a rétabli le dialogue politique avec Cuba en décembre 2014, élargi le nombre de catégories des citoyens étasuniens autorisés à se rendre dans l’île en janvier 2015, retiré Cuba de la liste des pays soutenant le terrorisme en mai 2015, renoué les liens diplomatiques avec la réouverture d’ambassades à Washington et La Havane en juillet 2015, autorisé l’exportation de biens et de services dans le domaine des télécommunications en mars 2016 (uniquement pour le secteur non étatique) et facilité la reprise du transport maritime de passagers entre les deux nations en mai 2016 et des vols commerciaux en août 2016.

Cependant, au-delà de ces mesures positives mais très limitées, le Président des Etats-Unis dispose de toute la marge de manœuvre nécessaire pour démanteler la quasi-totalité du réseau de sanctions imposées depuis 1960, sans nécessiter l’aval du Congrès. Ainsi, Barack Obama pourrait autoriser les entreprises cubaines à ouvrir des comptes bancaires aux Etats-Unis pour faciliter les transactions commerciales et financières. Il pourrait également mettre fin à la persécution financière contre Cuba, dont ont souffert de nombreuses banques internationales.

Au total, l’administration Obama a infligé un montant record de 14 milliards de dollars de pénalités à diverses entités bancaires à travers le monde pour leurs relations avec l’île de la Caraïbe. De la même manière, la Maison-Blanche pourrait permettre le commerce bilatéral entre les entreprises cubaines et étasuniennes (importations/exportations). Elle pourrait également consentir aux capitaux étasuniens la possibilité d’investir à Cuba. Obama pourrait aussi accepter que les citoyens des Etats-Unis reçoivent des traitements médicaux à Cuba. Enfin, il pourrait, par exemple, éliminer la restriction qui empêche toute embarcation, quel que soit son pavillon, ayant transporté des marchandises à Cuba, d’entrer dans un port étasunien durant les 6 mois suivants[8].

Il est seulement quatre secteurs que le pouvoir exécutif ne peut toucher sans l’accord du Congrès. Ainsi, le Président Obama ne peut pas autoriser le commerce entre les filiales des entreprises étasuniennes installées à l’étranger et Cuba (Loi Torricelli de 1992). En revanche, il peut permettre le commerce entre les maisons-mères installées aux Etats-Unis et les entreprises cubaines, ce qui rend de facto inutiles toute transaction avec une filiale établie dans un pays-tiers[9].

De la même manière, Barack Obama ne peut pas autoriser le tourisme ordinaire à Cuba (Loi de réforme des sanctions commerciales de 2000). En revanche, il peut parfaitement multiplier le nombre des catégories de citoyens étasuniens autorisés à voyager dans l’île et élargir leur définition. Ainsi, la Maison-Blanche pourrait redéfinir la notion de « voyage culturel » en y intégrant par exemple la visite d’un simple musée. De cette façon, tout citoyen étasunien qui s’engagerait à visiter un musée durant son séjour à Cuba pourrait bénéficier de la catégorie « voyage culturel[10] ».

Sans l’accord du Congrès, le Président Obama ne peut pas non plus autoriser la vente à crédit de matières premières alimentaires étasuniennes à Cuba (Loi de réforme des sanctions commerciales de 2000). En revanche, il peut parfaitement consentir à la vente à crédit de tout produit non alimentaire, ce qui limiterait considérablement la portée de la sanction[11].

Enfin, la Maison-Blanche ne peut pas autoriser les transactions avec les propriétés étasuniennes nationalisées dans les années 1960 (Loi Helms-Burton de 1996). Cependant, elle peut ouvrir la voie à toute négociation impliquant les autres propriétés de l’île[12].

Rejet unanime des sanctions

Tous les secteurs de la société étasunienne sont favorables à une levée des sanctions économiques. Le monde des affaires, par le biais de la Chambre du commerce des Etats-Unis, souhaite vivement leur fin car il voit un marché de 11 millions d’habitants à 150 kilomètres des côtes étasuniennes être investi par d’autres capitaux internationaux.

L’opinion publique est favorable à plus de 70% à la normalisation complète des relations bilatérales entre les deux nations car elle ne comprend pas pourquoi son gouvernement lui interdit de se rendre à Cuba pour effectuer du tourisme ordinaire. Les autorités religieuses, par l’intermédiaire du Conseil national des églises, ont condamné les sanctions en raison des souffrances qu’elles infligent à la population de l’île. Les Cubains-américains sont également partisans de la levée des sanctions à 63% selon un sondage de septembre 2016, car ils savent que les mesures économiques hostiles affectent leurs familles dans l’île[13]. Enfin, il convient de rappeler qu’en 2015, pour la 24ème année consécutive, 191 pays sur 193 ont demandé la fin de l’état de siège contre l’île lors de la réunion annuelle de l’Assemblée générale des Nations unies[14].

Un conflit asymétrique

Certains observateurs considèrent que Cuba doit répondre aux gestes effectués par le Président Obama en réalisant des changements d’ordre interne. Ils oublient de fait le caractère asymétrique du conflit. En effet, dans le différend qui oppose Washington à La Havane, l’hostilité est unilatérale. Cuba n’impose pas de sanctions économiques aux Etats-Unis, n’occupe pas de manière illégale une partie de leur territoire souverain (Guantanamo), ne finance pas une opposition interne dans le but d’obtenir un « changement de régime », ne pille pas le capital humain comme le fait la loi d’Ajustement cubain, et ne réalise pas des transmissions illégales destinées à fomenter la subversion interne, comme c’est le cas de Radio et TV Martí. Par ailleurs, Cuba étant une nation indépendante, selon le droit international et depuis le Congrès de Westphalie de 1648 qui reconnaît l’égalité souveraine entre les Etats, les changements au sein de l’île relèvent de la compétence unique et exclusive du peuple cubain, seul à pouvoir décider de son système politique et de son modèle de société.

Conclusion

Les sanctions contre Cuba sont anachroniques, cruelles et inefficaces. Elles ont un impact désastreux sur l’économie cubaine et affectent durablement le bien-être de la population de l’île. Malgré les déclarations constructives de la Maison-Blanche en faveur d’une levée de cet état de siège, aucune mesure d’envergure n’a été prise pour soulager les Cubains de cet étranglement économique qui dure depuis plus d’un demi-siècle et qui est massivement condamné par la communauté internationale. A l’évidence, aucune normalisation complète des relations ne sera possible tant que cette politique hostile restera en vigueur.

 Salim Lamrani

Université de La Réunion

 


[1] EFE, « Obama renueva Ley de Comercio con el Enemigo que sustenta el embargo a Cuba”, 13 septembre 2016.

[2] Oscar Figueredo Reinaldo, José Raúl Concepción & Layrene Pérez, « En un año, el bloqueo restó cuatro mil 680 de dólares a la economía cubana », 9 septembre 2016.

[3] Ibid.

[4] República de Cuba, “Informe de Cuba sobre la resolución 70/5 de la Asamblea General de las Naciones Unidas titulada ‘Necesidad de poner fin al bloqueo económico, comercial y financiero impuesto por los Estados Unidos de América contra Cuba’”, juin 2016. http://www.cubadebate.cu/wp-content/uploads/2016/09/Neces... (site consulté le 19 septembre 2016).

[5] Le Monde, « La BNP Paribas formellement condamnée à une amende record aux Etats-Unis », 1er mai 2015.

[6] Bruno Rodríguez, « Le blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba continue d’exister pleinement et complètement », 28 octobre 2015. http://fr.granma.cu/mundo/2015-10-28/le-blocus-economique... (site consulté le 19 septembre 2016) ; República de Cuba, “Informe de Cuba sobre la resolución 70/5 de la Asamblea General de las Naciones Unidas titulada ‘Necesidad de poner fin al bloqueo económico, comercial y financiero impuesto por los Estados Unidos de América contra Cuba’”, op. cit.

[7] Barack Obama, « Remarks by President Obama to the People of Cuba », The White House, 22 mars 2016. https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2016/03/22/re... (site consulté le 17 septembre 2016).

[8] República de Cuba, “Informe de Cuba sobre la resolución 70/5 de la Asamblea General de las Naciones Unidas titulada ‘Necesidad de poner fin al bloqueo económico, comercial y financiero impuesto por los Estados Unidos de América contra Cuba’”, juin 2016. http://www.cubadebate.cu/wp-content/uploads/2016/09/Neces... (site consulté le 19 septembre 2016).

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] Ibid.

[12] Ibid.

[13] EFE, « Mayoría cubanoamericanos quiere fin embargo, pero no cree en cambios en Cuba », 14 septembre 2016.

[14] Nations unies, « 191 países piden en la Asamblea General el fin del bloqueo contra Cuba », 27 octobre 2015. http://www.un.org/spanish/News/story.asp?NewsID=33704#.V-... (site consulté le 19 octobre 2016).

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. 

Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet. 

Contact : lamranisalim@yahoo.fr ; Salim.Lamrani@univ-reunion.fr

Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

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17:47 Publié dans AL-Pays : Cuba, Economie, Société | Tags : cuba, embargo | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg

11/09/2016

Costa Rica, la première démocratie verte ?

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Pascal Jouary, L'Humanité

La collection Sale temps pour la planète a fait escale dans un pays qui a une grande ambition écologique, et une conscience des soucis structurels liés au dérèglement climatique.

Christophe Colomb l’avait surnommé la Côte riche (Costa Rica), croyant y trouver quantité d’or. Mais c’est d’or vert que ces terres recèlent. Ce État d’Amérique centrale abrite 6 % de la biodiversité mondiale. Et les habitants de ce petit pays ont si conscience de leur trésor national qu’ils ont inscrit la protection de l’environnement dans la Constitution. La collection de France 5 Sale temps pour la planète, qui s’intéresse aux effets locaux du réchauffement climatique, consacre son épisode du jour au Costa Rica, terre de contrastes.

Car là-bas un quart de la superficie du territoire est constitué par des parcs nationaux et des sites naturels préservés, et on ne parle même pas des forêts, qui recouvrent le pays. Le pays a fait des choix politiques, comme celui de ne plus avoir d’armée depuis 1948. Et, comme il a l’ambition de devenir la première démocratie verte, les pouvoirs successifs mettent tout en œuvre pour ne plus dépendre du pétrole et du charbon, en investissant dans les énergies renouvelables. Les règles sont de ne pas utiliser de pesticides et de recycler tout ce qui peut l’être. L’objectif est de devenir un modèle reproductible.

Mais les bouleversements climatiques et l’activité des volcans pourraient remettre en cause ce modèle. Car les paysans ressentent de façon terrible les effets du réchauffement climatique : en 2015, les pluies ont provoqué la perte de 20 % de la production de bananes. La hausse des températures pose plusieurs graves problèmes pour l’agriculture.

De nouvelles épidémies apparaissent, et les agriculteurs doivent rechercher les terres fraîches en altitude. Cela rend par exemple la culture de leur café, connu mondialement, de moins en moins rentable. Beaucoup d’agriculteurs rejoignent ainsi les bidonvilles de San José. Les volcans, bien que source de lumière et de chaleur, sont aussi un grand risque pour le pays. Fin mai 2016, le volcan de Turrialba a craché une colonne de fumée de trois kilomètres de haut. La fumée émise par les cratères est très toxique. Et San José n’est qu’à 20 km. Les retombées de cendres peuvent paralyser le pays en cas de scénario noir. Le Costa Rica cherche une parade pour limiter les dégâts.

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18:10 Publié dans AL-Pays : Costa Rica, Economie, Environnement | Tags : costa rica, environnement, verte | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg

07/10/2015

Les SALAIRES à CUBA : on aime comparer, alors allons-y !

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Un article de YURIS NÖRIDO Pour la BBC Monde

Une vérité relative ...

Lorsque les médias internationaux disent qu’un travailleur professionnel à Cuba gagne 20 dollars par mois (480 pesos), ils disent la vérité.

Mais c’est une vérité relative.

Il est évident qu’il est difficile de s’en sortir avec cette somme, à la limite d’une pauvreté extrême. Les institutions internationales, en rien sympathisantes du système instauré dans notre île, l’affirment : Cuba est un des pays d’Amérique latine où les effets de l’extrême pauvreté sont le moins visibles. De fait, l’indice de développement humain (de Cuba) est un des plus élevé de la région.

Pourtant, le salaire moyen est de toute évidence un des plus bas du continent, probablement le plus bas. Comment expliquer cette apparente contradiction ? Simplement, la majorité de la population dépend (où pour le moins profite) des subventions et aides de l’état.

Personne n’affirme qu’il s’agit là d’une situation idéale (et ce serait une bêtise de le faire). Mais il est certain que grâce à ces dispositions, il a été possible de réduire les graves coûts sociaux de la crise économique dont a souffert le pays. Quoiqu’en disent les adversaires de notre système, à Cuba, personne ne meurt de faim, pas même ceux qui ne gagnent presque rien. Ce qui ne signifie pas que les gens satisfassent à toutes leurs aspirations économiques et de bien- être (Mais ceci est un autre thème).

Les règles du jeu sont claires : il n’est pas possible de mesurer le pouvoir d’achat des cubains vivant à Cuba avec des outils applicables à d’autres entités et réalités économiques.

Voyons donc.

Une des conquêtes de la Révolution, un de ses principaux étendards, est de pouvoir compter sur des systèmes de santé et d’éducation absolument gratuits. Les chiffres ne mentent pas, les statistiques de ces secteurs d’activité situent Cuba en tête de tout l’Amérique latine.

Affirmer que l’éducation et la santé dans l’Ile sont dans leur meilleur période serait pour le moins innocent ou pure démagogie. Il est certain que la crise a aussi impacté ces secteurs. Ainsi, bien qu’il puisse être quelquefois difficile de trouver des suppléments vitaminés dans une pharmacie, ou que l’on puisse trouver que certains hôpitaux soient sales, il est certain cependant que si un malade nécessite une transplantation de cœur, il l’obtiendra sans avoir à payer un peso !

De même le niveau de nos enseignants n’est plus celui qui existait il y a 30 ans, mais un jeune sera diplômé de l’université (dûment contrôlé), sans avoir à débourser de grandes quantités d’argent.

Mais pouvoir compter sur des systèmes publics de santé et d’éducation gratuits et universels, n’est pas, d’évidence, le seul avantage dont bénéficient tous les cubains. Et la nourriture qu’il faut payer, et les transports, et l’électricité, le gaz ...? Tous ces secteurs sont en bonne partie subventionnés par l’Etat, de façon que leurs prix soient relativement bas.

Avec la carte de rationnement (livret de ravitaillement), chaque citoyen reçoit une quantité déterminée de marchandises pour un prix quasi symbolique. Cette quote-part ne résout pas tous les problèmes pour un mois, mais elle aide considérablement. Les transports publics dans les villes sont très peu chers. Un aller dans le bus coûte 0,40 peso de monnaie nationale c’est à dire 2 centimes de dollar* Même si le service, surtout aux heures de grande affluence, est insuffisant.

Beaucoup (ceux qui peuvent) préfèrent prendre un taxi collectif appelé « almendrones » qui coûte entre 10 et 20 pesos en monnaie nationale, soit à peine de 0,5 à 1 dollar. Les prix de l’électricité et du gaz sont également modiques. Moi, par exemple, je vis dans un appartement avec réfrigérateur, ventilateurs, chauffe-eau, autocuiseur électrique, téléviseur, micro-ordinateur, radio, et autres articles électriques... jamais je ne paie plus de 12 pesos par mois, soit la moitié d’un dollar.

A ceci s’ajoute que la majorité des cubains, ne paie pas de loyer pour se loger. Ceci ne signifie pas que la situation immobilière est bonne : plusieurs générations d’une même famille doivent vivre quelquefois dans une petite maison. Les locations sont réservées à ceux qui entrent dans un emploi d’état.

Il est un peu plus difficile pour ceux qui reçoivent les salaires d’état, d’acheter des vêtements ou des chaussures dans les réseaux de magasins en devises (CUC), les prix y étant élevés.

Certains profitent des possibilités offertes dans les centres de travail (uniformes et chaussures), et d’autres utilisent les magasins de vêtement recyclés.

Il existe une partie de la population qui est plus vulnérable : les personnes âgées, et les sans familles. Pour eux ont été ouverts des restaurants de prix très très bas et ils reçoivent une attention sociale personnalisée. Il est certain que se sont eux qui ont été les plus affectés par la crise. Au cours des dernières années, particulièrement dans les grandes villes, on a pu noter un phénomène qu’il y a 30 ans était inconcevable : certains personnes âgées demande l’aumône dans la rue.

Personne ne dit que tout est facile, ou qu’il s’agit d’une bonne vie.

Une bonne part des cubains s’arrange pour augmenter leurs revenus, (certains de manière légale, d’autres en frisant le délit, et une minorité en usant de délinquance).

Mais augmenter le pouvoir d’achat, le niveau de vie, c’est une aspiration (et une demande) des travailleurs citoyens, bien que tous ne sont pas motivés pour travailler. Les prochaines années seront cruciales. Les gens ont besoin de certitudes.

Yuris Nôrido est journaliste dans des médias officiels comme le journal « Trabajadores » et le site digital « Cuba Si ».

Membre du parti communiste de Cuba, « parce que confiante en ce qu’il peut être le moteur des changements nécessaires pour ce pays » *

Note du traducteur :

Ceci signifie qu’avec un salaire moyen de 20 dollars, un cubain peut payer 2000 allers en bus. A titre d’illustration, un aller en bus à Lyon coûte, par carnet de 10, 1,50 euro, soit 2 dollars, multiplié par 2000, correspond à un salaire de 4000 dollars mensuels....pas si mal...

Autre remarque : comparez le prix de deux pesos pour aller au cinéma à cuba, soit environ, sur la base de 9 euros la place en France, 270 FOIS MOINS CHER. Autrement dit, avec le prix d’une place au cinéma en France, on va 270 fois au ciné à Cuba....pas si mal...

Source : Cuba coopération

Traduction : Daniel Maury, France-Cuba Lyon

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12:47 Publié dans AL-Pays : Cuba, Economie | Tags : cuba, pouvoir d'achat, prix, logement | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg

05/08/2015

Porto Rico: Une faillite nommée colonialisme spéculatif

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Endettée à hauteur de 72 milliards de dollars (65,6 milliards d’euros), l’île de la Caraïbe, 
colonie des États-Unis, se retrouve en situation de défaut de paiement.

Porto Rico est une nouvelle victime de la crise de la dette. San Juan n’a jamais caché ses difficultés à rembourser lundi un échéancier de 58 milliards de dollars (52,9 milliards d’euros). Ce même jour, les autorités de cet archipel de la Caraïbe ont annoncé qu’elles ne s’acquitteraient que de la somme de 628 000 dollars (572 748 euros) sur une dette totale estimée à 72 milliards de dollars (65,6 milliards d’euros). Aussitôt, l’agence de notation Moody’s a réagi en estimant que « cet événement (était) la première étape d’un défaut général (du territoire) sur sa dette », a précisé l’un de ses vice-présidents, Emily Raimes, dans un communiqué transmis à l’AFP.

45 % des 3,6 millions d’habitants 
vivent dans l’extrême pauvreté

Depuis un mois déjà, les médias n’hésitent pas à rebaptiser Porto Rico « la Grèce de la Caraïbe ». Cette colonie des États-Unis, au statut officiel d’État associé à la première puissance mondiale, se débat dans une grave crise économique et financière. L’évasion fiscale ou encore la corruption sont certes des problèmes structurels, mais l’explication est un peu courte. L’île dont la monnaie est le dollar n’a pas de système monétaire propre. Son statut juridique l’exclut du chapitre 9 du Code de banqueroute des États-Unis, l’empêchant ainsi de se déclarer en faillite pour restructurer sa dette, contrairement à d’autres États ou villes, comme ce fut le cas pour Détroit il y a quelques années. Ce qui n’empêche pas les autorités de travailler à la création d’« un moratoire négocié avec les créanciers pour retarder, de quelques années, les paiements de la dette, afin que cet argent soit investi à Porto Rico », a demandé son gouverneur, Alejandro Garcia Padilla. Mais il y a fort à parier que ces créanciers – en majorité des fonds spéculatifs – ne l’entendent pas de cette oreille.

Comme pour la Grèce, le Fonds monétaire international a sommé San Juan de procéder à des « réformes structurelles », autrement dit des thérapies austéritaires de choc alors que l’île souffre de récession depuis une décennie. Les gouvernements ont déjà taillé dans les dépenses publiques en fermant de nombreux centres scolaires. Le salaire minimum a été rayé de la carte. La TVA a grimpé à 16 % tandis que les transports et l’électricité ont été privatisés. 45 % des 3,6 millions d’habitants vivent dans l’extrême pauvreté, dont 56 % d’enfants. De nombreux Portoricains ont été contraints à l’exil et ont pris la route des États-Unis où se tiennent depuis plusieurs semaines des manifestations de solidarité. En campagne électorale, Hillary Clinton a demandé à la Maison-Blanche de faire un geste mais Washington s’en lave les mains. Pour l’instant.

Caraïbe
Cathy Ceïbe, 5 Août, 2015
L'Humanité
 
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