18/11/2023
Cuba : « Les sanctions américaines impactent aussi les acteurs économiques français »
Alors que les mesures unilatérales imposées par Washington à Cuba viennent d’être à nouveau dénoncées à l’ONU par l’écrasante majorité de la communauté internationale, des juristes ont organisé, vendredi 17 novembre, au Parlement européen, un Tribunal international contre le blocus.
Convoqué par des juristes, un Tribunal ad hoc a entendu vendredi 17 novembre des acteurs de la solidarité avec Cuba. Au-delà de l’impact du blocus sur l’île, les participants ont aussi pointé du doigt les conséquences du côté européen de l’application extraterritoriale de la loi Helms-Burton, qui entrave toute relation commerciale. Entretien avec Victor Fernández, président de l’association Cuba coopération, structure créée en 1995 pour développer les liens culturels, scientifiques et économiques entre la France et Cuba.
Dans quelle mesure le blocus et les sanctions imposées à Cuba entravent le travail de votre association ?
En trente ans nous avons développé plus de 150 projets de collaboration avec nos partenaires cubains, menés dans le cadre de la coopération décentralisée française. Ces projets s’inscrivent principalement dans les domaines de la culture, des transports, des infrastructures, ainsi que du développement économique local, parfois en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement.
Les mesures unilatérales imposées par les États-Unis représentent de réels obstacles à nos activités car tout ce qui touche aux transferts de fonds devient extrêmement complexe, que ce soit pour des campagnes de solidarité ou pour le paiement d’achats en vue de la mise en œuvre de projets.
Comment cela se manifeste-t-il concrètement ?
De nombreuses entreprises refusent de nous vendre des certains produits dès qu’elles apprennent qu’ils seront envoyés à Cuba, par exemple s’agissant d’équipements dans le domaine de la santé, des systèmes hydrauliques, etc.
L’argument pour expliquer le refus est toujours le même : nous ne pouvons rien fournir à ce pays ! Ou alors on nous impose des tarifs bien supérieurs à ceux du marché ce qui réduit notre capacité à mettre en œuvre nos projets.
Un autre problème récurent : le non-respect des délais de livraison des conteneurs destinés à l’île, avec souvent plus de deux mois de retard. Des délais justifiés par l’absence de lignes maritimes directes.
Autre énorme problème : il devient de plus en plus difficile de trouver des banques qui acceptent d’effectuer des virements vers Cuba, même s’agissant de projets de coopération réalisés main dans la main avec des institutions publiques françaises. Nous essuyons aussi l’abandon de certains partenaires en raison du risque de sanctions qu’ils encourent. Les institutions financières subissent des pressions.
Cette situation s’est-elle aggravée avec l’annonce par les États-Unis du rétablissement des sanctions extraterritoriales ?
Oui, tout a empiré à partir de 2019 : les principales banques françaises et européennes ont refusé toute activité économique avec Cuba. En France, les banque Wormser Hermanos et la Banque populaire Rives de Paris ont clôturé nos comptes. La BNP refuse aussi toute participation.
Plusieurs projets ont été affectés, d’autres ont dû être abandonnés. Dans le domaine agricole, un projet d’importation de fruits provenant de Cuba est tombé à l’eau. Un important projet ferroviaire soutenu par l’Agence française de développement – pourtant un établissement public rattaché à l’État – a été annulé en raison du rétablissement de l’article III de la loi Helms-Burton.1
En mars dernier, le SIAAP (service public d’assainissement de l’eau de la région parisienne) a dû mettre fin à un accord de coopération avec l’Institut national des ressources hydrauliques de Cuba (INRH) qui fonctionnait depuis 1996.
Il s’agissait pourtant d’un partenariat aux résultats probants et même exemplaire au vu du volume financier engagé et de la durée du programme : c’était une référence nationale en matière de coopération décentralisée. Le blocus a ainsi provoqué la fin de la plus longue et la plus importante coopération d’un service public français avec Cuba.
11:03 Publié dans AL-Pays : Cuba, Politique | Tags : cuba, tribunal parlement européen | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
03/11/2023
La communauté internationale réclame la fin du blocus imposé à Cuba
Pour la 31e année consécutive, la quasi-unanimité des pays membres des Nations unies a demandé la levée des sanctions imposées depuis 1962 par Washington.
Le monde soutient Cuba. Isolée économiquement, la plus grande île des Antilles est loin de l’être sur le plan diplomatique et le prouve, une fois encore, au sein du principal organe délibérateur et, surtout, le plus représentatif et démocratique des Nations unies : son Assemblée générale. En effet, ce jeudi 2 novembre, pour la 31e année consécutive, cet organe central du système onusien – la seule instance dans laquelle l’ensemble des États membres sont représentés, disposent du même droit de vote et d’expression et peuvent prendre ensemble des décisions – a massivement exigé la fin du blocus états-unien imposé à La Havane.
187 pays sur 193 – soit deux de plus que l’année dernière – ont ainsi approuvé le projet de résolution A/78/L.5 présenté par le ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez, intitulé « Nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis d’Amérique ». Seules oppositions : celles des États-Unis et d’Israël, soutenues par l’abstention de l’Ukraine.
Des dommages financiers considérables
Un blocus décidé par l’administration du président John Fitzgerald Kennedy en 1962 et qui vise à faire renoncer Cuba à son indépendance et à sa souveraineté, niant au passage à son peuple le droit d’exercer sa libre détermination. Ce que n’a pas manqué de rappeler la cinquantaine de diplomates qui se sont alternés à la tribune de l’Assemblée générale, depuis mercredi, ou encore des groupes comme le Mouvement des pays non alignés (120 États membres), représenté par l’Azerbaïdjan.
Singapour, au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (10 États membres) et la Zambie, au nom du Groupe des États d’Afrique (54 États membres) ont ainsi exhorté les États-Unis à lever au plus vite des mesures qualifiées d’illégales et de véritable frein au développement de l’île, rappelant que « 80 % de la population cubaine n’a rien connu d’autre que son pays sous blocus ». « L’embargo a eu un impact néfaste sur l’économie et le commerce de Cuba avec des conséquences humanitaires désastreuses pour sa population », a déclaré de son côté le représentant mauritanien au nom de l’Organisation de coopération islamique (57 États membres).
« Nous réitérons notre rejet ferme de mesures qui violent le droit international et vont à l’encontre de la volonté politique de la communauté internationale », a déclaré la représentante de Saint-Vincent-et-les-Grenadines au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (33 États membres), tandis que son homologue de l’Ouganda a condamné au nom du Groupe des 77 + Chine (134 États membres) l’application extraterritoriale du blocus à travers la loi Helms-Burton.
Renvoyant au rapport annuel présenté par la diplomatie castriste et accompagnant son projet de résolution, plusieurs États ont souligné les dommages financiers provoqués par le blocus, soit environ 4,87 milliards de dollars sur la période s’écoulant de mars 2022 à mars 2023. « L’équivalent de trois ans de ration alimentaire pour toute la population cubaine », a noté la Chine avant de chiffrer à près de 150 milliards de dollars les pertes correspondant aux 60 années de politique états-unienne. « Comment serait Cuba aujourd’hui si elle avait disposé de toutes ces ressources ? » s’est interrogé Bruno Rodriguez.
Un blocus « incompatible avec un système (…) fondé sur l’État de droit »
S’exprimant à leur compte, plusieurs pays ont eu des mots forts pour dénoncer une situation « aberrante et injustifiable » (Mexique), « illégale, injuste et immorale » (Argentine), « inhumaine » (Namibie), « qui exacerbe la souffrance de tout un peuple » (Algérie) ou encore pouvant se comparer à « une punition collective dont les effets représentent un crime contre l’humanité » (Venezuela).
L’Assemblée générale s’est aussi saisie d’un rapport de 185 pages du secrétaire général de l’ONU qui décrit notamment un blocus « incompatible avec un système international fondé sur l’État de droit » et « qui porte gravement atteinte aux droits humains », avec des effets « inadmissibles au regard de la charte de l’ONU et des principes du droit international ». 157 pays ont participé à l’élaboration de ce document ainsi que plus de 30 agences et organismes des Nations unies.
Ainsi, l’Assemblée générale n’a pas manqué d’arguments pour condamner le blocus de Washington, tout comme l’inscription de Cuba dans la liste du département d’État américain des pays qui soutiennent le terrorisme.
Depuis le début de son mandat, loin de reprendre la politique de détente amorcée par Barack Obama, le président Joe Biden a plutôt semblé suivre les pas de Donald Trump pour asphyxier Cuba. Écoutera-t-il cette fois l’appel de la communauté internationale ?
12:29 Publié dans Actualités, AL-Pays : Cuba, Politique | Tags : cuba, onu | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |