12/05/2019
Aziza Brahim : le poing et la voix pour défendre la cause du Sahara
Aziza Brahim : la chanteuse voix du Sahara Occidental.
Aziza Brahim est une chanteuse Sarahoui. Elle est née il y a quarante ans dans un camp de réfugiés du Sahara occidental de la région de Tindouff en Algérie, où sa mère a fui l’occupation marocaine du Sahara Occidental. En raison de la guerre d’occupation du Sahara Occidental, elle n’a jamais connue son père.
L’artiste qui est une des Voix de la résistance sarahouie est également un symbole de l’aide apportée par Cuba Socialiste aux peuples africains en lutte, ayant bénéficié d’une bourse d’étude de la part de la Havane.
AZIZA BRAHIM. LE POING ET LA VOIX
Laura Hunter
(…) Pour Aziza Brahim, la musique a d’abord été un refuge, une manière de survivre dans les camps de réfugiés, un moyen de transmuter les maux subis.
«Les femmes chantaient tout le temps dans ma famille, surtout le vendredi pour les chants spirituels. Je tapais des mains et j’ai appris comme ça à jouer du tabal. Dès que j’ai eu six ou sept ans, ma grand-mère m’a emmenée à ses récitals de poésie. Nous n’avions pas de jouets, alors la musique devenait un jeu», raconte-t-elle.
Née en 1976 et élevée avec ses neuf frères et sœurs dans un camp algérien où sa mère, fuyant l’occupation marocaine du Sahara occidental un an auparavant, s’était installée, Aziza Brahim a connu l’exil à plusieurs reprises. Qui de mieux que cette femme pour chanter les souffrances et les aspirations du peuple sahraoui, voire de tous les déplacés?Des dunes aux Caraïbes
Cuba point d’appui de l’Afrique qui lutte
Alors âgée de 11 ans, Aziza Brahim reçoit une bourse pour étudier à Cuba, comme de nombreux étudiants sahraouis et africains de l’époque. Elle s’en souvient avec émotion:
«Cuba a aidé beaucoup de peuples africains en lutte. Le pays a été une pièce clé du combat sahraoui, en permettant à de nombreux jeunes de notre peuple de s’y former scolairement et professionnellement. Beaucoup de médecins cubains venaient aussi nous soigner dans les camps.»
Pour la chanteuse, Cuba est une deuxième patrie.
«J’y ai passé plus de temps que dans mon propre pays… dont je n’ai jamais foulé le sol! Ce n’était pas toujours facile à Cuba, car j’y ai vécu en pleine ‘période spéciale’ (crise économique du début des années 1990, consécutive à l’effondrement de l’Union soviétique, ndlr), mais le peuple cubain nous a chaleureusement accueillis. Et nous aussi avons soutenu leur révolution», souligne la militante.
(…)
La musique expression pour la lutte
Insoumise, elle retourne dans les camps de réfugiés en 1995, où elle se met à composer ses propres thèmes et se fait connaître peu à peu, avant de s’installer en Espagne en 2000.
«Pour moi, la musique est la plus puissante des influences. Elle me fait vibrer, c’est une condition de lutte. C’est le vecteur le plus direct et efficace pour partager les douleurs, les luttes et les espoirs. Cela me permet également de soigner mes cicatrices, en les transcendant et en transmettant mon expérience dans les camps de réfugiés, qui est vécue par énormément de personnes dans le monde à l’heure actuelle… Ma musique parle de tout ça», confie-t-elle.
Son dernier album, Abbar el Hamada («A travers la Hamada», terme qui désigne un plateau du désert), est un vibrant appel à «détruire les murs qui séparent les peuples», plus particulièrement les fortifications de sable érigées par les autorités marocaines aux confins du Sahara occidental pour empêcher les Sahraouis exilés de revenir sur leur terre.
Ambassadrice
Interrogée sur ses influences, Aziza Brahim parle de musique africaine et arabe avant tout. Elle évoque Ali Farka Touré, «le plus grand artiste africain selon moi», Salif Keita, Rokia Traoré, Miriam Makeba, mais aussi Los Van Van (Cuba), le rock de Jimi Hendrix, Queen, Pink Floyd et le blues étasunien, avec en tête Big Mama Thornton. Son œuvre se révèle à la hauteur de cet éclectisme, des échos du désert de la chanson «Calles de Dajla» (les rues de Dakhla), aux accents afro-cubains de «La Cordillera negra» (la cordillère noire), deux titres de son dernier album.
Comparée par certains à Billie Holiday, l’artiste ne cache pas ses opinions politiques. «Une grande partie de ma musique vise à donner de la visibilité aux revendications de mon peuple, qui me considère de fait un peu comme une ambassadrice. Je le sens comme un devoir, mais aussi comme une chance et un bonheur.» Ambassadrice de son peuple, Aziza Brahim l’est aussi particulièrement des femmes sahraouies, qui occupent une place importante dans son œuvre.
«Notre société est matriarcale, ce sont les femmes qui portent la culotte. Quand j’étais enfant, dans les camps, il n’y avait pas d’hommes. Ils étaient tous au front pour combattre les troupes marocaines. Les femmes faisaient tout, elles organisaient le campement, l’approvisionnement, l’hygiène, les soins, les traditions, la nourriture, la construction d’écoles, d’hôpitaux… Les femmes sahraouies sont un symbole de lutte constante, de détermination, de capacités et de courage. Elles sont pour moi un exemple à suivre.»
Un héritage qu’Aziza Brahim honore à merveille. Et tandis que 2016 touche à sa fin, elle trône au sommet des World Music Charts Europe, classement établi sur la base des playlists des stations de radio de 24 pays européens.
Aziza Brahim, Abbar el Hamada, Glitterbeat Records, 2016, distr. Irascible.
Source : Iniciative Communiste
www.initiative-communiste.fr vous propose une sélection d’extrait de l’article que lui ont consacré nos confrères du journal suisse Le Courrier qui ont pu la rencontrer à Genève
20:16 Publié dans AL-Pays : Cuba, Musique, Politique | Tags : sahara occidental, maroc, aziza brahim, musique, front polisario, blues du désert | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook | | |
23/10/2017
Encensées par Beyoncé et Adele, ces jumelles franco-cubaines de 22 ans sortent un deuxième album bluffant.
Il y a trois ans, Ibeyi jouait au café la Barricade de Belleville devant deux bancs, dont un occupé par la famille et les amis. Le souvenir ravit ces soeurs jumelles nées il y a vingt-deux ans sous le signe du talent. Un excellent premier album sous le bras, l'éponyme «Ibeyi» vendu à 65 000 exemplaires en France et 150 000 à l'étranger, elles ont été invitées depuis à chanter dans le monde entier, du Japon au Brésil, des bretonnes Vieilles Charrues au californien Coachella.
Et ça ne risque pas de s'arrêter avec «Ash». Ce deuxième album foisonnant réussit à marier le caractère quasi sacré de leurs voix et leur volonté de faire danser et penser selon les canons modernes, entre électro et hip-hop. Résultat : l'éclectique et érudit Iggy Pop les adore et Adele, produite comme elles par le prestigieux label anglais XL, a qualifié sur Twitter leur album de «stupéfiant».
L'histoire de Naomi et Lisa Diaz l'est aussi. Commencée entre Cuba et Paris, d'où leur double nationalité. Et le nom de leur duo, Ibeyi, qui signifie «jumeaux» en yoruba. «Les Yorubas sont un peuple qui a été déporté du Nigeria et du Bénin à Cuba, raconte Lisa. Ces esclaves ont toujours cultivé leurs racines et en ont fait un pan énorme de la culture cubaine. On a grandi en écoutant leurs chants religieux et on les a entremêlés à nos chansons.»
L'héritage du Buena Vista social club et d'Eminem
Leur père, Miguel «Anga» Diaz, «était un grand musicien cubain, percussionniste au sein du mythique Buena Vista Social Club», décédé alors qu'elles avaient 11 ans. Elles ont été élevées par leur grand-mère et leur maman, qui est devenue leur manageuse.
«Nos parents nous ont transmis l'amour de toutes les musiques, d'Eminem à l'afro-latino ou au jazz expérimental, et la liberté de les mélanger», se réjouit Lisa. C'est elle qui compose et écrit en anglais et en espagnol, tout en parlant français. Naomi apporte le rythme et la vision d'ensemble. Qu'elles concrétisent en studio avec Richard Russell, producteur et réalisateur qui les a signées dans son label XL et les a prises sous son aile.
Ces deux dernières années furent folles, à tout point de vue. Sur scène et en dehors. Les rencontres les plus marquantes étant certainement celles avec Prince, qui les a vues sur scène à Minneapolis et voulait les inviter chez lui avant de décéder, et Beyoncé, qui les a fait tourner l'an dernier dans le film lié à son album «Lemonade». «On ne peut pas trop en raconter, car on a signé une clause de confidentialité, avoue Naomi. Elle avait d'abord posté une vidéo avec notre premier titre, River, comme musique, puis son équipe nous a contactées pour participer à un projet à La Nouvelle-Orléans. C'est quelqu'un de très naturel et sympa.» «C'est beau de voir une femme si haut dans l'industrie de la musique qui réussit à contrôler tout, son image, son histoire», ajoute Lisa.
Toutes ces rencontres ont forgé l'identité de leur deuxième album hybride, nourri de soul, d'électronique, de jazz, de hip-hop, de sonorités captées sur tous les continents, de discours de Michelle Obama ou de Frida Kahlo, de collaborations avec la rappeuse Mala Rodriguez, le pianiste Chilly Gonzales ou l'Américaine Meshell Ndegeocello. «Après 180 dates de concert, on savait ce qu'on voulait faire : un album conçu pour le live, pour faire réagir le public. On veut les voir chanter, danser et suer encore plus.»
Ibeyi, «Ash», XL/Beggars, 10,99 €. En concert le 24 novembre à Paris (Festival des Inrocks).
17:16 Publié dans AL-Pays : Cuba, France, Musique | Tags : soeurs ibeyi, chanteuses, cubaines | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
21/07/2017
Fonseca : «Très fier d'être cubain»
Son huitième album intitulé «Abuc» est sorti en novembre dernier.
En pleine tournée mondiale, le pianiste Roberto Fonseca nous a accordé une interview
Parlez-nous de vos racines afro-cubaines et de la collaboration avec la chanteuse malienne Fatoumata Diawara sur l'album «At Home».
À Cuba, ces racines se retrouvent dans le rythme, les mélodies, la grande spiritualité, la combinaison des sons et dans les styles musicaux. C'est ce qui a fait la notoriété de grands artistes.
Je crois que sans l'influence de ces racines, Cuba n'aurait pas eu le potentiel culturel qu'il a eu et qu'il continuera d'avoir. Avec Fatoumata, elle a d'abord chanté sur le titre Bibisa de l'album Yo. Cette collaboration fut magique. On a ensuite monté un groupe avec des musiciens cubains et africains.
Ce projet a changé ma vie. Nous avons travaillé dans un respect mutuel et avons beaucoup appris les uns des autres. C'était un pont entre la culture du Mali et Cuba.
Sur «Abuc», on dit que vous êtes le «conteur» de l'histoire de la musique cubaine…
Je suis très fier d'être cubain et d'y être né. Cet album est très important pour moi. Je raconte une partie de l'histoire de la musique cubaine, des différents styles mais aussi de la résonance de la musique à chaque époque.
Je montre mes racines, ma culture mais aussi d'où je viens.
Des artistes comme Ibrahim Ferrer se succèdent à vos côtés. L'esprit du Buena Vista Social Club perdure ?
Avoir joué avec Ibrahim m'a donné l'opportunité d'apprendre la véritable musique traditionnelle cubaine. Je ne l'oublierai jamais.
C'est en partie grâce à lui que je suis celui que je suis aujourd'hui. C'est très important de maintenir la tradition et je tenterai de le faire toute ma vie. La musique traditionnelle de chaque pays est comme une carte d'identité, cela identifie chaque musicien ou artiste. Sur l'album «Yo», on a même entendu votre voix… J'apprécie les paroles intelligentes et innovantes avec des choses à dire. La voix est le résultat de la vibration du corps, j'aime faire des mélodies, cela me transporte dans d'autres univers. J'expérimente sans cesse de nouvelles sonorités et collaborations. Le prochain album sera peut-être plus électronique ou acoustique mais sera lié à la culture cubaine.
Quel regard portez-vous sur le Cuba d'aujourd'hui ?
Il y a eu des changements importants ces dernières années, mais je crois qu'ils n'affecteront pas la culture car nous sommes nombreux à la défendre. C'est ce qui fait ce que nous sommes aujourd'hui. Très spéciaux.
En savoir plus sur http://www.ladepeche.fr/article/2017/07/21/2615953-fonseca-tres-fier-d-etre-cubain.html#oPCfCkLZbywm0rhs.99
16:47 Publié dans AL-Pays : Cuba, Cuba music, Musique | Tags : fonseca, abuc, cuba | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
15/10/2015
Le Buena Vista Social Club, de Cuba à la Maison-Blanche
La formation la plus célèbre de la musique cubaine, actuellement en tournée d’adieu, s’arrête le 15 octobre à la Maison-Blanche, reçue par le président Barack Obama.
Le 15 octobre, les murs de la Maison-Blanche vibreront aux sonorités d’une musique inaccoutumée en ces salons… Et pour cause ! Il s’agit de rythmes spécifiquement cubains, ce qui eût été inconcevable il y a quelques mois, portés qui plus est par un groupe mythique de l’île, l’orchestre Buena Vista Social Club
Cette présence de la culture cubaine au cœur du pouvoir des États-Unis est un symbole supplémentaire du rapprochement en cours entre La Havane et Washington.
Annoncé en décembre 2014 par Barack Obama et Raul Castro, ce dégel a abouti en juillet 2015 au rétablissement des relations diplomatiques, mettant fin à un demi-siècle d’isolement du régime communiste cubain.Une saga qui n’a que vingt ans
Elle est aussi l’occasion de rappeler l’histoire extraordinaire de cet ensemble musical atypique, qui semble inscrit dans la grande histoire de la musique de l’île, alors que sa création, au fond, demeure très récente : moins de vingt ans.
Le "Buena Vista" n’est pas une formation comme les autres. Il vit le jour en 1996 et connut un succès phénoménal dès son premier disque, paru en septembre 1997, écoulé depuis à plus de 9 millions d’exemplaires à travers le monde.
L’année suivante, il est vrai, le cinéaste allemand Wim Wenders lui apporta un renom extraordinaire avec un film documentaire qui suivait les musiciens, plus attachants les uns que les autres, en studio et en tournée, notamment lors d’un concert au Carnegie Hall le 1er juillet 1998.
Une « dream team » de vétérans
Ses membres d’origine étaient presque tous des artistes âgés, venus tout droit de l’âge d’or de la musique cubaine, entre les années 1930 et 1950. Parmi ces anciennes grandes figures oubliées ou franchement méconnues, l’une des figures de proue fut le chanteur et guitariste Compay Segundo, qui débuta sur les planches dans les années 1920 mais dont la gloire internationale survint plus de soixante-dix ans plus tard, à près de 90 ans ! Il est mort en 2003 à l’âge canonique de 95 ans.
Autres grands noms de la formation qui se révélèrent au monde il y a une vingtaine d’années et qui n’en sont plus aujourd’hui, le chanteur Pio Leiva (1917-2006), le pianiste Ruben Gonzales (1919-2003) ou encore le formidable chanteur Ibrahim Ferrer (1927-2005), souvent d’anciens membres des Afro-Cuban All Stars, avant d’être « recrutés » par le Buena Vista.
Il ne reste de cette « dream team » de vétérans cubains que la diva Omara Portuondo, 86 ans à la fin du mois d’octobre, dont le dernier album remonte à 2009, et le brillant chanteur, guitariste et compositeur Eliades Ochoas, né en 1946.
Ry Cooder, producteur, condamné en 2003
Il demeure aussi, bien sûr, le guitariste américain Ry Cooder, compositeur attitré de plusieurs bandes oiginales de films de Wenders, dont celles de Paris Texas, qui prit part à l’enregistrement de chaque morceau du disque, sans en être jamais le compositeur, et qui commit un coup de génie en décidant à l’époque de produire cet album, même s’il fut, en 2003, condamné à 100 000 dollars d’amende pour infraction à la loi américaine sur le commerce avec l’ennemi !
Les choses ont donc changé. Et l’orchestre du Buena Vista Social Club, qui accomplit en 2015 sa tournée d’adieu – passée par les Suds, à Arles, en juillet – accompagné d’un ultime album, « Lost and Found », sorti au printemps, est désormais reçu par le président américain Barack Obama, en présence de l’ambassadeur de Cuba aux États-Unis, à l’occasion d’une cérémonie en l’honneur de la communauté hispanique.
Du vieux « Buena Vista », il demeure la diva Omara Portuondo, le trompettiste Guajiro Mirabal, autre survivant du collectif d’origine, et un Eliadès Ochoa qui ne se sépare jamais de son chapeau Stetson. Et comme le dit ce dernier : « Quand on annonce Buena Vista Social Club, aujourd’hui, devant l’orchestre, il n’y a plus que nous. Et je dis toujours : une retraite à temps vaut une victoire. »
11:23 Publié dans AL-Pays : Cuba, Cuba music, Musique, Vidéo | Tags : buena vista social, cuba, obama | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |