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18/06/2025

« La Chine doit apporter une aide plus substantielle à Cuba »

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Face à l’asphyxie économique, Cuba pourrait-elle enfin entrevoir une voie de sortie  ? Dans un monde en recomposition, où la Chine défie l’hégémonie du dollar et où les BRICS+ gagnent en influence, l’île socialiste cherche à briser l’isolement. Entretien avec Salim Lamrani, Professeur des universités en histoire de l’Amérique latine, spécialiste de Cuba.

Cuba se trouve dans une situation particulière. Une « course contre le temps » pourrait-on dire. Asphyxiée depuis plus de soixante ans par le blocus américain, l’île socialiste a vu ses marges de développement industriel et commercial drastiquement réduites. La toute-puissance du dollar a longtemps interdit toute alternative, même pour ses partenaires les plus proches.

Mais le monde change. Cuba est devenue partenaire officiel des BRICS+. La dédollarisation avance, lentement mais inexorablement. La Chine s’affirme chaque jour un peu plus face à Washington. Le peuple cubain a fait preuve d’un courage et d’une endurance remarquables. La question peut désormais se poser : une fenêtre stratégique est-elle ouverte pour – enfin – briser l’isolement de l’île socialiste ?

Quel est l’état actuel des relations entre Cuba et la Chine ?

Les relations entre les deux pays sont excellentes. Cuba a été le premier pays d’Amérique à reconnaître la Chine Populaire en 1960, en établissant des relations diplomatiques malgré les pressions des États-Unis. Dès l’avènement de la Révolution cubaine en 1959, le gouvernement de Fidel Castro a milité pour que la Chine soit admise comme membre permanent des Nations unies, même s’il a fallu attendre 1971 pour que cela devienne réalité.

La Chine est un partenaire politique majeur de Cuba. Il existe des liens solides entre les deux pays. Pékin et La Havane partagent une vision commune d’un monde multipolaire fondé sur le droit international. Cuba, comme une grande partie de la communauté internationale, a toujours défendu le principe d’une seule Chine. De son côté, la Chine a constamment soutenu l’indépendance de Cuba et a dénoncé les agressions répétées de la part des États-Unis, notamment les sanctions économiques anachroniques, cruelles et illégales imposées depuis 1960.

La Chine est aujourd’hui le premier partenaire économique de Cuba, représentant plus de 20 % des échanges commerciaux de l’île. Cuba importe des biens de consommation, tels que des vêtements, de l’électroménager, ainsi que des produits technologiques et électroniques et des machines industrielles. La Chine a notamment investi dans la Zone de développement de Mariel, dans les télécommunications et les infrastructures routières. Cuba, pionnière en biotechnologie médicale, a également conclu des partenariats dans ce domaine avec la Chine.

Après plusieurs années de stagnation, les échanges commerciaux ont augmenté de façon substantielle l’année dernière : les exportations chinoises vers Cuba ont augmenté de 45 %, atteignant 75 millions de dollars, tandis que les exportations cubaines vers la Chine ont bondi de 80 %, totalisant 30 millions de dollars. Ces chiffres restent cependant inférieurs à ceux de 2017. Sur le plan touristique, un premier vol direct avec Air China a été inauguré en 2024, entraînant une hausse de 50 % du nombre de touristes chinois.

Depuis 2017, la coopération sino-cubaine a permis la construction de centrales photovoltaïques et le lancement des kits solaires « Made in Cuba ». Pensez-vous que cette initiative est un premier pas vers une aide au développement industriel plus large ?

Plusieurs parcs solaires sont effectivement en construction à Cuba, une cinquantaine en 2025, et une centaine prévue d’ici à 2028. L’objectif est de répondre à la grave crise énergétique que traverse l’île, incapable de moderniser ses centrales thermoélectriques en raison des sanctions économiques étasuniennes. Par exemple, Cuba ne peut acheter les pièces de rechange nécessaires au remplacement de son matériel obsolète.

De mon point de vue, l’aide apportée par la Chine reste insuffisante. Il faudrait construire dès maintenant 150 parcs solaires. Un grand pays comme la Chine dispose des ressources matérielles et financières pour permettre à Cuba de résoudre son problème d’approvisionnement énergétique, qui a de lourdes conséquences sur le bien-être de la population. La Chine propose les tarifs les plus compétitifs, les délais de réalisation les plus courts et les prêts les moins coûteux, sans contrepartie politique, contrairement au Fonds monétaire international.

Cuba compte environ 9 millions d’habitants. Pour un géant démographique comme la Chine, c’est l’équivalent d’une ville comme Xi’an, seulement la dixième la plus peuplée du pays. La Chine est donc en mesure de fournir un soutien substantiel à Cuba.

En raison de la politique hostile des États-Unis, qui ont inscrit Cuba sur la liste des pays soutenant le terrorisme, près d’une centaine d’institutions bancaires internationales ont rompu leurs liens avec l’île. Celle-ci a un besoin vital de financements. La Chine devrait lui accorder un prêt substantiel à taux zéro sur cinquante ans afin de répondre aux besoins fondamentaux du peuple cubain. Cuba, qui a toujours été solidaire avec tous les peuples en lutte pour leur émancipation, mérite à son tour d’être soutenue. Une grande révolution, comme la Révolution chinoise, est capable de fournir ce concours matériel et financier.

Depuis 2025, Cuba est membre à part entière des BRICS. Que peut-elle apporter à cette organisation ?

Cuba est d’abord et avant tout une puissance morale et symbolique, ayant su résister sans fléchir à l’impérialisme étasunien. Malgré l’état de siège économique implacable qui l’étouffe, Cuba n’a jamais renoncé à ses principes, ce qui lui confère un grand prestige dans le monde, en particulier dans le Sud global. Son adhésion aux BRICS est un honneur pour cette institution multipolaire, car l’île a toujours défendu des valeurs fondamentales telles que la souveraineté nationale, la réciprocité, la non-ingérence dans les affaires intérieures et la diplomatie.

Cuba est également une puissance médicale ayant établi une coopération avec plus d’une cinquantaine de pays. Elle dispose d’un personnel médical abondant et hautement qualifié, avec 8 médecins pour 1 000 habitants, près de trois fois plus qu’en France, par exemple.

Depuis les années 1960, Cuba exporte ses services médicaux et possède une vaste expérience dans ce domaine. On peut citer la Brigade Henry Reeve, composée de 500 médecins spécialisés dans les situations d’urgence : Cuba est intervenue en Haïti après le séisme, en Afrique durant la crise de l’Ebola, et même en Europe lors de la pandémie de Covid-19. Actuellement, plusieurs centaines de médecins et d’autres professionnels de santé travaillent en Italie.

L’École latino-américaine de médecine forme des étudiants du monde entier depuis près de trois décennies, avec environ 5 000 diplômés par an. Cuba dispose également d’un secteur de biotechnologie médicale de très haut niveau, ce qui lui a permis de développer des médicaments innovants comme le vaccin contre le cancer du poumon (Cimavax), des traitements contre le diabète, ainsi que plusieurs vaccins contre le Covid-19.

 
 

18:01 Publié dans AL-Pays : Cuba, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg

31/03/2025

Entre Cuba et l’Assemblée André Chassaigne ne s’arrête pas

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Et il continue sa lutte ! Le 25 mars, André Chassaigne a prononcé sa dernière intervention à l’Assemblée nationale en tant que président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Pilier du Parti communiste français, il quitte l’hémicycle, mais pas le combat. À Montpellier, quelques jours plus tôt, il partageait encore son engagement avec militants et citoyens, et réaffirmait sa solidarité indéfectible avec Cuba.

Il a énormément contribué à l’activité communiste au Parlement en alliant aux députés communistes une diversité de députés ultramarins, de la Nouvelle-Calédonie à Tahiti en passant par la Guyane et la Réunion.

 

Il quitte son rôle de député pour retrouver celui d’adjoint au maire à Saint-Amant-Roche-Savine, village dont il fut longtemps le maire. Surtout, il continue ses luttes, nos luttes. Il l’a affirmé avec tranquillité.

Son départ du Parlement marque une transition, non une retraite : André Chassaigne reste un pilier de la lutte pour le progrès social et la souveraineté des peuples, pour le socialisme à la française, la paix et le désarmement.

Plutôt qu’un meeting, une rencontre

Quelques jours plus tôt, le 21 mars, il était à Montpellier pour l’une de ses dernières rencontres en tant que député avec les citoyens et les communistes. Mais peut-on parler de meeting quand un élu de la nation s’adresse avec tant de fermeté - bonhomme d’abord, et avant tout fraternel - au public  ? Il sait mettre en avant tous les facteurs d’espoir, malgré la situation terrible que traverse le monde. Consacrant l’essentiel au dialogue à la rencontre, à l’organisation des luttes du lendemain. La salle à l’unanimité a vécu un beau moment de solidarité. Qu’il en soit, ici, remercié.

Chassaigne Cuba livre.jpgC’est devant plus de 100 personnes captivées, qu’il a exposé, actualisé autant que possible, l’essentiel du contenu de son livre Cuba, une étoile dans la nuit. En fin de séance, il en a dédicacé 43, ce qui – me semble-t-il – est un joli score et permettra à des dizaines de personnes de développer leurs propres argumentations. Les trois associations de solidarité héraultaises à Cuba étaient coorganisatrices de la rencontre.

Il a aussi annoncé qu’il assumera la responsabilité de la campagne nationale de solidarité du Parti communiste français avec Cuba. Avec toute la passion qu’on lui connaît pour l’île socialiste, pour son peuple et ses luttes, il a aussi confirmé que c’est un communiste qui lui succédera à la présidence du groupe parlementaire d’amitié « France Cuba ».

Cuba, une étoile dans la nuit - La lutte du peuple cubain contre un blocus criminel.
Pour toute commande, soit dans toute bonne librairie, soit directement auprès de la maison d’édition Le temps des cerises. 20 Euros

Devant le buste de Marti à Montpellier

Montpellier est une des rares villes de France à honorer Marti, révolutionnaire majeur de Cuba et de l’Amérique latine. Une belle statue de bronze. C’est donc au pied de cette œuvre que s’est terminée la rencontre d’André Chassaigne à Montpellier. Les héraultais amis de Cuba ont l’habitude de s’y retrouver chaque 26 juillet.
Ce moment d’émotion rappelle la longue histoire du combat contre l’impérialisme US, sans lequel il serait impossible de comprendre l’incroyable résistance d’un peuple.

Source Liberté Actus

 

14:54 Publié dans AL-Pays : Cuba, France, Histoire, Livre, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg

30/12/2024

Vers une transition énergétique innovante, un partenariat solaire au service de la durabilité entre Cuba et la Chine

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Depuis début 2024, l'île a installé près d'un million de panneaux photovoltaïques chinois et prévoit d'en installer 3,6 millions de plus d'ici deux ans, selon les autorités

Face à une crise énergétique chronique et sous l’étau du blocus économique américain, Cuba s’est tourné vers la Chine pour développer son potentiel en énergies renouvelables. Une coopération technologique et stratégique qui redessine les contours de l’indépendance énergétique et de la solidarité internationale.

Un modèle énergétique à bas-carbone

Cuba panneau 2.jpgCuba, frappé par des coupures de courant récurrentes, a dû trouver une solution rapide pour éviter une crise énergétique majeure. Le blocus économique américain, en augmentant les coûts d’importation des technologies de pointe, complique l’accès à des systèmes énergétiques modernes. C’est en ce sens que l’arrivée de la Chine comme partenaire technologique est cruciale.

Le gouvernement cubain investit aujourd’hui massivement dans des projets d’énergie solaire avec l’aide de la Pékin. Ce partenariat repose sur des transferts de technologie, la fourniture de matériaux et la formation des techniciens locaux. Les centrales solaires installées permettent d’économiser annuellement 18 000 tonnes de carburant et produisent jusqu’à 60 000 kWh d’électricité par jour, réduisant significativement la dépendance aux combustibles fossiles.

Une coopération technologique et sociale

Ce programme ambitieux montre combien la Chine est importante dans le développement des énergies renouvelables à l’échelle internationale. Au-delà de l’aspect technique, la coopération sino-cubaine met en avant une approche inclusive et pragmatique. La Chine ne se contente pas de fournir des infrastructures : elle partage aussi son expertise. Des formations intensives ont été organisées pour permettre aux techniciens cubains de maîtriser l’installation et la maintenance des systèmes solaires, renforçant ainsi leur autonomie.

Par ailleurs, l’initiative du kit solaire « Made in Cuba » illustre l’approche locale du projet. Assemblé à partir de composants importés de Chine, ce kit vise à électrifier des milliers de foyers pour un coût compris entre 150 et 200 dollars seulement. Ces efforts contribuent à améliorer la vie quotidienne des Cubains tout en stimulant l’économie locale.

En misant sur une vision commune de la durabilité et de l’équité énergétique, Cuba et la Chine répondent ensemble à des enjeux globaux tout en stimulant leur développement mutuel..

Chiffres clés

3,5 milliards USD : montant investi par Cuba sur 15 ans dans les énergies renouvelables.

24 % : part d’énergies renouvelables visée dans le mix énergétique d’ici à 2030.

1 500 watts : capacité des kits solaires cubains à bas coût assemblés localement.

Innovations techniques


Panneaux solaires monocristallins : rendement énergétique jusqu’à 22 %.

Onduleurs hybrides : conversion optimale du courant pour des systèmes connectés.

Batteries lithium-ion : stockage de 5 à 20 kWh pour une utilisation adaptée aux besoins domestiques.


Dates clés


2016 : Déclaration des objectifs énergétiques cubains avec un accent sur les énergies renouvelables.

2017 : Signature des premiers accords de coopération énergétique sino-cubaine.

2018 : Construction des premières centrales photovoltaïques avec des technologies chinoises.

2023 : Début de l’initiative des kits solaires « Made in Cuba ».

2023-2024 : Initiative des kits solaires domestiques.

Source Liberté Actus

Pour aller plus loin : Histoire et Société - La technologie photovoltaïque chinoise et Cuba

12:04 Publié dans AL-Pays : Cuba, Economie, Environnement | Tags : cuba, chine, panneaux phltaiques | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg

27/12/2024

« Construire le socialisme à 150 kilomètres des États-Unis, voilà notre malheur, notre défi, notre fierté » : à Cuba le difficile quotidien face à la crise économique

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Pénuries, coupures d’eau et d’électricité, la Grande Île connaît les plus graves difficultés économiques de ces dernières décennies. Le blocus que subit la population depuis 1962 et les mesures de rétorsion prises par Donald Trump lors de son premier mandat impactent durablement les habitants qui parlent de solidarité, de craintes pour l’avenir et d’exil.

 

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Vinales, Playa Larga, Trinidad, Santa Clara, Soroa, La Havane (Cuba), correspondance particulière.

Près du bohio des charbonniers qui partagèrent avec Fidel Castro le premier réveillon de la révolution, un immense palmier, tout du long jeté à terre, tente de se redresser au « ciénaga » de Zapata. Derrière cette image exotique, Cuba vit veines ouvertes avec une économie effondrée. La société résiste, comme David, paysan à Vinales : « Il nous a fallu cinq siècles pour devenir les maîtres chez nous. Construire le socialisme à 150 kilomètres des États-Unis, voilà notre malheur, notre défi, notre fierté. »

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Le blocus creuse des plaies. Le plus long, le plus injuste, le plus cruel de l’histoire, qui a été maintenu en 2016, sous la présidence de Barack Obama, malgré le rétablissement des relations, aggravant l’étranglement financier de l’île. Il a été durci par son successeur, Donald Trump (243 mesures de plus pendant la pandémie), et les blessures sont désormais béantes : un change officiel de 120 pesos pour 1 euro, 320 pesos au marché noir, une forte inflation, de nombreuses coupures d’électricité et d’eau, un manque de combustible, de gaz et de pièces de rechange.

Les caisses sont vides

Entre deux pannes de courant, les familles cuisinent au charbon. Marcelo, un guide touristique, constate que « le blocus veut nous ramener à l’âge de pierre. Nous venons de réunir les assemblées des comptes rendus de mandat des députés. Là comme dans les réunions du parti, on entend que s’il faut retourner à la Sierra Maestra on y retournera ».

Un bateau de gaz domestique est resté à quai pendant quinze jours, car l’État n’avait pas les moyens de payer. Nelson, pédiatre à la polyclinique de Playa Larga, raconte : « Nous manquons de fil de suture, de pharmacie de base. Cuba produisait 80 % de ses médicaments. Depuis Trump, on ne peut plus importer de molécules. Nos patients mouraient, faute de respirateurs. Nourrir la population et créer les vaccins ont absorbé les réserves de l’État. Les caisses sont vides. »

Avant la pandémie, le panier de la libreta (une aide subventionnée pour tous les foyers) assurait chaque mois, à chacun, 3 kg de riz, 3 kg de cassonade, 2 kg de sucre blanc, 1 kg de haricots, 6 œufs, 1 litre d’huile pour trois personnes, du sel, du tabac, contre la somme de 300 pesos. Pendant l’épidémie s’y sont ajoutés des suppléments de riz, de haricots, des sardines. Début décembre, à Cienfuegos, à Pinar del Rio, à Trinidad, 1 kg de riz et 2 kg de sucre par personne avaient été livrés. La fourniture du litre de lait, pour chaque enfant jusqu’à ses 7 ans, accuse parfois plusieurs jours de retard.

Une autre source de frustration pour les Cubains provient des inégalités nées avec la création des micro, petites et moyennes entreprises (les Mipymes). Elles échappent au blocus, importent des produits pour le secteur touristique et la construction. Le gouvernement a accéléré leur création pour garantir l’arrivée de marchandises. Problème : sur le marché, tout ou presque est disponible, à des prix prohibitifs. Amado, vétéran du parti, explique : « Ce peuple est égalitaire et ne supporte pas les inégalités. Elles étaient gommées tant que l’État garantissait la subsistance, la santé, l’éducation, la culture. »

Au comité central du Parti communiste, la responsable du secteur Europe déclare : « Nous vivons dans une économie déformée, une économie de guerre. Nous prenons des mesures, toujours en urgence. Elles ne nous plaisent pas forcément, mais sont les seules possibles dans l’instant. Il faut sans cesse résoudre, prioriser, rectifier. »

De fréquents attroupements

Dans la presse, les tables rondes à la télévision, le débat est public. Chacun a son idée sur les dysfonctionnements., certains dénoncent « l’unification monétaire en pleine pandémie » ou avancent qu’« il aurait fallu construire des centrales thermiques et le parc photovoltaïque il y a vingt ans » . D’autres proposent d’« augmenter les travailleurs de l’État », « de prioriser le ramassage des ordures car cela affecte la santé et le moral » ou encore « de contrôler davantage les prix, de lutter contre la corruption et la bureaucratie ».

Parfois, des attroupements se forment. « Normal que le mécontentement s’exprime, souligne Anibal, qui entretient à Villa Clara une maison d’hôte. Militants et voisins se précipitent pour calmer, convaincre. Nous ne laisserons jamais la confusion s’installer. On y parvient toujours : les gens veulent plus de socialisme, pas un renversement du régime. »

Le plus frappant reste, visible partout et tout le temps, une énergie vitale pour résister au blocus et aux catastrophes naturelles, décuplées par les changements climatiques. « La situation est critique, reconnaît Gerardo, le chef du réseau d’espionnage Avispa (les cinq de Miami), aujourd’hui président des 238 000 CDR (comités de défense de la révolution). Ce n’est pas dans notre mentalité de subir, de s’asseoir pour se lamenter. Ce qui ne fonctionne pas, nous le réparerons. Personne ne viendra détruire nos conquêtes. »

À la réserve d’orchidées de Soroa, les jardiniers ont effacé les traces du dernier typhon. Ils avaient photographié les dégâts, les pylônes écroulés, aujourd’hui debout. Au jardin botanique de Cienfuegos, leurs collègues travaillent à la machette. Parmi eux, Niurka, la sous-directrice : « L’État ne fournit plus que 80 litres d’essence par mois au lieu de 1 200. La cantine est supprimée. On se serre les coudes, on s’entraide dans la famille, entre travailleurs. Nous nous sentons des grains de sable indispensables, à inventer chacun pour tenir. »

À chaque coupure électrique, les quelques maisons, munies de groupes électrogènes, ouvrent leurs portes aux voisins, venus tirer un fil, recharger le téléphone, réchauffer un plat. Alors que le salaire moyen ne dépasse pas 4 200 pesos (35 dollars), celui d’un enseignant 6 000, 10 000 pour un médecin, 2 500 pour un retraité, chacun vit d’un double emploi. Dans les maisons d’hôte, le gardien de nuit du samedi soir est instituteur ; le barman de l’hôtel, un médecin.

Chaque restaurant a son groupe de musiciens, beaucoup d’enseignants parmi eux. Alejandro, instituteur, affirme : « Dans notre éducation, pour résister, nous avons appris à tout faire. Chanter, c’est être heureux et rendre heureux. Nous chantons à la fin la chanson du Che. Manière de dire qui on est. Rien, personne, ne fera taire notre musique. »

Des départs dans chaque famille

Il existe une souffrance pudique que l’on interroge avec précaution car elle tire inévitablement des larmes. Oliviero : « Quand le dernier de ses amis d’enfance est parti, mon fils m’a dit : « Papa, moi je reste ! » » Dans la majorité des familles rencontrées, un enfant manque. Immigrés économiques, ils envoient colis, groupes électrogènes, devises. Éduqués par la révolution, ils sapent les bases des anticastristes de Floride. « Quand mes voisins reviennent, on s’embrasse et on partage une bouteille de rhum. » En représailles, cruauté du blocus, les États-Unis ont limité les envois de devises et les voyages à Cuba.

À la veille du 66e anniversaire de la révolution, avant le second mandat de Donald Trump, l’île rassemble ses forces. L’Assemblée nationale du pouvoir populaire a voté de nouvelles mesures de « rectification », annoncé des semailles en hausse, une progression du PIB en 2025 et la poursuite de la modernisation des lois. Après plusieurs réformes (économie, Constitution, famille, Code du travail) le débat public va s’ouvrir sur les droits de l’enfant.

Pendant le dernier comité central du Parti communiste, une enquête a révélé qu’une majorité de la population soutient la révolution et son gouvernement. Preuve que la confiance est réciproque, ce dernier en appelle encore et toujours au peuple. 

Le 20 décembre, derrière Raúl Castro, Miguel Diaz Canel, les dirigeants du parti et de l’État, une manifestation monstre de 700 000 personnes a envahi le Malecon de La Havane et l’ambassade des États-Unis pour dénoncer le blocus et réclamer le retrait du pays de la liste des États terroristes. Plus formidablement qu’un typhon.

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12:12 Publié dans ACTUSe-Vidéos, AL-Pays : Cuba, Politique, Société, USA | Tags : cuba, reportage | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg