19/12/2014
Le blocus contre Cuba, l’autre mur à abattre
La normalisation des relations entre Washington et La Havane a été saluée. La première puissance n’a plus d’autre choix que de lever les sanctions économiques qu’elle a décrétées de manière unilatérale en 1962. Sauf à s’isoler davantage sur la scène internationale.
Les cubains sont dans la rue et applaudissent à la libération de Gerardo Hernandez, Ramon Labañino et Antonio Guerrero. ces agents cubains qui étaient prisonniers aux États-Unis depuis 1998 faisaient partie des « Cinq de Miami ».
Les deux autres, René Gonzalez et Fernando Gonzalez, avaient déjà été relâchés.
“Volveran”, avait promis Fidel Castro. Mardi, c’est l’actuel président cubain, Raul Castro, qui a annoncé le « volvieron » tant attendu.
Seize années durant, le retour des cinq agents antiterroristes cubains injustement emprisonnés aux États-Unis s’est imposé comme une exigence du respect du droit. Ils sont enfin revenus.
À Cuba, le 17 décembre n’est pas une journée de fête nationale, mais c’est désormais tout comme, pour ainsi dire.
Les Cubains sont descendus dans les rues avec des drapeaux, comme souvent lors de leurs manifestations, symbole par excellence de leur souveraineté, pour célébrer la libération de Ramon, Antonio, Gerardo, les trois manquants des « Cinq de Miami », comme on les appelle communément.
Des héros aux yeux de leurs compatriotes. Les scènes de joie ont précédé des instants de grave silence. Rarement un pays avait été autant suspendu au discours de leur président, mais également à celui du président du pays voisin, les États-Unis qui, depuis cinquante- trois ans, ont fait de l’ingérence et des coups tordus contre La Havane une posture inébranlable.
Le plaisir de voir de nouveau les « Cinq » réunis au pays s’est confondu avec les déclarations officielles de Raul Castro et de Barack Obama annonçant enfin le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Le dialogue l’a finalement emporté sur la déraison d’une guerre anachronique.
Nous sommes tous des Américains, a déclaré Barack Obama, reprenant ainsi à son compte le « Je suis un Berlinois » prononcé par Kennedy du temps de la guerre froide. Dans son allocution de mardi, le président des États-Unis n’a pas eu d’autre choix que d’admettre l’échec de la stratégie de la Maison-Blanche à l’encontre de Cuba.
La normalisation des relations entre La Havane et Washington vient enfin mettre un terme à une anomalie historique. À de rares exceptions près – des cercles anti-castristes de Miami aux opposants à Cuba en passant par les républicains ou encore certains spécialistes et personnalités qui ont fait de « l’anti-Cuba » leur fonds de commerce –, le retour au dialogue a été vivement salué de par le monde.
Le Vatican a été l’un des premiers États à se réjouir de cette décision, le pape François la qualifiant « d’historique ». La diplomatie ecclésiastique aura été l’une des chevilles ouvrières du rapprochement entre les deux pays et des discussions qui se sont déroulées dans le plus grand secret au Canada depuis le printemps 2013.
Les nations d’Afrique ou encore la Chine et le Vietnam, partenaires de Cuba, se sont joints au concert de satisfaction. « La guerre froide doit être terminée une fois pour toutes », a déclaré le président français François Hollande.
Une « rectification historique » de l’administration américaine
Les félicitations les plus appuyées sont bien sûr venues d’Amérique latine. « Je crois que c’est un moment qui marque un changement dans la civilisation, qui montre qu’il est possible de rétablir des relations interrompues depuis de nombreuses années », a estimé la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, à l’occasion du sommet du Mercosur en Argentine.
Son homologue du pays hôte, Cristina Kirchner, « combattante de la justice sociale » qui n’aurait jamais cru voir cela de son vivant, selon sa formule, a salué « le peuple cubain et son gouvernement pour avoir initié un processus avec une absolue dignité et sur un pied d’égalité » avec les États-Unis. Le président du Venezuela, Nicolas Maduro, a, quant à lui, relevé « la rectification historique » de l’administration américaine, insistant sur « le geste du président Barack Obama, un geste courageux et nécessaire dans l’Histoire ». « Il s’agit peut-être de l’initiative la plus importante de sa présidence », a-t-il souligné alors que les relations entre leurs pays sont des plus tendues. C’est un « espoir pour la paix », a soutenu le chef de l’État colombien, le conservateur Juan Manuel Santos.
Depuis de nombreuses années, les présidents d’Amérique latine n’ont eu de cesse de réclamer la fin des hostilités, Cuba étant à leurs yeux le symbole d’un pays libre et indépendant face aux pressions impérialistes. Ces quinze dernières années, avec l’avènement de gouvernements de gauche dans le sud continent, le rapport de forces s’est même inversé.
Pour l’avocate et écrivaine états-unienne, Eva Golinger, « l’union de l’Amérique latine a joué un rôle énorme » en faveur de la normalisation de la situation. Selon elle, la « vision d’intégration dans la région » et « l’isolement de la politique et la domination historique des États-Unis » ont pesé dans la décision de Washington.
Barack Obama avait-il le choix ?
Pas un sommet continental ne s’est dernièrement déroulé sans un rappel à l’ordre concernant la mise à l’index de Cuba des rencontres officielles, à commencer par les réunions de l’Organisation des États américains (OEA) dont Cuba a été exclu en 1962. Cette mise au ban décrétée de manière unilatérale par le bureau Ovale, et bien d’autres encore, ont conduit les nations de l’hémisphère Sud à fonder des institutions alternatives telles que la Communauté des États américains et de la Caraïbe ou encore l’Union des Nations sud-américaines dont sont exclus les États-Unis.
Ces derniers se sont retrouvés isolés sur le plan diplomatique. Un boycott politique du prochain sommet de l’OEA qui aura lieu l’an prochain au Panama n’est pas écarté si Cuba n’est pas invitée à y participer.
Si la restauration des relations diplomatiques est un bouleversement des rapports dans la région et à une échelle internationale, elle ne met pas un terme au conflit tant que les sanctions économiques et financières à l’encontre de Cuba ne seront pas levées. « Nous espérons voir davantage que les initiatives annoncées, que le blocus contre Cuba soit définitivement levé et que les relations soient normalisées pour le bien de l’ensemble de la région », a demandé le ministre chilien des Affaires étrangères, Heraldo Munoz.
Sur ce terrain également, les États-Unis se sont marginalisés. Lors de la dernière Assemblée générale des Nations unies en octobre, seul Israël a voté avec eux en faveur du maintien du blocus. Dans son discours, Barack Obama a fait état de plusieurs mesures telles qu’un assouplissement des restrictions de voyages imposées aux Cubains vivant aux États-Unis.
La diaspora pourra dorénavant envoyer jusqu’à 2 000 dollars par trimestre à leurs familles contre 500 actuellement. Les voyageurs états-uniens seront désormais autorisés à utiliser leurs cartes de crédit à Cuba. Des institutions américaines pourront même ouvrir des comptes dans des organismes financiers cubains.
>>> Lire : Il y a cinquante ans, les États-Unis décrétaient le blocus de Cuba
D’aucuns considèrent que ces mesures constitueront un appel d’air pour la fragile économie cubaine. Mais très en deçà des cent treize milliards de dollars dont a été privée la Grande Île depuis que les États-Unis ont décrété l’embargo en 1962. « Dans les années 1960-1970-1980, (ils) ont évoqué l’intervention cubaine en Afrique pour aider les pays comme l’Angola et la Namibie à obtenir leur indépendance, pour justifier leur hostilité vis-à-vis de Cuba », a rappelé au micro de France Info, l’enseignant et spécialiste de Cuba, Salim Lamrani.
Interventions pourtant décisives pour endiguer le régime d’apartheid en Afrique du Sud. « Depuis 1991 et l’effondrement de l’Union soviétique alors que les États-Unis auraient dû normaliser leurs relations avec Cuba, ça n’a pas été le cas », poursuit-il en insistant sur le fait que Washington a même renforcé le blocus avec les lois Helms and Burton ou encore Toricelli qui sanctionne également les pays qui ont des relations commerciales avec la Grande Île.
Il faut maintenir la pression pour lever le blocus
« Le blocus n’est pas seulement un embargo des produits américains sur Cuba, il a un caractère planétaire. Toute entreprise, quelle que soit son implantation dans le monde, qui a plus de 10 % de technologie américaine se voit interdite de commercer avec Cuba.
Cela touche un nombre important d’entreprises françaises. Le rachat de la branche énergie d’Alstom par General Electric va contraindre l’entreprise à se retirer de Cuba. Cela aura des incidences à hauteur de 30 % pour l’énergie cubaine. Les banques non plus ne peuvent s’installer à Cuba sauf à être frappées de fortes amendes comme ce fut le cas pour BNP-Paribas.
C’est ubuesque », dénonce André Chassaigne, président du groupe d’amitié France-Cuba de l’Assemblée nationale. Pour le député communiste, « la priorité des priorités est la levée du blocus qui asphyxie l’économie cubaine et qui a des conséquences terribles y compris pour le peuple. Les conditions politiques sont réunies.
Pour la vingt-troisième année consécutive, l’Assemblée générale des Nations unies s’est prononcée en faveur de la levée du blocus. La déclaration de Barack Obama va dans ce sens même si cela sera très compliqué au sein du Congrès américain. Il faut maintenir la pression, et continuer d’interpeller le gouvernement français pour qu’il agisse en faveur de la levée du blocus ». La « première » puissance mondiale est au pied du mur, celui-là même qu’elle a érigé et consolidé. Il lui faudra abattre cet avatar pour être en phase avec les avancées inédites de ces dernières heures.
Cathy Ceïbe, l'Humanité
13:13 Publié dans AL-Pays : Cuba, Amérique Latine, Politique, Société | Tags : cuba, usa, raoul castro, les cinq héros | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
18/12/2014
Raul Castro confirme le rétablissement des relations diplomatiques avec les Etats-Unis
Le président cubain Raul Castro a annoncé mercredi que, avec son homologue américain Barack Obama, ils s'étaient "mis d'accord sur le rétablissement des relations diplomatiques" entre les deux pays, interrompues depuis plus d'un demi-siècle. Toutefois, "cela ne veut pas dire que le (problème) principal, l'embargo économique, ait été résolu", a-t-il ajouté dans une allocution diffusée par les médias d'Etat.
De son côté, le président Barack Obama a annoncé avoir demandé au secrétaire d'Etat John Kerry d'engager des discussions avec Cuba sur une normalisation des relations diplomatiques, qui ont été rompues en janvier 1961. Il a ajouté qu'il allait évoquer avec les membres du Congrès américain la levée de l'embargo en vigueur contre l'île. Dans une allocution télévisée, le président américain a reconnu que la politique "rigide" menée par Washington à l'égard de Cuba ces dernières décennies avait eu peu d'impact. "Je pense que nous pouvons aider davantage les Cubains" en discutant avec le gouvernement de La Havane, a estimé Obama
Les Etats-Unis et Cuba, séparés seulement par les 150 km du détroit de Floride, n'ont plus de relations diplomatiques officielles depuis 1961. L'embargo américain maintenu depuis 1962 étrangle l’île, malgré les condamnations, chaque année, à une écrasante majorité aux Nations unies. L’an passé, sur les 193 États qui composent l’Assemblée, 188 ont voté en faveur de la levée du blocus.
Chiffres en main, les autorités cubaines ont expliqué à l’occasion des 50 ans du blocus que l’embargo unilatéral des Etats-Unis avait coûté à l’île 751 milliards de dollars, et touché tous les aspects de la vie quotidienne, toutes les catégories de la population, essentiellement les plus vulnérables : enfants, personnes âgées… Washington ne permet pas même la vente de médicaments à Cuba, alors que la convention de Genève interdit cet embargo sur les médicaments…
Les déclarations récentes de Cuba et des Etats-Unis en vue de coopérer pour combattre le virus Ebola montraient un vrai changement d’attitude. Changement d'attitude sensible également chez la population puisque tous les derniers sondages montrent que les Américains étaient en majorité favorables à la levée d' elmbargo.
Les 3 derniers des 5 de Miami rentrent au pays. La nouvelle a fait le tour de l’île où ces hommes sont célébrés comme des héros de la lutte anti-impérialiste et anti-terroriste. Le 12 septembre 1988, Gerardo Hernandez, Ramon Labañino, Fernando Gonzalez, René Gonzalez et Antonio Guerrero étaient arrêtés en Floride, aux États-Unis, puis injustement condamnés à des peines de prison allant de quinze ans à deux fois la perpétuité plus quinze ans.
Ces agents de l’État cubain avaient pour tâche d’infiltrer les groupes d’extrême droite paramilitaires anticastristes afin d’empêcher qu’ils ne commettent des actes terroristes contre Cuba.
Article publié par l'Humanité
09:58 Publié dans Actualités, AL-Pays : Cuba, Amérique Latine, Politique | Tags : cuba, usa, relations | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
27/11/2014
Henry Kissinger envisageait d'« écraser » Cuba
Envahir militairement Cuba et « écraser » l'île communiste : en 1976, Henry Kissinger, alors secrétaire d'Etat américain, y a « sérieusement » songé. Publiés mercredi 1er octobre par les Archives nationales de la sécurité, des documents déclassifiés dévoilent de franches conversations entre Kissinger et le président américain de l'époque, Gerald Ford.
Parmi les échanges entre les deux hommes, l'une de ces conversations évoque le projet américain d'envahir Cuba, après la décision du régime cubain d'envoyer certains de ses soldats en Angola.
Cet envoi de militaires pour aider l'Angola à obtenir son indépendance du Portugal avait suscité l'inquiétude de Washington quant à une influence communiste grandissante en Afrique.
PAS DE « DEMI-MESURE »
« Je pense que nous allons devoir écraser [Fidel] Castro », lance Kissinger à Ford, selon les documents, en référence au célèbre leader de l'île. Il ajoute qu'ils devront pour cela attendre les élections à venir à Cuba.
« Je suis d'accord », répond Ford. Kissinger souligne aussi qu'une telle réponse militaire devra être sérieuse et sans « demi-mesure », en particulier si les soldats cubains se rendent ensuite dans d'autres pays du sud de l'Afrique. « S'ils se déplaçaient jusqu'en Namibie ou Rhodésie, je serais pour les frapper fort. »
« Si nous décidons d'utiliser notre puissance militaire, cela doit réussir. Il ne doit pas y avoir de demi-mesure », ajoute Kissinger, qui qualifie le président Fidel Castrod'« avorton » pour son aide militaire en Angola, tout en promettant de « briser les Cubains ».
DEUX ENVOYÉS SPÉCIAUX
Le 17 avril 1961, un groupe d'exilés cubains, financés par la CIA, avait déjà tenté de débarquer à Cuba afin de renverser Fidel Castro. L'échec cuisant de cette opération aura jeté une ombre sur les débuts de la présidence Kennedy.
Ces anciens documents classifiés, 116 pages au total, offrent aujourd'hui également un rare aperçu des relations tendues avec La Havane que la Maison Blanche s'était un temps attachée à améliorer.
Kissinger avait ainsi dépêché deux envoyés spéciaux à l'aéroport new-yorkais de La Guardia en janvier 1975 pour un entretien avec des émissaires cubains, dans le but de normaliser les relations entre ces ennemis de la guerre froide.
Article publié par le Monde
16:49 Publié dans AL-Pays : Cuba, Histoire, Politique, USA | Tags : cuba, usa, castro, kisinger | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
28/10/2014
Brésil, Uruguay, Bolivie : Les urnes plus fortes que les marchés
Les « latinos », appelés avec mépris « sudacas » en Espagne, sont masos. Ils en redemandent !
Le latifundium médiatique et ses « terratenientes » de la politique pensaient « libérer », faire tomber le géant brésilien pas assez docile à leurs mirettes, et non aligné sur la « libre » entreprise, le « libre » commerce, la « libre » soumission...
Les adversaires de cette liberté en cage préfèrent l’intégration régionale équitable aux génuflexions enchaînées devant l’Union européenne et les Etats-Unis. Les temps changent... « L’arrière cour des Etats-Unis » est aujourd’hui la soumise Union européenne.
Jean Ortiz, universitaire: http://www.humanite.fr/blogs/bresil-uruguay-bolivie-les-urnes-plus-fortes-que-les-marches-555890
10:25 Publié dans Actualités, AL-Pays : Bolivie CNI, AL-Pays : Brésil, AL-Pays : Uruguay, Amérique Latine, Point de vue, Politique | Tags : bolivie, uruguay, élections, usa | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |