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23/05/2014

Écho de la dernière poubelle anti-castriste

castro.jpgAprès "La face cachée du Che", L’Express publie cette semaine des extraits d’un livre intitulé "La vie cachée de Fidel Castro". L’objectif consiste – une fois encore – de tenter de ternir l’image du dirigeant cubain. Explications.

 Il s’agit, nous affirme-t-on, des confidences du lieutenant colonel Juan Reinaldo Sanchez, ancien garde du corps du dirigeant cubain, recueillies par Axel Gyldén de l’hebdomadaire dirigé par Christian Barbier.

On nous annonce des « révélations » tellement « explosives » qu’elles font saliver dans son blog Paulo A. Paranagua, journaliste au Monde , un ancien pistolero repenti et retourné dans la haine des régimes progressistes latino-américains. L’objectif consiste – une fois encore – de tenter de ternir l’image de Fidel Castro : maison secondaire démesurée dans une île paradisiaque, implication de la famille Castro dans des affaires d’argent, surveillance tous azimuts etc… La suite d’un feuilleton commencé il y a un peu plus d’un demi siècle. Rien de nouveau. Pourtant, un arrêt sur le personnage, le sulfureux Sanchez, peut aider à comprendre.

Le journaliste de « l’Express » n’a fait que prendre la suite de la presse anticastriste et surtout de la télévision Americateve, une officine de la CIA, qui a consacré plusieurs émissions au Sanchez en question au cours desquelles, il assurait avoir vu de l’or et des diamants chez Fidel, des garde du corps chargés de donner leur sang… Le Sanchez en a tant fait et tant dit qu’à l’époque plusieurs sites anticastristes basés à Miami et en Espagne réagissaient en regrettant que « le menteur » fasse rire tout le monde mais pleurer ceux qui luttent « contre la dictature » , car ridiculisés.

Et lorsque l’impétrant assure avoir fait deux ans de prison « pour avoir voulu prendre sa retraite », c’est l’hilarité générale, un des rédacteurs affirmant avoir rencontré Sanchez dans une boîte de nuit de la Havane contrôlée par l’Etat cubain échangeant avec des officiels et concluant : « c’est un infiltré ».

Les éditions Lafon et Axel Gyldéen sont tombés dans le panneau. Peu importe. Mais le choix de publier un tel ouvrage en ce moment même a une signification : alors que des frémissements sont perceptibles aux Etats-Unis pour mettre fin au blocus économique de la Grande Ile et alors que l’Union européenne décide de renouer avec Cuba, les milieux hostiles à une telle perspective tirent dans tous les sens en utilisant tous les canaux : les éditions Lafon, par exemple.

José Fort, pour l'Humanité

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LIRE EGALEMENT L'ARTICLE DE JEAN ORTIZ, UNIVERSITAIRE SUR LE MEME SUJET EN CLIQUANT SUR CETTE LIGNE

10:31 Publié dans Actualités, AL-Pays : Cuba, France, Livre, Médias | Tags : cuba, castro, l'express, livre, caricature | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | Pin it! | | |  del.icio.us | Digg! Digg

18/04/2014

ADIEU A UN IMMENSE ECRIVAIN : GABRIEL GARCIA MARQUEZ !

gabriel.jpgGabriel Garcia Marquez, prix Nobel de littérature 1982, l'un des plus grands écrivains du XXe siècle, est mort à son domicile de Mexico jeudi 17 avril. Il était âgé de 87 ans.
Son œuvre a été traduite dans toutes les langues ou presque, et vendue à quelque 50 millions d'exemplaires. L'auteur de "Cent ans de solitiude" était surnommé « Gabo » dans toute l'Amérique latine.

À soixante-quinze ans, Gabriel Garcia Marquez, l'auteur de Cent Ans de solitude, s'est lancé dans l'écriture de ses Mémoires. Le premier tome, Vivre pour la raconter, vient d'être publié en France.

Nous republions aujpourd'hui l'article de l'Humanité publié en 2003

Les Mémoires de l'écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez sont celles d'une vie inspirée, vécue avec intensité et rythmée par l'histoire de la Colombie des années quarante et cinquante. Dans Vivre pour la raconter, le premier tome d'une suite à venir, Marquez relate ses souvenirs d'enfance et de jeunesse. De l'âge de cinq ans à l'âge de trente ans, il fait partager au lecteur les étapes d'une vie tantôt entourée de sa famille, tantôt de ses amis écrivains. C'est tout au long d'une évolution graduelle, jusqu'à devenir ce formidable journaliste et romancier, que l'auteur nous guide dans le labyrinthe de sa vie, ponctuée par des événements de la petite et de la grande histoire.

Ses premiers souvenirs sont ceux du village où vivent ses grands-parents, Aracataca, situé dans les montagnes de la caraïbe. Là où il vit, jusqu'à l'âge de huit ans, aux côtés de ses parents, de ses frères et sours. Il est marqué par le mysticisme et la superstition d'une grand-mère, Tranquilina Iguaran, et par les récits épiques d'un grand-père, Ricardo Marquez Mejia, survivant de la guerre des mille jours qui fut, de 1899 à 1902, une des plus sanglantes guerres civiles de Colombie. Ainsi, dès sa petite enfance, Marquez commence à tisser la toile de son propre univers imaginaire.

gabriel2.jpgL'auteur se promène dans les méandres de sa mémoire et nous propulse au cour d'une arrivée agitée dans le monde qui l'entoure et qu'il expérimentera avec humour et tendresse. Son introduction à la vie intellectuelle, politique et sentimentale colombienne va nourrir et déterminer les conditions d'existence de son ouvre future.

Pour le lecteur, ce livre permet de comprendre comment Marquez est devenu l'immense auteur de Cent Ans de solitude (1967), ce fabuleux roman qui l'a rendu si célèbre. Pour Marquez lui-même, il semblerait qu'écrire et raconter sa propre histoire se révèle un besoin vital.

Si l'on se fie au titre de ses Mémoires, celles-ci sont en quelque sorte la justification de sa propre vie. Être au monde est une raison suffisante pour se raconter. Comme si, à l'âge de soixante-quinze ans, arrivé à la fin de sa vie, Marquez estimait qu'elle prend du sens dès lors que le souvenir la sauve du temps qui passe. Et de fait, lorsqu'un des plus grands écrivains latino-américains du XXe siècle entreprend cet exercice introspectif, il est impossible de bouder son plaisir.

À la manière d'un long entretien, que Marquez refuse d'accorder aux journalistes depuis des années, il rassemble et donne vie aux pièces d'un puzzle resté longtemps intacte. Gabriel Garcia Marquez revendique son vécu comme un trop-plein de subjectivité et d'ambiguïté qui définit la complexité du souvenir.

D'aucuns pourraient craindre que l'entreprise de dévoilement entamée par Marquez n'interfère avec ses ouvres passées. Il n'en est rien. Et ceux qui lui reprochent de ne pas avoir été à la hauteur de ses romans se trompent de critique. Il est bien clair que Vivre pour la raconter n'est pas un roman et n'en a guère la prétention. L'autobiographie est un genre très différent de l'écriture journalistique, du roman ou de la nouvelle. La vérité qui surgit de sa mémoire, toute relative et imparfaite soit-elle, donne toute sa raison d'être au récit de sa vie.

Des anecdotes familiales souvent excentriques, des villes fantômes ou meurtries par des massacres, des maisons hantées, des ambiances de café, de bordels et de rédaction de journal sont un ensemble de strates qui cimentent son éducation, le cheminement de sa pensée, et déterminent ses choix d'écriture. Sans dénaturer la magie de ses romans et de ses contes, Marquez permet au lecteur de pénétrer dans les coulisses du processus de fabrication de son univers littéraire. Aracataca, le village de son enfance, préfigure le Macondo de Cent Ans de solitude. Des personnages, à l'instar de son grand-père, ex-colonel, ou encore de ses parents, sont à l'origine de romans tels que Le colonel n'a personne pour lui écrire (1961) ou l'Amour au temps de choléra (1985).

Ainsi son roman Chronique d'une mort annoncée, paru en 1981 (un an avant de recevoir le prix Nobel de littérature), est basé sur un fait divers surréaliste, survenu à Sucre, ville de résidence de ses parents : la sombre histoire de la mise à mort d'un jeune homme prévue par deux hommes, connue de tout le village et pourtant inéluctable. Ou encore l'histoire d'une fillette morte, retrouvée dans une crypte du couvent de Santa Clara, dont la chevelure cuivrée avait poussé jusqu'à atteindre près de vingt-deux mètres en deux cents ans. Marquez accolera cette anecdote à une légende que sa grand-mère lui avait racontée à propos d'une petite marquise, Sierva Maria de tous les Anges, atteinte par la rage et vénérée dans les villages de la caraïbe. Elles lui inspireront un de ses plus beaux romans : De l'amour et autres démons (1994), qui raconte l'amour impossible entre une fillette possédée par le démon et un prêtre.

L'ouvre de Gabriel Garcia Marquez ne peut se résumer à un savant mélange d'imaginaire fantasque et de réalisme. Mais ses romans ont un pouvoir d'attraction inégalé où les personnages, marqués par des caractères et des destinées baroques, emportent tout sur leur passage, erreurs, secrets, désirs, et nous avec.

L'ensemble de son ouvre est le résultat d'un long mûrissement, eu égard à ses nombreuses rencontres avec écrivains et journalistes colombiens qui aiguiseront son style. La stimulation intellectuelle lui servira à choisir ses nourritures littéraires, découvrant ainsi, entre autres, des auteurs majeurs comme Virginia Woolf, Sophocle, William Faulkner, Kafka et Cervantès. L'univers de Gabo, apocope de Gabito, comme le baptiseront ses collègues du journal El Espectador, est chargé d'amour, de malheurs, d'illusions et de déceptions que ses Mémoires rassemblent avec une précision quasi documentaire.

Vivre pour la raconter ne trahit à aucun moment son ouvre. Au contraire, c'est une plongée au cour de l'esprit d'un écrivain exceptionnel, une plongée qui éclaire son ouvre.

Ixchel Delaporte pour l'Humanité

Vivre pour la raconter, Gabriel Garcia Marquez, traduction d'Annie Morvan, Grasset. 550 pages, 22 euros.

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21/03/2014

Laura Alcoba, la plume française de l’Argentine

livres, france, littérature, argentine, salon du livre, laura alcobaL’auteur du « Bleu des abeilles » écrit en français, traduit de l’espagnol et elle est invitée au Salon comme écrivaine argentine.

Née en Argentine, Laura Alcoba arrive en France à l’âge de dix ans. Son père, opposant à la dictature des généraux, est emprisonné, sa mère a fui le pays avec elle. Elle fait ses études en France, puis enseigne à l’université de Nanterre. Manèges décrit la vie sous la dictature, tandis que le Bleu des abeilles raconte sa découverte de la France, l’apprentissage de la langue française et le bonheur qu’elle y a trouvé. Écrivant en français, Laura Alcoba est traductrice de l’espagnol et éditrice. Elle a donc un point de vue privilégié sur la littérature argentine et ses relations avec la France.

On dit beaucoup qu’il y a des relations particulières entre écrivains argentins et français.
Laura Alcoba : Il y a des liens historiques importants. La Mecque des écrivains argentins a longtemps été Paris. Y aller à dans les années cinquante, c’était faire un voyage initiatique. Beaucoup d’écrivains argentins ont fait le choix du français, Hector Bianciotti, Sivia Baron Supervielle. Paris est très présent dans la littérature latino américaine. « Marelle » est un roman parisien autant que latino américain.

La fascination est réciproque. Dans les années trente, Roger Caillois en témoignait.
Laura Alcoba : Son rôle a été très important. Sa revue, « La Croix du Sud » a fait connaitre aux Français de nombreux auteurs argentins, de la génération de Borges, Bioy Casares.

La littérature argentine passe pour un cas à part dans la littérature latino-américaine
Laura Alcoba : Elle a une image plus intellectuelle, plus froide, à mi-chemin entre la philosophie, l’essai et la poésie. C’est une littérature qui est moins marquée par le roman. Le boom latino est un âge d’or du roman, alors qu’en Argentine, jusqu’à une date récente, le genre noble était la nouvelle, le conte, la forme brève. Il y a encore de grands auteurs qui n’écrivent que des nouvelles. Là encore c’est l’empreinte forte de Borges, de Casares, et même de Cortázar, même s’il est aussi passé brillamment au roman.

On la voit comme un peu moins réaliste
Laura Alcoba : Avec un fantastique plus présent, mais plus cérébral que le « réalisme magique » du boom latino. Elles sont plus réflexives, la littérature s’y met plus en scène. C’est un mouvement engagé depuis longtemps par Borges, que poursuivent, différemment, des écrivains comme Rodrigo Fresán, un auteur très expérimental, dont les livres sont traversés par la question de l’écriture, de la création, la représentation de l’écrivain.

Et une réflexion sur les codes du genre.
Laura Alcoba : Oui, pour lui c’est la science-fiction et le fantastique, pour quelqu’un comme Cesar Aira, ce sera le conte pour enfant, avec les petites filles, les princesses…

On sent là l’influence de Borges, et la volonté de s’en libérer.
Laura Alcoba : Borges a fini par devenir un synonyme de littérature, avec ses thèmes, la bibliothèque, le labyrinthe, C’est une référence écrasante, et il est nécessaire de s’en dégager, sous peine de finir par penser qu’il a tout écrit, qu’on ne peut plus rien écrire après lui. C’est peut-être pour cela qu’émergent aujourd’hui des figures originales, très fortes. Rodrigo Fresán en est une, Ricardo Piglia aussi, ou Alan Pauls. Mais ce qui est caractéristique de la littérature argentine d’aujourd’hui, c’est la place prise par le roman. Et il y a parmi les nouveaux romanciers des voix singulières, comme celle de Selva Amada, dont j’ai traduit le premier roman, et qui n’est pas dans une attitude cérébrale et réflexive, mais dans une littérature d’ambiance, avec des personnages très forts, très construits, de vraies interactions, qui est très nouveau en Argentine. Et elle vient du Nord-est, et décrit une nature très différente de Bueños Aires ou de la Pampa. C’est très chaud, tropical, humide, et ce n’était pas jusque là dans le paysage littéraire argentin

Est-ce que ça veut dire qu’il y a une littérature de Bueños Aires et une autre ?
Laura Alcoba : Ce qui est certain, c’est que dans les nouvelles générations, beaucoup viennent d’ailleurs. L’Argentine est très vaste, et mal connue, et même pour un lecteur argentin c’est une découverte. Dans les années cinquante, la Pampa et la Patagonie étaient là, mais presque comme des concepts ou des références culture.

Un thème qu’on ne peut éluder, c’est celui de la dictature et de ses traces dans la mémoire aujourd’hui. Je pense en particulier au roman de Brizuela (1)
Laura Alcoba : Chez lui, comme chez beaucoup d’auteurs de sa génération, cette époque est devenue le point de départ d’une réflexion sur ce nous aurions fait, sur le courage et la lâcheté. Jusqu’où peut-on être lâche et a-t-on vraiment envie de le savoir ? Ce sont des questions qui dépassent le cadre historique argentin et qui pour cela intéressent des lecteurs de tous les pays. On arrive à des interrogations morales universelles. C’est pourquoi l’étiquette « littérature de la mémoire est très réductrice ».

Il y a une génération, peut-être plus jeune, totalement déconnectée de l’histoire, comme Pola Olaixarac
Laura Alcoba : C’est une romancière très forte, qui, comme Rodrigo Fresán, et Eduardo Berti, n’a pas été invitée. Il y a des oublis bizarres et une polémique est née sur ces questions. (2) Je fais partie de ceux qui entendent revenir sur les « oubliés »

Vous-même vous avez décidé d’écrire en français
Laura Alcoba : Ce n’est même pas une décision. Je suis en France depuis mon l’âge de dix ans, et la question s’est posée plutôt en Argentine quand a été traduit mon premier livre, « Manèges ». c’est un roman, mais j’avais travaillé sur des souvenirs d’enfance sous la dictature Ma mère et moi étions cachées dans une maison qui abritait une imprimerie clandestine. On s’est étonné du fait que j’aie pu écrire en français. Et je me suis posé cette question : pourquoi est-il si naturel d’écrire en français ? Pourquoi n’ai-je pu l’écrire qu’en français ? Et « Le bleu des abeilles » est peut-être une réponse à cette question. Je correspondais avec mon père, prisonnier politique, en espagnol. « Manèges » est très marqué par le silence. L’espagnol est une langue où j’ai appris à me taire, à avoir peur, l’entrée en langue française est une libération.

Vous êtes cependant invitée au salon en tant qu’ « écrivain argentin »
Laura Alcoba : Ce n’est pas la première fois. Ça s’était déjà produit à la foire de Francfort. Mais quand mon livre a ét, traduit en espagnol, sous le titre « La casa de los conejos » (« La maison des lapins ») il a été édité sous les couleurs de ceux en langue espagnole, et non des « traductions ». Quand je m’en suis étonnée, l’éditeur m’a répondu « c’est un livre argentin ». J’écris de la littérature argentine en français, voilà ce que je peux dire.

(1) « La nuit recommencée » (Seuil) L’Humanité du 6 février 2014
(2) Depuis la date de cet entretien, Ricardo Piglia a annoncé son intention de ne pas se rendre à Paris, en solidarité avec les écrivains écartés de la délégation.

  • Le Bleu des abeilles
    de Laura Alcoba.
    Gallimard, 128 pages, 15,90 euros.

Entretien réalisé par Alain Nicolas pour l'Humanité

21/01/2014

CUBA : LES MEDIAS FACE AU DEFI DE L'IMPARTIALITE

SLivre-Lamrani1-400x608.pngalim Lamrani, Maître de conférences à l’Université de la Réunion et journaliste spécialiste de Cuba, vient de sortir un nouvel ouvrage aux Editions Estrella avec un titre éloquent : Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité. Ce livre de 230 pages se divise en neuf chapitres. Il est introduit par une préface du grand écrivain uruguayen Eduardo Galeano, auteur du célèbre livre Les veines ouvertes de l’Amérique latine. Lamrani, comme pour tout bon historien et chercheur, enrichit toujours son travail par des sources abondantes, avec pas moins de 350 notes dans cet ouvrage. Entretien avec Salim Lamrani par André Garand, France-Cuba Marseille.

André Garand : Salim Lamrani, parlez-nous de votre dernier ouvrage.

Salim Lamrani : Ce livre part du postulat suivant : le phénomène de concentration de la presse entre les mains du pouvoir économique et financier est devenu, partout en Occident, une réalité indéniable. Or, ces médias, qui sont liés aux puissances d’argent et qui défendent l’ordre établi, sont souvent confrontés au défi de l’impartialité, surtout lorsqu’il s’agit de Cuba. Il leur est difficile de présenter de manière objective une nation dont le projet de société défie l’idéologie dominante. De plus, Cuba est, par définition, un sujet médiatique qui suscite critiques et controverses et attise régulièrement les passions.

André Garand : Quels thèmes abordez-vous dans ce livre ?

Salim Lamrani : Mon livre tente d’apporter une réponse aux questions suivantes : Comment les médias présentent-ils la réalité cubaine ? De quelle manière abordent-ils des problématiques aussi complexes que les droits de l’homme, le débat critique, l’émigration, le niveau de développement humain et les relations avec les États- Unis ? Remplissent-ils réellement leur rôle de quatrième pouvoir ? Sont-ils capables de s’émanciper du pouvoir politique, des puissances d’argent et d’apporter une vision plurielle sur la société cubaine ? Car une presse libre et indépendante est essentielle dans toute démocratie et elle s’accompagne, à l’évidence, d’un devoir de vérité informationnelle vis-à-vis des citoyens.

André Garand : Pourquoi les médias sont-ils si critiques à l’égard de Cuba ?

Salim Lamrani : Cuba, depuis le triomphe de la Révolution et l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro, est un sujet de débat vif et animé. Il est une raison essentielle à cela : le processus de transformation sociale initié en 1959 a bouleversé l’ordre et les structures établis, a remis en cause le pouvoir des dominants et propose une alternative sociétale où – malgré tous ses défauts, ses imperfections et ses contradictions qu’il convient de ne pas minimiser – les puissances d’argent ne règnent plus en maître, et où les ressources sont destinées à la majorité des citoyens et non à une minorité.

André Garand : Eduardo Galeano, célèbre écrivain latino-américain, a rédigé la préface de votre livre.

Salim Lamrani : Eduardo Galeano a effectivement rédigé un texte incisif non dépourvu de l’humour sarcastique, si caractéristique de son style, sur Cuba et les médias. J’en profite pour le remercier chaleureusement d’avoir bien voulu associer son nom et son prestige à mon travail. J’en profite également pour remercier publiquement Estela, journaliste espagnole, qui m’a aidé dans cette tâche.

André Garand : La quatrième de couverture comporte une citation de Jean-Pierre Bel, notre Président du Sénat, qui vous remercie pour votre travail. Elle dit la chose suivante : « Merci pour ce regard sur Cuba, tellement utile ». C’est une belle reconnaissance, non ?

Salim Lamrani : Le Président Jean-Pierre Bel est un grand ami de Cuba. C’est un grand connaisseur de l’Amérique latine. Il est très attaché à la liberté d’expression et à la pluralité d’opinions. Il est issu d’une famille de résistants communistes et est un grand admirateur de la Révolution cubaine. Il a lu certains de mes ouvrages et m’a fait parvenir ce petit mot. Je l’en remercie grandement.

André Garand : Une citation de Robespierre, à qui vous dédiez votre ouvrage, introduit le livre. Pourquoi ce choix ?

Salim Lamrani : Robespierre parlait de passer la « vérité en contrebande » car il avait la conviction profonde qu’elle finirait par triompher. Je partage cette foi.

Maximilien Robespierre est le plus pur patriote de l’Histoire de France. C’est la figure emblématique de la Révolution, le défenseur de la souveraineté populaire. Il avait compris dès le départ que les puissances d’argent étaient le principal ennemi du peuple, de la République, de la Patrie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’idéologie dominante vilipende tant son héritage. Ses aspirations à la liberté et à la justice sociale sont toujours d’actualité.

Nous vivons une époque assez curieuse. On glorifie les ennemis du peuple et on méprise ses défenseurs. Prenez la ville de Paris : Pas une rue ne porte le nom de notre Libérateur, pas une statue à l’effigie de Robespierre, alors que le traitre Mirabeau a un pont et Adolphe Thiers, le boucher de la Commune qui a fait fusiller 20.000 patriotes en une semaine, dispose d’un square et d’une statue. Rendez-vous compte, le 22 septembre, jour de la Fondation de notre République, n’est même pas célébré en France.

André Garand : Avez-vous un message à transmettre aux adhérents de France-Cuba ?

Salim Lamrani : France-Cuba est une association pour qui j’ai beaucoup de respect et d’admiration en raison sa solidarité inébranlable avec le peuple cubain. Il s’agit de la première association française de solidarité avec Cuba et on ne peut que rendre hommage au Professeur Paul Estrade, son fondateur, et féliciter tous ceux qui poursuivent son œuvre.

J’en profite pour transmettre aux adhérents de France-Cuba mes meilleurs vœux. Pour les avoir fréquentés à de nombreuses reprises lors de conférences-débats, je connais leurs qualités humaines, leur hospitalité et leur esprit combatif. J’aurai sûrement l’occasion de les rencontrer à nouveau autour de ce nouveau livre.

Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité

Préface d’Eduardo Galeano

Paris, Editions Estrella, 2013

230 pages

18€

Disponible auprès de l’auteur : lamranisalim@yahoo.fr

Egalement en librairie : http://www.librairie-renaissance.fr/9782953128437-cuba-le...

Et chez Amazon

http://www.amazon.fr/Cuba-Medias-Face-Defi-lImpartialite/...