04/06/2023
LA POETESSE CUBAINE NANCY MOJERON INTERDITE A PARIS POUR DES RAISONS POLITIQUES
Chaque année, depuis 1983, se tient en France un grand rassemblement international de poètes et d'éditeurs/éditrices de poésie, connu sous le nom de " Marché de la Poésie ". Pour sa 40e édition, l'événement se tiendra du 7 au 11 juin 2023, à Paris. Or, à quelques jours de l'événement, la poétesse cubaine, Nancy Morejón (sur la photo ci-contre), qui devait assurer la présidence d'honneur, se voit privée de cette fonction. En effet, suite à l'intervention d'un opposant cubain, la direction du " Marché de la Poésie " a finalement décidé de renoncer à cette présidence...Le 40e Marché de la Poésie ouvrira ses portes Place Saint-Sulpice, à Paris, le 7 juin prochain. Cette édition, centrée sur les nations des Caraïbes, avait confié sa présidence d'honneur à la poétesse cubaine Nancy Morejón, officière de l'ordre des Arts et des Lettres depuis 2013.
Poète, essayiste et traductrice née en 1944 à La Havane, Nancy Morejón a étudié la littérature française à l'université de La Havane, et a traduit vers l'espagnol de nombreux auteurs caraïbéens, dont Aimé Césaire et Édouard Glissant.
Autant dire que son choix en tant que présidente d'honneur du 40e Marché de la Poésie n'était pas un hasard. Officière de l'ordre des Arts et des Lettres depuis 2013, elle incarnait un trait d'union entre l'événement littéraire et les nations des Caraïbes qu'il voulait mettre en avant.
Nancy Morejón, née en 1944 à La Havane, est poétesse, essayiste, critique littéraire, traductrice de poésie d’expression française d’Europe, le Canada et d’Outre Mer. Elle a reçu le Prix national de Littérature en 2001, ainsi que de nombreux prix littéraires pour son œuvre poétique et ses essais critiques dont Nation et métissage chez Nicolás Guillén (1982, Prix des Essais UNEAC 1980), et le prix international LASA (États-Unis, 2013). Elle est Docteur Honoris Causa de l’Université de Cergy-Pontoise (2009).
Depuis les années soixante, elle a publié un grand nombre de recueils de poèmes à Cuba, au Mexique, au Venezuela, en France, en Espagne, en Suède, en Allemagne, aux États-Unis et au Canada : Piedra pulida (Pierre polie, 1986) ; Botella al mar (Bouteille à la mer, Zaragoza, (Espagne) 1996) ; une anthologie préfacée par Mario Benedetti (édition Visor, Madrid) : Richard trajo su flauta y otros poemas (Richard a apporté sa flûte et autres poèmes, 2000) ; La Quinta de los Molinos (La Villa des Moulins, 2000) ; Cuerda veloz (Corde véloce, anthologie 1962-1992, Prix national de Littérature, 2002) ; Carbones silvestres (Charbons sylvestres, 2005). Ses derniers recueils publiés : Persona (Prix Rafael Alberti, 2010), Peñalver 51 (Zamora, Fundación Sinsonte, Espagne, 2009).
En France, son œuvre poétique a été diffusée dans des revues (Caravelle, Poésie de Seghers, Passerelles, Europe), lors de la Biennale des Poètes en Val-de-Marne, ou dans des anthologies (par Claude Couffon, Saül Yurkiévich). Ses essais et ses poèmes sont étudiés aux États-Unis, dans le cadre universitaire des études afro-américaines ou féministes.
Elle a été Présidente de l’Académie Cubaine de la Langue (2012-2016) ; de même, elle a été directrice du Centre d’Études de la Caraïbe à la Casa de las Américas, où elle est devenue consultante de la Présidence. À présent, elle est directrice de la revue Union, de l’Union des Écrivains et des Artistes de Cuba (UNEAC). Depuis 2018, elle est Membre d’Honneur de l’Association Continentale des Professeurs d’Espagnol et Portugais (AATSP) fondée a New York, en 1917.
Depuis 1990, elle est membre permanent du jury du Prix Carbet de la Caraïbe (créé par Édouard Glissant, Martinique, en 1990).
Son parcours d’intellectuelle cubaine engagée et son œuvre font l’objet de plusieurs documentaires réalisés à Cuba et diffusés aux États-Unis par Juanamaría Cordones-Cook (Université du Missouri), auteur de l’ouvrage, Nancy Morejón, soltando amarras y memorias (Santiago de Chile, 2009).
Cette année, l'événement, qui se déroule du 7 au 11 juin, met à l'honneur des auteurs et autrices des Caraïbes. La grande poétesse cubaine Nancy Morejón devait assurer la présidence d'honneur. Or, à quelques jours de l'événement, coup de théâtre, voilà que des pressions d'un opposant cubain, relayé par le Pen club, incitent les organisateurs à faire marche arrière et à renoncer à cette présidence.
Le poète et éditeur français, Francis Combes, auteur entre autres de « Cause commune », a réagi de belle façon en lançant une pétition internationale pour protester contre le fait que la direction du " Marché de la Poésie ", à Paris, ait, cédant aux pressions, renoncé à nommer Nancy Morejón présidente d'honneur de cette quarantième édition. Voici le texte de la pétition qu'il nous invite à signer:
Solidarité avec Nancy Morejón
La poétesse cubaine, Nancy Morejón, devait assurer la présidence d'honneur de cette quarantième édition du Marché de la poésie. Suite à l'intervention d'un opposant cubain, relayé par le Pen club, la direction du Marché a finalement décidé de renoncer à cette présidence, tout en maintenant son invitation à Nancy Morejón.
Nous connaissons Nancy Morejón, pour certains d'entre nous depuis de nombreuses années. Nous savons qu'elle est une vraie poète, une des grandes voix féminines de la poésie latino-américaine. Femme et Noire, elle est engagée depuis des années dans le combat pour la paix, contre le racisme et les inégalités sociales, de race, de genre, et pour la liberté des peuples.
Que lui reproche-t-on précisément ?
D'avoir, avec d'autres écrivains vivant à Cuba, signé plusieurs déclarations en soutien aux autorités cubaines. Elle l'a effectivement fait à plusieurs reprises. Nancy Morejón n'a jamais caché son soutien à la révolution cubaine. Après la mort de Fidel Castro, elle lui a publiquement rendu hommage. Et, en 2003, (déclaration plus controversée) suite à l'exécution de trois preneurs d'otages, elle a co-signé un texte adressé aux « Amis au loin », défendant « Cuba (qui) s'est vue obligée de prendre des décisions énergiques qu'elle ne souhaitait naturellement pas avoir à prendre ».
Nous n'affirmons pas que Cuba est un paradis. Nous n'ignorons pas les difficultés actuelles de la population de l'île, dues en particulier au maintien du blocus états-unien, et nous n'ignorons pas les drames qu'a traversés la révolution cubaine, mais nous refusons de hurler avec les loups. En fait, le principal péché de Nancy Morejón est d'avoir pris partie depuis des années en faveur de la Révolution cubaine dont elle est partie prenante.
Qui l'accuse ?
Celui qui l'a dénoncée comme soutien du « régime totalitaire » est Jacobo Machover, un écrivain d'origine cubaine. Il a quitté Cuba avec sa famille, en 1963, quatre ans après la révolution cubaine. Il a collaboré à plusieurs journaux français et il est connu pour avoir publié quelques livres dans lesquels il s'attache à présenter le Che comme un tueur fanatique.
Après l'attaque au cocktail Molotov contre l'ambassade de Cuba à Paris, en juillet 2021, il a revendiqué publiquement le soutien à l'attentat, au nom de l'organisation européenne " Cuba Libre ". Que se serait-il passé s'il s'était agi de l'ambassade US à Paris ?... Il aurait sans aucun doute été poursuivi pour complicité de terrorisme ...
Mais ce n'était que l'ambassade de Cuba... et l'affaire en est restée là. Il y a certainement bien des choses qui mériteraient d'être corrigées à Cuba, mais la vérité oblige à dire que ce n'est pas dans les rues de La Havane que la police tue régulièrement des Noirs, simplement parce qu'ils sont noirs ou qu'ils ont tardé à obtempérer.
Nous sommes d'accord, pour notre part, pour défendre la liberté d'expression partout, y compris dans des pays envers lesquels des raisons historiques nous font éprouver de la sympathie. Mais quand on prétend se faire les défenseurs des droits de l'homme dans le reste du monde, il faudrait commencer par balayer devant sa propre porte. Et comment peut-on s'en prendre ainsi à des artistes, des écrivains en leur faisant porter toute la responsabilité de la politique de leur pays ?
Heureusement, lorsqu'un écrivain français se rend à l'étranger, par exemple en Amérique latine, on ne lui demande pas s'il a voté Macron et on ne lui impute pas non plus la responsabilité de la trentaine de Gilets jaunes mutilés ou éborgnés, ou des manifestants blessés, parfois très gravement, par la police pendant les manifestations contre la réforme des retraites.
La décision de retirer à Nancy Morejón la présidence de cette édition du " Marché de la Poésie ", placée sous le signe de Cuba, nous attriste et nous choque. En tant que poètes, écrivains, hommes et femmes de lettres, cette décision nous peine et nous fait honte.
NOTE: De nombreuses personnes ont déjà signé cette pétition et les signatures du Québec sont évidemment les bienvenues. Francis Combes nous invite à se joindre à lui avec cette pétition en lui envoyant par courriel vos nom, prénom et qualités (titre universitaire ou syndical, responsabilité politique, etc.) à l'adresse que voici: franciscombes71@gmail.com . Et, bien entendu, vous pouvez également la faire circuler dans vos propres réseaux.
10:46 Publié dans Actualités, AL-Pays : Cuba, Culture, France | Tags : nancy mojeron, poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Imprimer | | Facebook | | |
06/01/2014
Le poète et neuro-linguiste haïtien Jean Métellus est mort
Jean Metellus nous a quittés. Il était né le 30 avril 1937 à Jacmel (Haïti), il émigre en France en 1959 à l'époque de la dictature des Duvalier. Il exerçait la profession de neuro-linguiste, en même temps que ses multiples activités littéraires de romancier, poète, dramaturge et essayiste.
Marié, père de trois enfants, il était médecin des Hôpitaux de Paris au Centre Hospitalier Émile Roux, en tant que neurologue spécialiste dans les troubles de la parole.
Après des études secondaires au Lycée Pinchinat de Jacmel, Jean Métellus occupe le poste de professeur de mathématiques au Lycée Célie Lamour de sa ville natale de 1957 à 1959. Il poursuit ses études en France à la Faculté des Sciences de Paris, suivi d'études de Médecine à la Faculté de Médecine de Paris. Docteur en Médecine en 1970 et Docteur en Linguistique en 1975, il conjugue harmonieusement ses deux spécialisations dans son quotidien médical et littéraire qui lui ont valu la reconnaissance de sociétés savantes. Il a été lauréat de l'Académie de Médecine en 1973, 1976, 1984 et de trois prix littéraires qui lui ont été décernés en 1982, 1984 et 1991. Jean Métellus exerçait, en outre, le métier de professeur au Collège de Médecine des Hôpitaux de Paris.
À la liste de ses publications de romans, de poésies, de pièces de théâtre s'ajoutent des essais historiques et philosophiques sur Haïti, et tout particulièrement de nombreux écrits (près d'une centaine) sur les problèmes du langage. Son premier recueil de poésie Au pipirite chantant a retenu l'attention d'André Malraux et de Maurice Nadeau. Antoine Vitez a remarqué la puissance dramatique et poétique de son théâtre en montant Anacaona au Théâtre de Chaillot.
- Poème extrait du recueil Au pipirite chantant, éditions Les lettres nouvelles, 1995
Femme noire
La femme noire a un enfant qui la tient en alerte
La femme noire a un enfant et des seins douloureux
C’est une accouchée d’hier
Les douleurs l’ont surprise à la cueillette du café
Là sous le caféier sur la veste de son mari, la tête
contre un palmier,
les pieds plantés dans la terre, elle a poussé
son enfant
L’eau de la source est pure
La chaleur du corps tendre
Elle reprit son travail avec au sein l’enfant
dans une main, la machette
Le sarclage recommence, la cueillette de plus
belle, la mère engrosse le terre pour pouvoir
donner du lait à son enfant
Article publié par l'Humanité
12:50 Publié dans Actualités, AL-Pays : Haiti, Culture, Livre | Tags : haïti, poésie, aimé césaire, jean métellus | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |