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08/08/2013

LE CARNAVAL DE SANTIAGO DE CUBA, SYMBOLE DE LA CULTURE POPULAIRE

carnavalsantiago4.jpgSantiago de Cuba a celebré le carnaval. Il a commencé avec la festivité des enfants ; et, il a eu lieu des festivités dans las quatre points cardinaux de la ville. Certains diront « Comme tous les ans », mais ce n’est pas ainsi.

C'est le carnaval du 60 anniversaire de l’assaut de la caserne Moncada. Et là, au pied de la mer des Caraïbes et en face de la montagne, on connaît les porteurs d'une tradition et d’un symbole : d'une part, la fête constitue un monument de la culture populaire dans le pays ; de l’autre, le carnaval a été la toile de fond de l’éclatement de la rébellion qui nous a amené à être ce que nous sommes aujourd'hui et résister pour ce que l'on veut être.

carnavalsantiago1.jpgLa plus grande tradition dans cette ville de l’orient cubain est la conga. Quand on utilise ce terme la référence s'étend depuis l'ensemble instrumental jusqu'à son expression caractéristique quant à la musique et à la danse. Dans la première se trouvent les tambours à une ou deux membranes qui soutiennent le rythme, avec une importance particulière pour le requinto, le timbre le plus aigu, qui permet la virtuosité de l'interprète. Le tambour à membrane unique, de forme conique et allongée, s’appelle bocu.

L’élément martelé est complété par les cloches, presque toujours de trois timbres différents, produisant un son métallique, parfois remplacé par le coup d’un clou de traverse de chemin de fer sur une pièce métallique.

carnavalsantiago3.jpgL’instrument le plus curieux est peut-être la corne chinoise, marquant l'annonciation de la conga. Cet instrument est différent de la corne occidentale. Tout semble indiquer qu'il provient du suo na ou du sha, un des instruments des immigrants chinois arrivé à Cuba à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Mais c'est sans aucun doute un instrument cubain, c’est ici qu’il s’est créolisé, affinant sa structure et laissant en arrière la gamme pentatonique de la musique chinoise.

Quant à la danse, derrière la conga on ne danse pas, on arrolla ; on fait glisser les pieds au rythme des percussions et une marée humaine s’intègre, faisant vibrer les rues avec une clameur compacte.

Huit congas traditionnelles se maintiennent à Santiago, allant de la légendaire Los Hoyos, bastion culturel de la ville, jusqu’à celles de Paso Franco, ou celle de San Agustín.

Cependant, la préservation des traditions va au-delà de l'institution de la conga. Marcos Campins, président du comité d’organisation des festivités, a explique au journal Granma que les valeurs patrimoniales du carnaval passent, en outre, par la récupération des fêtes de quartier, beaucoup d'entre-elles accompagnées de l’orgue à manivelle ou orientale.

carnavalsantiago2.jpgC'est aussi une autre des curiosités du patrimoine de la région. À l'aide de manivelles, de mécanismes pneumatiques et de rouleaux de carton perforés, contenant les codes pour la reproduction des notes de musique, une telle merveille mécanique est devenue à la mode dans la France post-napoléonienne. Cet instrument est arrivé à Cuba, selon les dires de nombreuses personnes, vers le milieu du XIXe siècle, probablement par Cienfuegos, une ville de la région centrale fondée par les colons français et de la Louisiane.

Toutefois, c’est dans la région orientale, surtout à Manzanillo, où il s’est acclimaté et a perduré comme instrument idéal pour animer les fêtes et les bals, et où s’est également développé l'art de la composition des œuvres et de la perforation des rouleaux. Actuellement, à Santiago, la ville dans laquelle s’est étendu son utilisation, il n'y a pas de festivité sans l’orgue orientale.

Le patrimoine - a commenté Marcos Campins - comprend les mamarrachos (polichinelles). La présence de ces personnages est si emblématique que le carnaval de Santiago, initialement, s’appelait Fiesta de Mamarrachos.

carnavalsantiago.jpgSelon l'historien Rafael Duharte, les premiers mamarrachos dont on a connaissance correspondent au temps des troupeaux et des corrals. La fête avait un fort accent rural et la musique avec la guitare dominait. « Au milieu du XIXe siècle – précise-t-il - le peintre anglais Waiter Goodman décrit une fête de mamarrachos très différente ; elle correspond avec l'essor de l'économie des plantations et elle s’est africanisée : ce sont les temps du tambour ».

Vers les années soixante du siècle dernier, un élément ornemental s’est sommé à la trame visuelle du carnaval, à un tel point qu’aujourd'hui on ne peut pas renoncer à sa construction : le totem. Cette année il y en a dix, définissant la condition festive des diverses zones de la ville.

santiago de cuba,carnaval,cultureLes carritos de la salá, aussi, des automobiles dûment décorées qui traversent lentement les quartiers pour annoncer les nouveautés festives, sont aussi visibles dans le préambule des festivités.

Un fait singulier est la diffusion d’une bande-son des années soixante, des thèmes qui ont marqué un point de repère des carnavals de 1953 jusqu'à nos jours.

Ainsi, nous avons appris que lors des jours de la Moncada, la chanson à la mode était Máquina landera, une bombe composée par la Portoricaine Margot Rivera et popularisée cette année-là à Cuba par la Sonora Matancera.

Le 26 et le carnaval dans les souvenirs de Marta Rojas

santiago de cuba,carnaval,cultureEn 1953, je venais d’obtenir mon diplôme de journaliste et j’ai voyagé de La Havane à Santiago, ma ville natale où vivait ma famille. Là, le correspondant de la revue Bohemia, Panchito Cano, un excellent photographe, m'a demandé de lui faire une chronique sur le carnaval et les légendes des photos que le directeur de la revue lui avait demandé.

Après minuit du 25, déjà au petit matin du 26, l'ambiance ne baissait pas. Beaucoup espéraient la rencontre de la conga de Los Hoyos et celle d’El Tivoli, sur la Trocha. Avant l'aube, nous avons entendu plusieurs détonations et nous avons pensé qu’il s’agissait des feux d'artifice annonçant le départ de la conga. Mais Panchito, qui avait plus d'expérience, m'a dit : « Marta, ce ne sont pas des pétards, ce sont des coups de feu et ils viennent du côté de la Moncada. Je crois que le reportage est compromis car il se passe autre chose ». Et nous avons été là-bas. Le reste est histoire. Le cas est que pour couvrir le carnaval, nous avons eu l'opportunité d’être les témoins, ensuite, d’une page indélébile.

Par Pedro de la Hoz Traduit par Alain de Cullant, publié par Lettres de Cuba

 

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06/08/2013

LE MEDIAS EN AMERIQUE LATINE !

médias,amérique latineCe n’est pas seulement par peur d’un procès médiatique en totalitarisme que la gauche qui gouverne en Occident a enterré l’information de peuple à peuple que proposaient dès les années 70 Sartre, Bourdieu ou Mattelart. La démocratisation de la propriété des médias ne l’intéresse plus parce qu’elle s’est convertie au libre marché et a régressé au “sociétal” et au “néo-colonial” sous des masques humanitaire ou laïc.

Ainsi, s’il y a autant, voire davantage, de violations des droits humains en Libye aujourd’hui que sous le gouvernement Kadhafi, le black-out médiatique dispense les socialistes ou les verts, qui ont rejeté la diplomatie des africains et des latino-américains et voté pour la guerre, d’expliquer pourquoi les droits humains de la population libyenne ont cessé de les passionner. Cette “naturalisation” de l’appropriation des médias par les grands groupes économiques et l’asservissement d’une pâle copie appelée service public, condamne ce qui reste de vraie gauche à rouler le rocher de Sisyphe sur la montagne quotidienne de désinformation.

La gauche latino-américaine, elle, déplace la montagne.

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Citoyen(ne)s équatorien(e)s fêtant le vote de la nouvelle Loi Organique de Communication (juin 2013).

Le 14 juin 2013, l’Assemblée Nationale de l’Équateur a approuvé la Loi Organique de la Communication (1). Bien qu’exigé par la Constitution de 2008, ce vote a dû attendre quatre ans faute de majorité parlementaire. La victoire en février 2013 de Rafael Correa et de son parti (Alianza PAIS) a permis, enfin, de faire passer la loi par 108 voix pour, 26 contre et une abstention. L’Equateur réalise ainsi la même révolution démocratique que l’Argentine en redistribuant la propriété des fréquences de radio et de télévision en trois tiers : 33 % pour les entreprises privées, 33 % pour le service public et 34 % pour les médias communautaires (= associatifs).

La loi, qui contient 119 articles et 22 dispositions transitoires, définit la communication sociale comme "un service public qui doit être offert avec responsabilité et qualité" et établit "la non-censure préalable et la responsabilisation a posteriori des médias sur leurs publications" ainsi que la défense des droits des travailleurs de la presse ; l’élimination des monopoles audiovisuels (pas plus d’une concession de fréquence de radio en AM, FM ou de télévision ne peut être attribuée à une personne naturelle ou juridique). En Équateur 85% des fréquences audio-visuelles restent soumises à des concessions commerciales dont l’attribution a été frauduleuse dans beaucoup de cas. L’audit des fréquences réalisé il y a trois ans a montré l’irrégularité d’un tiers environ des concessions, ce qui permettra a l’État de les libérer pour les autres secteurs.

Par ailleurs le texte s’est nourri d’autres propositions des mouvements pour la démocratisation de la communication telles que l’obligation de consacrer 60% de la programmation quotidienne à la diffusion d’oeuvres pour tout public ou de quotas de créations cinématographiques et musicales nationales (articles 102 et 103) pour soutenir la production indépendante hors des circuits commerciaux.

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Le Président Correa à Guayaquil, ouvrant le premier sommet latino-américain sur le journalisme responsable (juin 2013).

Quelques jours plus tard, à Guayaquil, lors du premier sommet latino-américain sur le journalisme responsable, le président Rafael Correa a expliqué que “le problème de fond est le modèle de communication capitaliste, l’information comme marchandise. Tout tourne autour du capital : une corporation puissante peut faire croire au public n’importe quoi, la communication ne fait pas exception. Or, si les médias ne sont qu’un commerce, que se passe-t-il dans un marché où il y a peu d’entreprises et où elles se mettent d’accord entre elles ? La communication est un ces champs où apparaît le plus clairement la domination des puissants sur le droit des citoyens, en ce cas, sur le droit d’accéder à l’information. L’information n’est pas une marchandise, c’est un droit. Les biens publics indispensables comme l’information ne sont pas commercialisables. Le bénéfice des médias privés vient de ce qu’ils la vendent non aux citoyens mais aux annonceurs. Ce n’est donc pas la qualité de l’information qui importe mais son caractère de marchandise. La soi-disant liberté d’information n’est que la liberté des entrepreneurs médiatiques, de ceux qui peuvent acquérir un média simplement parce qu’ils ont de l’argent. Aujourd’hui la mauvaise foi d’une certaine presse fait encore des dégâts mais elle ne peut plus faire ou défaire les présidents. Démocratiser la propriété des médias signifie impulser des médias hors de la logique du marché – médias publics et communautaires. Avant notre gouvernement, il n’existait ni presse ni radio ni télévision publiques. Aujourd’hui les trois existent. Il est temps de nous soulever contre les empires médiatiques. L’Amérique Latine vit une époque nouvelle, sans les dictatures que, d’ailleurs ces médias privés appuyaient, mais avec des gouvernements progressistes immensément démocratiques qui changent la réalité de nos peuples et qui continueront à lutter contre tout pouvoir de facto qui tente de nous maintenir dans le passé.”

Comme d’habitude ce nouveau pas vers la révolution du champ symbolique a mis en branle l’appareil médiatique mondial, le département d’État, la CIDH (OEA), certaines ONGs ou la SIP (association de patrons de médias) pour dénoncer à l’unisson l’“atteinte à la liberté d’expression” et le “dictateur Correa”. Lorsqu’en 1973 le gouvernement de l’Unité Populaire chilienne releva les irrégularités fiscales de médias privés comme El Mercurio, la SIP lança une campagne identique pour déstabiliser Salvador Allende.

 

Mais il est plus difficile aujourd’hui à l’internationale du Parti de la Presse et de l’Argent d’interférer dans les votes ou de s’opposer à l’éveil citoyen de l’Amérique Latine. Après l’Argentine et l’Equateur, les mouvements de jeunes, syndicats, paysans sans terre, universitaires du Brésil revendiquent à leur tour la démocratisation des ondes (2).

Même les Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) qui négocient la paix depuis huit mois avec le gouvernement de Juan Manuel Santos, viennent d’ajouter un chapitre sur le pluralisme de médias monopolisés par le privé – qui comme au Brésil transmettent une image raciste, socialement dénigrante de la population.

Au Venezuela la majorité des ondes de radio et de télévision (3), de l’international jusqu’au local, reste elle aussi aux mains de l’entreprise privée. L’histoire d’un pays que le boom pétrolier a fait passer sans transition de la radio rurale à la télévision commerciale comme modèle unique – celui de Cisneros et de Miss Mundo – explique pourquoi les médias publics et communautaires tendent encore à imiter la forme commerciale, ce qui freine la construction populaire des programmes au coeur du projet bolivarien. Certaines lois ont déjà vu le jour pour légaliser les médias citoyens ou soutenir la production indépendante (4). Avant d’être soumise au parlement la Loi de la communication populaire qui vise à équilibrer la propriété des fréquences continue à faire l’objet de débats parmi les mouvements sociaux – certains souhaitant aller plus loin qu’une répartition par tiers. (5)

Ici comme ailleurs la tâche primordiale des mouvement sociaux est d’anticiper le mouvement. Car une fois acquis l’équilibre démocratique de la propriété des médias, il reste à effectuer le saut qualitatif : dépasser le paradigme dominant. Car si au moment où les nouvelles fréquences se libèrent, les mouvements sociaux n’ont pas encore formé des communicateurs d’un type nouveau, familiers de l’héritage mondial des esthétiques révolutionnaires comme celle du Nuevo Cine Latinoamericano et des expériences décolonisatrices de “ télévision hors de la télévision”, formés aux techniques d’enquête participative, à la théorie critique des médias et aux pratiques émancipatrices de la formation de formateurs comme celles de Paulo Freire, alors le potentiel des nouveaux espaces s’étiolerait entre les mains de petits soldats venus d’"écoles de journalisme" pour nous servir “infos”, “news”, “actus” et autres “live” sur un “plateau”.

Thierry Deronne,

Caracas, le 29 juin 2013.

02/08/2013

Coopération ? L’exemple vient de Cuba et du Venezuela

haïti, pétrole, cuba, vénézuéla, c'est un monde, josé fortC'est un monde, la chronique de José Fort.

Deux informations donnent à réfléchir sur ce que devrait être une véritable coopération internationale. La première vient de La Havane. Dix mille médecins obtiendront cette année leur diplôme dans la Grande Ile. 5.683 Cubains, 4.843 étrangers, la Bolivie arrivant en tête avec 855 médecins diplômés.

Suivent l'Équateur (718), le Mexique (444), l'Argentine (387), le Salvador (386), la Guyana (280), Timor-Leste  (194), l'Angola (118) et la Chine (101). Des milliers de médecins cubains travaillent actuellement dans plusieurs pays d’Amérique du Sud et dans les Caraïbes notamment en Haïti.

La deuxième information arrive de Port au Prince grâce à Radio France Internationale (RFI). Un accord vient d’être signé entre le Venezuela et Haïti portant sur un échange de nourriture contre du pétrole.

Depuis 2008, Haïti achète à crédit le pétrole du Venezuela au travers du programme Petrocaribe, entraînant une dette qui s'élève aujourd'hui à un milliard de dollars, indique Amélie Baron de RFI. Elle poursuit en précisant que Caracas a décidé de ne pas réclamer cette somme.

En échange, Haïti va lui vendre à tarif préférentiel des denrées alimentaires. Un soutien inespéré à l'agriculture haïtienne selon le Premier ministre Laurent Lamothe qui veut rompre avec le libéralisme de ses prédécesseurs. « Les gouvernements précédents ont appliqué une politique ultra-libérale, estime Laurent Lamothe. Ils ont cassé toutes les taxes, les tarifs douaniers et tous les produits ont envahi notre pays. Notre production nationale est tombée à zéro. »

Pour le Premier ministre haïtien, la dette contractée auprès du Venezuela n'est pas un handicap mais une aubaine. Pour lui, la logique de Caracas est simple : « Ne payez pas cash, mais envoyez nous plutôt de la nourriture. » Cet accord, conclut Amélie Baron, permettrait à Haïti de relancer son agriculture et de sortir de la misère.

Ces deux exemples sont à l’opposé de la prétendue « coopération internationale » menée par les grandes puissances capitalistes, les Etats-Unis et l’Union Européenne très particulièrement.

En Egypte, les Etats-Unis coopèrent avec l’armée en distribuant chaque année des sommes folles mais pas un dollar ne va au développement du pays.

Au Mali, les pays dits « donateurs » ont signé un gros chèque. Une partie de l’argent a été détournée, le solde servant à régler les notes des entreprises et des importations étrangères. Rien pour le coton, les infrastructures, l’électricité ou l’eau. La « coopération internationale », la véritable, celle qui va aux populations est menée par des ONG, comme le Secours populaire Français. Pas par les Etats et encore moins par la Banque mondiale et le FMI.

Publié par l'Humanité

28/07/2013

PRESIDENT PAUVRE, PRESIDENT POUR LES PAUVRES : PEPE MUJICANE

Cuba - Raul Castro - UruguayPepe Mujicane porte jamais de cravate, mais il porte le verbe haut. Il est du genre à se rendre à des sommets de chefs d’Etat chaussé de bottines élimées. Un moindre mal quand on sait qu'à l'époque où il était député et sénateur, il allait au Congrès avec des bottes en caoutchouc terreuses aux pieds.

Dans un long portrait que l'hebdomadaire Courrier international lui a consacré, Graziano Pascale, le premier journaliste à avoir affirmé que Pepe Mujica pourrait être le candidat du Frente Amplio (la coalition de gauche au pouvoir), décrit ainsi ce président pas comme les autres, élu en 2005 : « Mujica, c’est ce vieil oncle un peu fou que l’on a tous dans nos familles. L’élire président a été une folie collective. Son personnage public ne s’accorde pas avec la vie normale de l’Uruguayen ».

Ancien guérillero

Lui se définit comme « ex-guérillero végétarien » et « un paysan de vocation ». Il est vrai que José Mujica n'a pas le parcours classique d'un chef d'Etat. Vraiment pas. Issu d'une modeste famille paysanne, avant d'arriver à la tête de l'Uruguay, c'est au sein des Tupamaros, la guérilla qui luttait contre la dictature militaire (1973-1985) qu'il s'engage. Ce qui lui vaut de passer près de quinze ans en prison, dont les deux tiers à l'isolement total. Et même s'il fut finalement rattrappé et de nouveau emprisonné, Pepe Mujica peut sans doute se targuer d'être le seul président à être entré dans le Livre des records pour son évasion de la prison de Punta Carretas, en 1971, aux côtés d'une centaine de militants par un tunnel de 40 mètres de long !

Amnistié avec le retour de la démocratie, il se lance en politique et gagne toutes les élections auxquelles il prétend. Il accède également au poste de ministre de l'Agriculture. Derrière les barreaux, torturés, il a raconté avoir perdu la tête. Fin 2011, en visite dans un hôpital psychiatrique, il expliquait aux médecins et patients qu'il entendait des bruits et était devenu fou. Avant de conclure, désormais président : « Et me voilà ici, encore plus fou qu'avant ».

Mariage gay et légalisation du cannabis

Pepe Mujica n'a pas vraiment sa langue dans sa poche. Pour exemple, en plein campagne présidentielle, dans un recueil d'entretiens, il déclarait que les Argentins étaient « des hystériques, des fous et des paranoïaques ». Son modèle en politique, c'est Lula, l'ex-président du Brésil et ancien syndicaliste.

Parmi ses faits d'armes à la tête de l'Uruguay, on peut noter la dépénalisation de l'avortement et l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Et, sur un continent gangréné par la drogue et les cartels, il projette de légaliser la vente de cannabis. L'Etat commercialiserait lui-même la marijuana. Un moyen de lutter contre la délinquance, dit-il. 

Président pauvre, président des pauvres

Malgré les six balles qu'il a reçues dans le corps dans le passé, José Mujica est un président philosophe. Lors de la conférence Rio+20 de 2012, il a expliqué que « les vieux penseurs – Epicure, Sénèque et même les Aymaras – définissaient le pauvre non pas comme celui qui a peu, mais comme celui qui a une infinité de besoins et désire toujours plus que ce qu’il a ».

Président des pauvres, c'est une philosophie qu'il s'applique à lui-même. Il reverse 90% de son indemnité présidentielle et a refusé de s'installer dans le palais présidentiel. Il vit toujours dans une ferme, avec son ex-guérillera de compagne, Lucia Topolansky. José Mujica a d'ailleurs décidé que le palais présidentiel figurerait sur la liste des lieux d'accueil des sans-abri en cas de saturation des centres d'hébergement en hiver. Pour parfaire le tableau, la seule richesse que « le président le plus pauvre », comme on l'appelle, revendique, c'est une Coccinelle bleue achetée en 1987. Le président d'un tout petit pays qui pourrait en inspirer des plus grands.

Par Aurore Lartigue pour Radio Canada

A CUBA, UN DISCOURS EXCEPTIONNEL

cuba - raul castro - uruguayDans le cadre du 60 ème anniversaire de l’assaut donné à la caserne de Moncada à Cuba, début de la révolution Cubaine, le président de l’Uruguay, Pepe Mujica a prononcé en présence de plusieurs chefs d’Etat un discours exceptionnel qui marquera l’histoire :

« A l’occasion de ce 60 ème anniversaire permettez une pensée à tous ceux qui ont lutté et sont morts dans leurs combats dans les montagnes, les plaines et les bois d’Amérique Latinine.

Les changements sociaux ne disposent d’aucun laboratoire où la révolution peut s’expérimenter froidement. Les changements sociaux sont les expressions vives des luttes engagées avec les peuples, mille fois recommencées dans la douleur. Ils ne sont pas à la portée de la main mais le long cheminement d’une action constructive avec les peuples faite d’erreurs, de compromis, de sacrifices.

Cela a toujours ainsi. L’impossible à réaliser coûte toujours, un peu plus.

C’est pour cela qu’il n’y a jamais de défaite. Ceux qui sont défaits sont ceux qui cessent de lutter.

C’est pour cela que cette révolution, qui fut celle de la dignité, a donné l’espoir à toute l’Amérique Latine pour créer une société distincte. Les changements matériels sont plus simples que les changements culturels. Les changements culturels sont les véritables fondations du changement de l’histoire et la semence lente de génération en génération de la révolution Cubaine.

On nous a enseigné les valeurs que représentent la honte et la dignité. Nous sommes en présence d’une société équitable, collective avec une dimension universelle, et nous avons appris une chose que nous vivons dans notre Amérique Latine : seul un monde est possible où est respecté la diversité, seul l’avenir est possible si nous comprenons et nous nous habituons à ce que ce monde soit divers avec les mots respect, dignité tolérance et que personne n’a le droit parce qu’il est grand et fort d’écraser les petits et les faibles.

C’est la leçon d’or de cet anniversaire des 60 ans de cette révolution. Le monde riche devra comprendre que pour sa propre tranquillité que la vie humaine est courte, trop courte, et qu’il n’est pas possible de sacrifier la vie humaine de ceux qui sont encore vivants, parce que le vie cela doit être le bonheur et qu’il faut respecter la vie.

Nous sommes tous réunis dans ce temple, où ceux qui avaient attaqué cette caserne rêvaient et pensaient que cela auraient été plus simple. Le monde bouge et change parce qu’il y a des gens capables qui s’engagent et qui rêvent, et avec le rêve de ces jeunes Cubains c’est toute l’Amérique Latine qui a changée.

Nous sommes persuadés que les hommes ont la capacité de construire un monde meilleur, qui défend la vie, et la révolution aujourd’hui à un caractère universel. Lorsque le monde se globalise, lutter pour un monde meilleur c’est lutter pour la vie, pour le respect, l’égalité pour un monde sans porte-avions, sans avions sans pilotes capables de frapper aveuglement partout.

Oui c’est possible que l’homme sorte de la préhistoire, le jour où les casernes seront remplacées par les écoles et les universités.

Merci pour tout ce que vous nous avez donné, pour tout ce que vous nous avez laissé, et surtout pour la dignité donnée à tout un peuple. Merci ! »