Tribune. Comme dans la plupart des pays de la région, le peuple cubain affronte le Covid-19 avec courage et succès grâce à un système de santé permettant à chacun l’accès gratuit aux soins et au dépistage massif. Les Cubains ont su endiguer la pandémie, limiter le nombre de morts. Le gouvernement a pris des mesures de confinement et s’est trouvé dans l’obligation d’interdire l’entrée des visiteurs et des touristes dans l’île. L’ouverture des frontières va s’effectuer progressivement. 

Face à la crise mondiale, le gouvernement cubain a fait le choix de s’engager dans des actions de solidarité internationale. Ce pays, de 11 millions d’habitants, a envoyé des centaines de médecins et personnels soignants à travers le monde, dans plus de 35 pays, répondant ainsi à des demandes d’aide immédiate.

Cette tradition de solidarité ne date pas d’hier. Pour ne prendre qu’un exemple récent, on se souvient du rôle des médecins cubains pendant l’épidémie Ebola et l’engagement médical solidaire en Amérique latine, en Asie et en Afrique.

Crise économique

Récemment, quinze médecins et personnels soignants cubains sont arrivés en Martinique pour aider nos compatriotes à faire face à la crise. Rien de plus naturel pour ces îles des Caraïbes que de coopérer et s’unir face au virus. Merci à eux et à toutes celles et ceux, en France comme à Cuba, qui ont permis d’offrir, en ces temps d’écroulement des valeurs, une belle image de solidarité et de fraternité.

Cuba doit affronter une crise économique liée aux mesures de confinement et au coup d’arrêt imposé à l’activité touristique. A cette première épreuve, s’ajoute une très dure contrainte permanente, trop souvent sous-estimée : Cuba doit faire face à un blocus/embargo imposé par les Etats-Unis d’Amérique depuis 1962 et renforcé ces derniers mois par l’administration Trump. C’est le plus long embargo économique, commercial et financier contre un pays dans l’histoire contemporaine. En vertu de la loi Helms-Burton et l’activation de son titre III, les entreprises, essentiellement européennes, commerçant avec Cuba doivent verser des milliards de dollars «d’amendes-pénalités» au Trésor américain et/ou sont poursuivies en justice par les tribunaux des Etats-Unis d’Amérique. Elles subissent chantages, pressions financières dissuasives, menaces d’interdiction de développer leurs activités dans la région. C’est totalement contraire à tous les principes de droit international public et constitue une atteinte grave aux règles des relations internationales.

Cette loi extraterritoriale satisfait des intérêts de politique intérieure américaine (électoraux, lobbys au Congrès), permet d’évincer du marché caribéen toute concurrence étrangère et surtout de priver Cuba du droit à accéder à des produits vitaux d’où qu’ils viennent. Cette tentative étrangère d’enfermer la population cubaine dans une «camisole de force» depuis bientôt soixante ans est devenue intolérable au quotidien pour un peuple courageux, indépendant et souverain. Pour n’importe quel citoyen du monde, libre et doté de bon sens, il nous semble évident que la poursuite de cette anomalie constitue une atteinte à l’idée même de respect de la dignité humaine.

Indifférence médiatique

Le blocus/embargo contre Cuba dénoncé tous les ans par une quasi-unanimité des pays membres de l’ONU réunis en Assemblée générale, dont la France, prive les Cubains de nombreux produits et moyens financiers. Même les banques françaises qui accompagnaient les entreprises françaises depuis une vingtaine d’années ont dû se retirer de l’île. Nous assistons là à une opération d’étranglement d’un peuple et d’un pays dans une quasi-indifférence médiatique et politique françaises, à quelques rares exceptions.

L’Union européenne ne peut rester sans réagir. Elle se doit d’affirmer clairement à l’administration Trump son exigence : la levée immédiate et totale du blocus/embargo.

Quant à la France, partageant cette démarche, elle doit sans délai s’engager dans une politique volontariste permettant de contourner cette épée de Damoclès qui pèse sur les intérêts de notre pays et de développer des relations économiques et commerciales avec Cuba, sous des formes diverses, comme nous savons le faire avec l’Iran.

Exiger la levée du blocus/embargo contre Cuba relève d’un devoir humanitaire. Nous demandons au Président de la République d’intervenir dans ce sens et de tout mettre en œuvre pour y parvenir.

Jean-Pierre Bel ancien président du Sénat , Fabien Roussel secrétaire national du PCF et député du Nord , François-Michel Lambert député, président du groupe d’amitié France-Cuba de l’Assemblée nationale , Stéphane Witkowski Président du Conseil de l’Iheal (Institut des hautes études de l’Amérique latine–Université Sorbonne nouvelle), ancien Medef International, Amériques