12/06/2014
Aldo Rebelo « Au Brésil, le football est plus qu’un sport »
Aldo Rebelo est le ministre des Sports brésilien. Avant le début du Mondial, il revient sur la passion qui lie le football à son pays, et sur les polémiques qui éclaboussent l’événement.
Brasilia, envoyée spéciale
Le Brésil accueille pour la seconde fois la Coupe du monde de football. En quoi votre pays se distingue-t-il des autres nations du football ?
Aldo Rebelo Au Brésil, le football est plus qu’un sport. Par le passé, et encore aujourd’hui, il reste une plate-forme de promotion sociale pour les jeunes, les pauvres, les Noirs, les métis, ou encore les mulâtres. Lorsque le football a fait son apparition au début du XXe siècle, il était pratiqué par l’élite. Les équipes ne comptaient que des joueurs blancs. Puis il s’est diffusé parmi la population la plus défavorisée. Les clubs de masse ont essaimé dans toutes les capitales d’États. Le football a donné aux pauvres ses premières célébrités. Il est donc une institution née en marge du marché et de l’État. Ce n’est que dans les années 1980 que le sponsoring et les droits de retransmission font leur entrée. Auparavant, ce sport était semi-amateur. Les joueurs étaient pour ainsi dire des artisans. Le football s’est marchandisé et cette marchandisation a eu des conséquences plus que néfastes. Le mécénat considère le football comme un produit où seul comptent les bénéfices que rapporteront les résultats. Cette vision écarte toute relation affective, de passion. Ce problème est structurel. Les exigences des sponsors sont souvent intenables pour les clubs. La Coupe du monde n’échappe pas à cela. Elle incarne le rêve et une grande fête populaire et, dans le même temps, le grand commerce des sponsors. Le football est la croisée de ces deux chemins.
Face à cette vision mercantile, avez-vous défendu d’autres choix ?
Aldo Rebelo Nous avons gagné des entrées à des prix plus accessibles que ceux pratiqués par la ligue de la 1re division de football brésilien. Nous offrirons 50 000 places pour les plus défavorisés, et particulièrement aux Indiens. Mais cela ne résout pas le problème. En dehors de la Coupe, les entrées sont chaque jour plus onéreuses. Les administrateurs des stades, qui sont des arènes modernes dont la manutention coûte très cher, demandent toujours davantage. Nous, nous examinons comment une partie des bénéfices contribue à baisser les prix pour les rendre accessibles aux familles en difficulté. Car c’est la population pauvre qui assure la popularité du football et son caractère de masse.
Le Brésil a été agité par de fortes critiques quant au coût de l’événement sportif, qui priverait de financements des secteurs plus stratégiques tels que l’éducation ou la santé. Qu’en pensez-vous ?
Aldo Rebelo C’est une critique crétine avancée par les adversaires du gouvernement, l’extrême droite et des groupes d’ultragauche qui ne se rendent pas compte qu’ils font le jeu de leur ennemi déclaré. Il n’existe pas de coût de la Coupe. Celle-ci repose pour l’essentiel sur l’entrepreneuriat privé. Le journal Diario a calculé que le total des investissements liés à la Coupe est l’équivalent des dépenses mensuelles en éducation. Je précise que le total des investissements inclut les infrastructures et la mobilité urbaine : des métros, des viaducs, des avenues, des aéroports, des tramways. Ces œuvres sont comptabilisées dans le budget de la Coupe mais elles seront utiles après. Tous les travaux de stades compris représentent un total de 9 milliards d’euros depuis 2007. Pour rappel : le Brésil débourse chaque année 30 milliards d’euros en intérêts de la dette publique. Donc, les revendications actuelles n’ont rien à voir avec la coupe. Elles existaient auparavant, et continueront d’exister après. La lutte pour l’amélioration du transport urbain, celles pour la sécurité publique, l’éducation, la santé sont des luttes permanentes. Mais dire que la Coupe se réalise au détriment des budgets de ces questions, c’est ridicule.
Quelles seront les retombées de l’événement sportif, y compris sur le plan économique ?
Aldo Rebelo Une étude sur l’impact socio-économique des grands événements du Brésil relève que Cette coupe pourrait créer 3,6 millions d’emplois. Elle pourrait augmenter la croissance de 0,4 % par an jusqu’en 2019. Cette étude souligne également que chaque réal (0,33 euro) d’investissement public rapporte 3,4 réais d’investissement privé. Les bénéfices sont impossibles à quantifier d’abord pour la publicité du pays. La dernière finale en Afrique du Sud a été regardée par plus de 3 milliards de personnes. Le football est un élément de projection de l’image du Brésil et de ses capacités.
Un pronostic pour la finale ?
Aldo Rebelo Le Brésil est favori. Par tradition, c’est un vainqueur de finales. Avec un avantage unique, il joue à la maison.
Entretien réalisé par Cathy Ceïbe pour l'Humanité
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11:22 Publié dans Actualités, AL-Pays : Brésil, Sport | Tags : foot, brésil, coupe du monde | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
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