14/05/2023
« L’Europe doit cesser d’appliquer l’embargo américain contre Cuba »
En visite au Parlement européen cette semaine, l’Ambassadeur de la République de Cuba, Otto Vaillant Frias, demande expressément à l’Union européenne de ne pas appliquer les lois américaines sur l’embargo contre Cuba, comme elle le fait actuellement. Entretien
Quelles sont les conséquences concrètes aujourd’hui de l’embargo américain contre la République de Cuba ?
L’ensemble des mesures prises par les administrations américaines successives créent des problèmes pour toute la population cubaine car nous n’avons pas accès aux pièces de rechange, aux ingrédients pour produire des médicaments, aux financements des banques internationales.
On n’a pas accès non plus à plusieurs domaines de la vie scientifique et économique mondiale, et ça pose de graves problèmes parce qu’aujourd’hui, pour Cuba, ne pas avoir de financements, ne pas avoir d’aides, et être privés d’autres ressources du même type, c’est très compliqué. Si vous n’avez pas de pièces de rechange pour les autobus, il n’y a plus de transports en commun. Si on n’a pas suffisamment d’ingrédients pour produire des médicaments, il nous manque une partie importante des médicaments de base qui sont indispensables pour le pays. Et la liste de ce qui nous manque est très longue. Par exemple, l’interdiction de l’accès aux plateformes de technologie internationale nous empêche d’être reliés aux réseaux scientifiques.
À partir de Cuba, on ne peut pas visiter les sites Web ni les bibliothèques. Les plateformes de vidéoconférence sont interdites. Et en plus de cela, les États-Unis ont mis Cuba sur une liste de pays parrains du terrorisme, et avec cette liste, tout est interdit, personne ne veut commercer avec Cuba. Cela veut dire que si nous achetons une tonne de blé dans un pays, ce pays impose un prix supplémentaire pour le risque et c’est Cuba qui doit le payer.
En quoi la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine ont-elles aggravé cette situation ?
Avec le Covid, le monde s’est presque arrêté. Il y a eu un manque de bateaux et de containers. Cuba a eu besoin d’ingrédients pour produire des vaccins que les États-Unis ne voulaient pas nous fournir. Ils ont même empêché à Cuba d’acheter des pièces pour faire fonctionner les appareils à oxygène pour les malades. Et après être sortis du Covid, nous sommes entrés dans une guerre qui augmente énormément les prix de tout. Imaginez-vous que si en France il y a des prix qui ont augmenté quatre fois, quand ces produits arrivent à Cuba, c’est huit fois le prix. C’est le prix du pétrole, du transport, le prix des conteneurs. Tous les prix dans l’ensemble sont dans une inflation énorme à Cuba.
Comment se comporte l’Europe vis-à-vis de Cuba dans cette conjoncture ?
Normalement dans l’Union européenne, il y a un code contre l’extraterritorialité des lois américaines, mais il ne s’applique pas. Il faut appliquer le code contre l’extraterritorialité qui date de plusieurs années. Il faut empêcher aux entreprises américaines de faire ce qu’elles veulent. Une filiale américaine ne peut vendre aucun produit à Cuba. Un Américain ne peut pas acheter de cigares cubains en Europe et les emmener aux États-Unis, c’est interdit.
Alors que normalement, au regard des lois européennes, ce devrait être autorisé ?
Mais bien sûr, l’Europe a la possibilité de dire non aux États-Unis, de dire ce sont vos lois, les lois européennes sont les nôtres, vous ne pouvez pas imposer vos lois en Europe. Quand une personne signe des contrats bancaires, il y a une ligne qui dit : il faut respecter le code de lois bancaires américaines
Malgré cela, il y a eu une remarquable résistance du peuple cubain au moment de la crise du Covid, tout le monde l’a remarqué, notamment dans le domaine de la recherche pharmaceutique et de l’aide médicale que vous avez fournie à des pays en difficulté. À quoi attribuez-vous ces succès ?
On est arrivés à produire trois vaccins. Il y en a deux de plus maintenant qui sont candidats à la validation, ça fait cinq vaccins en tout, ce qui est incroyable pour un pays comme Cuba. Nos vaccins sont arrivés à avoir plus de 92 % d’efficacité. Avec notre système de protection sociale, de protection de la famille, du droit des personnes à la vie, nous avons réussi à assurer cela. Mais à un coût énorme, parce que l’argent qu’on avait, on l’a utilisé pour la production des vaccins, et pour accueillir les gens dans des hôtels ou des écoles qu’on a convertis en centres d’accueil de malades, comme des hôpitaux. On donnait aux gens à manger et tout ce dont ils avaient besoin. Tout était gratuit. On a dépensé beaucoup d’argent pour guérir les Cubains et à la fin, on est arrivés à contrôler le Covid, ça fait plus d’un an qu’il n’y a pas un mort du Covid à Cuba. Ce résultat, c’est la force de la biotechnologie cubaine, c’est la force de la science.
Fidel Castro disait en 1960 que Cuba devait être un pays de science et de pensée. Cela veut dire que le pôle scientifique de Cuba arrive à inventer et à produire des médicaments de biotechnologie qui sont uniques au monde. Il y en a plusieurs qu’on commercialise dans le monde entier, mais pas en Europe parce que c’est très difficile avec les règles imposées. Mais il y a déjà des maires de plusieurs villes en France qui m’ont adressé des lettres en me demandant que des médecins cubains viennent en France.
Nous avons 500 médecins cubains en Calabre et en Italie à l’heure actuelle parce qu’on a envoyé une brigade de soignants en Italie pendant le Covid, et cela a prouvé que les médecins cubains sont bons.
Que demandez-vous aujourd’hui à l’Union européenne ?
On lui demande d’élever la voix pour s’opposer à l’extraterritorialité des lois américaines en Europe et d’appliquer son code contre l’extraterritorialité
11:46 Publié dans Actualités, AL-Pays : Cuba, Economie, Entretien | Tags : cuba, ambassadeur, europe | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
29/04/2017
Cuba débute la construction d'une centrale bio-électrique en partenariat avec la Chine
Cuba a débuté la construction de sa plus grande centrale bio-électrique à capitaux étrangers, qui produira de l'énergie propre.
Située dans la ville de Ciro Redondo, dans la province de Ciego de Avila (centre), à environ 430 kilomètres à l'est de La Havane, la centrale utilisera des technologies chinoises et sera gérée par la joint-venture Biopower S.A., une société à capitaux britanniques et cubains.
Selon Francisco Lleo, responsable d'AZCUBA, société publique sucrière cubaine, quelque 186 millions de dollars seront investis dans cette centrale, qui devrait entrer en service en décembre 2019.
"Ce sera la première centrale de Cuba qui produira de l'énergie à partir de résidus de canne à sucre de l'usine de Ciro Redondo. Elle apportera 60 mégawatts-heure au réseau électrique du pays", a-t-il indiqué.
Une fois la récolte de la canne à sucre terminée, la centrale utilisera du bois de mimosa clochette, un arbre qui prolifère dans les champs environnants.
"La centrale produira toute l'électricité dont l'usine a besoin pour faire du sucre et le reste viendra alimenter le réseau électrique national" dans le cadre des efforts de Cuba visant à élever à 26% la part des énergies propres et renouvelables dans la production d'électricité d'ici à 2030, a indiqué M. Lleo.
L'ambassadeur de Chine à Cuba, Chen Xi, qui a participé à la cérémonie de pose de la première pierre aux côtés de l'ambassadeur du Royaume-Uni, Anthony Stokes, s'est réjoui de l'aide apportée par les entreprises chinoises au développement économique de Cuba, qui contribue à affermir les relations entre Beijing et La Havane.
Il a souligné que ce projet créerait de nouveaux emplois pour les habitants locaux et protégerait l'environnement en produisant une énergie propre.
M. Stokes s'est également félicité du lancement de ce projet, le premier entrepris par la Chine, Cuba et le Royaume-Uni dans la production d'énergie renouvelable dans la région.
Source Chine Nouvelle
19:48 Publié dans AL-Pays : Cuba, Entretien | Tags : cuba, centrale électrique, centrale bio-électrique | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
15/12/2014
«Retour à Ithaque» ? Non à Cuba
Sur une terrasse à la Havane, cinq amis sont réunis pour fêter le retour d'un des leurs, après 16 ans d'exil… Laurent Cantet nous parle de son film «Retour à Ithaque»
«Retour à Ithaque» de Laurent Cantet («Entre les murs») raconte le retour d'exil d'un Cubain qui retrouve ses anciens amis, tous intellectuels ou artistes, réunis pour fêter son retour… Un film tiré d'un roman de Leonardo Padura : «Le palmier et l'étoile» coauteur du scénario.
Au fil des images, entre évocation de souvenirs communs, les règlements de comptes ceux qui sont restés au pays pendant «la période spéciale» et qui font de multiples allusions à ce qu'était leur vie d'alors.
En 1991, l'Union Soviétique s'est effondrée. Cuba, subitement privée de l'aide du pays ami, a alors plongé dans une grave crise économique. Les gens manquaient de tout : de travail, de nourriture, de vêtements, d'énergie. Mais le régime est resté le même, interdisant tout signe d'influence extérieure, notamment nord américaine, surveillant de près «les grandes gueules»…
C'était «la période spéciale» pendant laquelle il était interdit de porter les cheveux longs, d'écouter les Beatles etc. (même si tous ces interdits étaient discrètement contournés). En revanche, il fallait effectuer deux mois de travail volontaire par an. La monnaie locale ne donnait pas accès à l'essentiel. Ceux qui ne possédaient pas de dollars mangeaient des haricots et des steaks faits avec de la peau de pamplemousse… Ceux qui avaient émigré ne pouvaient se réinstaller. Voilà ce que le spectateur saisit au passage. Cependant, Laurent Cantet se défend d'avoir voulu faire un documentaire politique sur Cuba. Échange.
Pourquoi avoir intitulé votre film «Retour à Ithaque» alors qu'il se situe à Cuba ?
C'est l'histoire d'un lieu qui, historiquement, a eu une valeur mythologique pour beaucoup de militants communistes. C'est aussi la similitude entre le retour d'Amadeo après une longue absence et le retour d'Ulysse chez lui et c'est surtout pour faire comprendre d'entrée qu'il ne s'agit pas d'un documentaire sur l'histoire de Cuba.
Quel est votre propos, alors ?
J'ai voulu donner la parole aux Cubains et leur permettre de se raconter. J'ai relaté cinq histoires cubaines : les retrouvailles de cinq copains quinquagénaires qui évoquent leur jeunesse, leur engagement, leurs rêves, leurs rancœurs, leurs désillusions. C'est une histoire de groupe comme toujours dans mes films. Ce qui me plaît dans cette histoire c'est la nostalgie, la désillusion des personnages. L'histoire aurait pu se situer n'importe où à l'identique.. .
Avez-vous été l'objet de pressions pendant le tournage ?
Le scénario a été présenté à l'ICAI (Institut cubain d'art et d'industrie cinématographique) qui contrôle tout ce qui touche au cinéma à Cuba. Il a été accepté par les autorités qui nous ont laissés travailler, même si le film comporte des passages très critiques sur ce qui s'est passé et se passe encore à Cuba. Je pense que le pays est en train de changer. Les Cubains ont besoin de faire le point sur cette période.
10:18 Publié dans AL-Pays : Cuba, Cinéma, Entretien, Vidéo | Tags : cuba, cantet, retour à ithaque | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
30/10/2014
Hector Igarza : « Cuba a toujours été un pays solidaire »
Blocus, développement économique, relations avec les Etats-Unis, perspectives, solidarité internationale l’Ambassadeur de Cuba en France Hector Igarza parcourt pour la Marseillaise les grands enjeux actuels de l’île.
A la fin du mois d’octobre, l’assemblée générale des Nations-Unies votera une résolution cubaine demandant la levée du blocus américain qui frappe l’île depuis 1962. Qu’en attendez-vous ?
Ce sera la 23e fois que l’assemblée générale aura à se prononcer sur ce régime de sanction qui touche notre pays depuis plus d’un demi-siècle. Au départ, le but de ce blocus était de provoquer la famine sur l’île pour que le peuple cubain se soulève contre son gouvernement révolutionnaire. Toute la communauté internationale nous soutient chaque année, sauf les Etats-Unis et Israël. Je suis certain que ce sera encore un succès cette année.
Quelles sont les conséquences au quotidien de ce blocus sur l’île, dans la vie quotidienne ?
Toute la société est touchée (santé, éducation, culture...) mais également notre politique financière par rapport aux banques qui souhaiteraient avoir des relations avec nous, et nous avec elles. C’est exactement ce qui s’est passé avec la BNP Paribas qui a été sanctionné d’une forte amende par les Etats-Unis pour avoir eu des relations avec Cuba. C'est faux quand les Etats-Unis disent que le blocus est une affaire entre eux et nous car le blocus a un réel pouvoir de nuisance extra-territorial.
Les liens avec les Etats-Unis sont-ils définitivement rompus ?
Non. Nous sommes prêts à discuter avec les Etats-Unis sur des problèmes bilatéraux, mais d’égal à égal, sans sujets tabous. Nous sommes prêts à échanger sur tout, dans le respect de chacun de choisir son système politique. Or, le gouvernement américain conditionne l’ouverture du dialogue par un changement de régime à Cuba, et notamment du système de parti unique. Nous considérons que le parti unique maintient la Révolution, la paix et qu’il est garant de l’unité du peuple. Un système cubain avec 400 partis politiques financés par les Etats-Unis et qui se présenteraient à des élections serait-il plus démocratique ? Je ne le pense pas.
Où en est le plan de réformes économiques et sociales entamé depuis 2013 ?
Il est en cours. Il était indispensable pour maintenir notre économie qui avait souffert de la chute des pays socialistes d’Europe de l’Est et du blocus américain. Cuba avait de gros problèmes économiques car nous sommes un pays du Tiers-Monde dépendant de l’économique mondiale. C’est pour cela que nous avons voulu actualiser notre système économique sans en changer les bases. Nous avons voté en juin dernier une loi favorisant les investissements étrangers. Cela nous aidera à développer sur l’île des secteurs comme l’agro-industrie, le tourisme, la construction. En revanche, nous ne touchons pas à la santé, l’éducation ou les forces armées. Nous avons besoin d’environ 2,5 milliards de dollars par an pour que notre économie puisse avoir une croissance acceptable.
A ce propos, des entreprises françaises s’installent-elles à Cuba ?
Oui bien sûr, il y a environ une vingtaine de groupes français : Accor, Bouygues, Alcatel, Air France, Malongo... qui sont venus s’ajouter à Pernod Ricard qui est à Cuba pour commercialiser le rhum Havana club depuis plus de 20 ans et qui subit avec nous le blocus américain puisque le Havana club est interdit à la vente aux Etats-Unis.
Parmi les réformes, une a porté sur l’immigration en ôtant l’obligation pour les Cubains voulant aller à l’étranger de demander une autorisation de sortie. Un premier bilan a-t-il été tiré ?
La question migratoire a toujours été centrale à Cuba. Grâce à cette loi, tout Cubain peut aller partout dans le monde. C'est après aux pays étrangers à leur donner un visa. Cela permettra à nos concitoyens de connaître différents pays et de comparer. On assiste d’ailleurs à des retours de Cubains immigrés qui, pour être partis illégalement, ne pouvaient pas rentrer à Cuba. Désormais chacun peut entrer et sortir. En fait, cela me fait penser aux paroles de Jean-Paul II lors de sa venue à Cuba en 1998. Il avait demandé que Cuba s’ouvre au monde, mais que le monde s’ouvre aussi à Cuba.
Parmi les batailles politiques que mène Cuba, il y a celle pour les 5 Cubains emprisonnés aux Etats-Unis pour avoir infiltré en Floride des groupes terroristes cubano-américains pour les empêcher de commettre des attentats sur l’île. Où en est l'affaire ?
C’est, avec la fin du blocus, une autre de nos grandes batailles. Sur les cinq, deux ont été libérés : René Gonzalez* et Fernando Gonzalez. Ils sont sortis non pas grâce à des remises de peine mais après avoir purgé toute leur peine. Aucun geste n’a été octroyé par le gouvernement américain. Il en reste toujours trois en prison : Antonio Guerrero, Ramon Labañino et Garardo Hernandez. Un sortira en 2017, un autre en 2024 et Gerardo Hernandez risque de mourir en prison puisqu’il a été condamné à deux perpétuités plus 15 ans !
Heureusement, un fort mouvement de solidarité internationale s’est instauré pour exiger du président Obama qu’il les fasse libérer. Car aujourd’hui, les recours sont épuisés et seul lui peut le faire par un geste politique.
Cuba est connu pour sa politique internationaliste dans le monde. C’est actuellement le cas en Afrique de l’ouest avec le virus Ebola.
C’est l’histoire de la révolution cubaine. Nous l’avons toujours fait. Nous avons reçu et nous avons donné sans rien demander en retour. Concernant Ebola, plus de 460 médecins sont partis en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone. Ce qui fait de Cuba le pays ayant envoyé le plus de personnel médical sur place. Des milliers de médecins cubains ont été envoyés dans le monde depuis 1959. En dépit du blocus, si on peut aujourd’hui envoyer autant de médecins en Afrique, c’est que la solidarité envers les pays du Tiers-Monde est plus importante que tout pour nous. Car Cuba a toujours été un pays solidaire.
Entretien réalisé par Sébastien Madau pour la Marseillaise
18:17 Publié dans Actualités, AL-Pays : Cuba, Amérique Latine, Entretien | Tags : hector igarza, cuba, ambassade | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |