28/03/2017
L'hybridation pourrait être fatale au crocodile cubain
Le crocodile cubain va perdre son identité génétique s’il continue de s’accoupler avec les crocodiles américains. Les scientifiques doivent-ils empêcher la disparition de cette espèce rare ?
ÉTHIQUE. Les scientifiques doivent-ils freiner une hybridation génétique naturelle pour sauver le crocodile cubain de l'extinction ? Crocodylus rhombifer est une espèce placée sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) depuis 20 ans et déclarée en danger critique d’extinction, en raison de la perte de son habitat (exploitation des bois et expansion de l'agriculture) mais également du nombre important de chasseurs de crocodiles.
Depuis 56 ans, le gouvernement cubain tente d'enrayer cette tendance et de sauver cet animal emblématique. Malheureusement, sans beaucoup de résultats : aujourd'hui, il ne reste plus qu'environ mille individus dans la nature. Le centre de reproduction Zapata Swamp Captive Breeding Farm de Cuba a relâché ses 100 premiers crocodiles nés en captivité en janvier 2016. Mais une difficulté supplémentaire s'ajoute : la majorité de ces crocodiles se sont ensuite accouplés avec Crocodylus acutus, espèce américaine, présente également à Cuba.
Un métissage qui rend la conservation de l’espèce difficile
Impossible à déceler physiquement, l’hybridation des crocodiles a été confirmée après l'analyse des tissus d’un animal dans des laboratoires américains au Canada, par Yoamel Milian-Garcia, biologiste à l’université de la Havane, en 2014. 49,1 % des 227 crocodiles cubains sauvages analysés sont hybrides, alors que seulement 16,1 % des 137 crocodiles de captivité présentent des gènes métissés. Le processus serait donc a priori en train de s’accélérer, et pourrait conduire à la disparition de l’espèce cubaine. En effet, les crocodiles américains sont plus influents génétiquement parlant.
Dans la nature en général, et chez les crocodiles en particulier, l’hybridation n'est pas un phénomène nouveau et, à travers l’histoire, beaucoup d’espèces se sont métissées, explique Evon Hekkala, généticien de la Fordham University de New York. Son étude sur les crocodiles du Nil, Crocodylus niloticus, montre que l’espèce actuelle est très différente de celle vivant il y a 2000 ans. Par la suite, les changements rapides de l’écosystème peuvent conduire soit à une disparition de ces hybrides, soit à la pérennité d’une nouvelle espèce. Pour revenir à notre exemple, le crocodile cubain connu jusqu’alors préférait l’eau douce et construisait ses nids sur des monticules, alors que le nouveau est plus tolérant à l’eau salée et fait ses nids dans des trous. Le crocodile américain aurait-il fourni un gène de tolérance à l’eau salée ?
Un symbole de fierté nationale
Les cubains ne sont pas prêts à laisser disparaître "leur" espèce. « Nous devons suivre notre instinct, nos idées, notre jugement, et espérer que les générations futures ne nous critiquerons pas », déclare Etiam Pérez, un chercheur en faune exotique de la ferme de reproduction de Cuba.
Selon lui, la situation se trouve dans la fécondation des femelles : leurs œufs d’une même portée peuvent être fécondés par différents pères, ce qui augmenterait la diversité génétique des crocodiles et permettrait de pérenniser l'espèce.
18:00 Publié dans AL-Pays : Cuba, Environnement, Société | Tags : crocodylus rhombifer, cuba, disparition | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |
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