Disparition. Mort d’Alicia Alonso, l’étoile de la danse cubaine
21/10/2019
La « prima ballerina assoluta » de la danse cubaine, Alicia Alonso, est morte jeudi matin à La Havane. Elle avait 98 ans. « Elle est partie et nous laisse un vide immense, mais aussi un héritage inégalé », a dit le président cubain Miguel Diaz-Canel avant d’ajouter : « Elle a placé Cuba au meilleur niveau de la danse mondiale. » On se souvient de sa venue en 2010 en France, où, après Londres et New York, digne et droite au bras de son compagnon, Pedro Simon (directeur du musée de la Danse à Cuba), un foulard fuchsia dans ses cheveux relevés, elle était venue avec sa compagnie présenter le ballet qui l’avait fait connaître, Giselle, sur un livret de Théophile Gautier, à partir du poème lyrique du fameux auteur allemand Heinrich Heine.
Célèbre du jour au lendemain
C’est en interprétant ce rôle en 1942 qu’elle devenait célèbre du jour au lendemain. Ce jour-là, un 2 novembre, la très jeune soliste, née à La Havane, qui étudiait au New York City Ballet, remplace au pied levé la ballerine Alicia Markova, malade. Rien de plus étrange que de voir cette Cubaine aux yeux de charbon ardent, au buste gracile et aux cuisses puissantes, tenir le rôle d’une paysanne blonde des bords du Rhin. Consciente de l’enjeu, elle répète vingt-quatre heures d’affilée. « Après la représentation, nous confiait-elle en 2010, je me suis assise dans ma loge sans comprendre ce qui venait de se passer. Un collectionneur célèbre est venu me saluer. Il m’a enlevé mes ballerines et m’a dit : “Elles sont à moi !” Elles étaient couvertes de sang. Mes pieds étaient brûlés ! »
Sa Giselle a rénové le chef-d’œuvre classique, en imposant un style radicalement neuf, d’une grâce folle, à la fois terrien et physiquement sans détour. Elle dansera ensuite tous les grands rôles du répertoire académique, de la Belle au bois dormant à Carmen, Coppelia et la Fille mal gardée. À 40 ans, elle réalisait encore les trente-deux fouettés du Lac des cygnes. Elle ne se décidera à ranger ses ballerines qu’en 1995, à 74 ans ! Pourtant, rien ne fut simple. A 20 ans, à la suite d’un double décollement de la rétine, elle commence de perdre la vue, ne distingue plus que des ombres, mais dansera malgré tout en s’inventant des repères. Ses partenaires portent des indices colorés et des lumières vertes et rouges sont posées à des points précis du plateau.
En 1948, elle fonde, à La Havane, le Ballet Alicia Alonso, l’un des meilleurs ballets au monde, qui allie la haute technicité à la sensualité. Il prendra le nom de Ballet national de Cuba après l’avènement, en 1959, de la révolution menée par Fidel Castro, dont elle sera une fervente partisane. « J’aime la vie et je danse de l’intérieur », nous disait-elle, espiègle, à 90 ans passés.
En 2015, le Grand Théâtre de La Havane a été rebaptisé Théâtre Alicia-Alonso en reconnaissance de l’apport de la danseuse à la culture du pays et pour sa « fidélité à la Révolution ».
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