Cyclone : émotion et interrogations
13/09/2017
(Ma chronique sur Radio Arts-Mada tous les lundi en direct à 19h)
Les images de Saint Martin, Saint Barthélémy et de plusieurs autres îles des petites Antilles ravagées par le déchaînement du cyclone Irma confirment l’ampleur du cataclysme. Qui pourraient être insensibles à ces scènes de désolation, de désespoir, d’insécurité et d’abandon ?
Le bilan final sera très lourd en pertes humaines et en dégâts matériels. C’est d’abord vers toutes les victimes de ce cataclysme que vont nos pensées et notre solidarité.
Le dépassement du traumatisme prendra du temps. La reconstruction aussi. Mais l’émotion ne doit pas estomper quelques questions incontournables.
Alors que le cyclone était annoncé depuis plusieurs jours « ravageur » et « sans précédent », pourquoi des mesures exceptionnelles n’ont-elles pas été prises avant le déchaînement des éléments ?
Pourquoi les malades, les femmes enceintes, les personnes handicapées n’ont-elles pas été évacuées alors qu’il suffisait de quelques rotations aériennes pour les mettre à l’abri ?
Pourquoi ne pas avoir envoyé des renforts en pompiers, gendarmes, personnels médicaux et de la sécurité civile à temps ? Bref, avons-nous affaire à la tête de l’Etat non pas à des fainéants mais plutôt à des amateurs incapables ?
Il faudra aussi interpeller tous ceux qui, à l’instar du mal nommé président, l’ineffable Trump, refusent de reconnaître la nécessité d’une action concertée afin de préserver la planète. Les cyclones ont toujours existé dans les Caraïbes surtout au mois de septembre. Mais la multiplication du phénomène et son intensité dépassent toutes les prévisions. En cause, le réchauffement des mers et de l’air. Si des mesures drastiques ne sont pas prises au niveau de la planète, la planète se vengera.
Quant au traitement médiatique, il s’est une nouvelle fois distingué par l’indigence et des« oublis » ciblés. Haïti et Cuba n’ont pratiquement pas existé, Miami et la Floride restant le point de repère phare.
Cuba a subi de plein fouet le cyclone. Vous savez ce pays où les commentateurs occidentaux faisant référence aux décisions officielles n’évoquent pas un « gouvernement » mais un « régime ». Ce pays depuis lequel en plein milieu de la tragédie une de mes correspondantes écrivait sur internet je la cite:
« Bonjour! L'ouragan Irma continue sa trajectoire destructrice. A La Havane, le vent a commencé à souffler dès 18h vendredi. Au 24e étage, on se serait cru dans un bateau. La télévision informe en continu. Les jeunes journalistes cubains font un travail formidable sur le terrain. Quant à Rubiera, le météorologue, il fait de tous ses auditeurs des spécialistes en météorologie. Je suis devenue incalable sur les hectoPascals et les vents cycloniques. »
Comment expliquer que contrairement aux autres nations victimes de la fureur de la nature, Cuba n’a eu à déplorer que peu de victimes, une dizaine dit-on ?
Comment expliquer cette spécificité cubaine sans pillage, sans violence ? Elle se résume, selon l’universitaire Salim Lamrani, « en deux phases : la « phase informative » et la « phase d’alerte cyclonique ». Tout d’abord, l’ensemble de la population est parfaitement informée des dangers représentés par les cyclones et les ouragans et sait parfaitement comment réagir en cas d’alerte de la Défense civile. Les médias jouent un rôle fondamental et la discipline sociale des citoyens est remarquable. Dès le déclenchement de l’alarme cyclonique, les autorités organisent minutieusement les déplacements des habitants et des touristes en zone sûre. Rien n’est laissé au hasard. Les services sociaux et les comités de Défense de la Révolution, qui sont présents dans chaque quartier, disposent de listes des personnes à mobilité réduite et viennent à leur secours dans les plus brefs délais. »
Ainsi, plus d’un million de personnes ont été évacuées ces derniers jours en prévision de l’arrivée du cyclone Irma. À Cuba, aucune personne n’est abandonnée à son sort par les autorités.
Ce pays d’un peu plus de onze millions d’habitants subit une double peine : le déchaînement des éléments et le blocus économique dont M. Trump vient de signer la reconduction sans réaction indignée de la France, de l’Europe et de leurs soutiers médiatiques. Malgré les énormes dégâts, Cuba digne, rebelle et solidaire vient d’envoyer, au lendemain du passage du cyclone, par pont aérien, plusieurs centaines de médecins et de personnel médical à Antigua, La Barbade, Saint Kitts, Nevis, Santa Lucia, le Bahamas, la Dominique et Haïti. Qui fait mieux ? Il y a ceux qui parlent, il y a ceux qui agissent.
En écrivant ces lignes, je pensais à Ernesto Guevara. Il a fait beaucoup de choses Che. Figurez-vous qu’il a aussi participé aux premières réunions de prévention contre les cyclones et autres ouragans à Cuba au début des années 1960.
L’occasion pour moi de vous annoncer une «première » : le spectacle musical d’une amie de notre radio Mireille Riva. En hommage au Che, ne loupez pas « Lorsque s’allument les brasiers » qui sera présenté vendredi 15 septembre à 21h à la Fête de l’Humanité sur la scène Jazzhuma. En attendant, je vous propose d’écouter cette version originale de la chanson « Hasta siempre ».
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