Cuba dans le regard d’une jeune femme
15/04/2016
Cuba dans le regard d'une jeune femme Quelques-unes répondent timidement. D’autres n’attendent pas qu’on leur donne la parole pour se lancer. Car elles se sentent toutes maîtresses de Cuba et de son destin. Certaines ont davantage de préoccupations, et d’autres sont plus optimistes. Mais leur point commun réside dans ce qu’elles attendent de demain et dans le fait que cet avenir est lié à l’essence de la terre qui les a vues naître.
Elles répondent en fonction de leur situation. Car les jeunes filles qui portent l’uniforme bleu et vont encore au pré-universitaire [équivalent du lycée] ne semblent pas encore très enclines à commenter leurs projets d’avenir. Elles limitent leurs préoccupations sociales à ce qui se dit sur le sujet dans les amphithéâtres, pendant les cours ou à ce qu’elles entendent à la maison.
Évidemment, il y a des exceptions, mais la plupart des jeunes étudiantes de ce niveau avouent qu’à ce stade de leur vie, elles se focalisent plus sur les relations avec leurs amis, l’angoisse d’avoir de bons résultats scolaires et les premières histoires d’amour. «Pour les jeunes autour de moi, c’est l’apparence personnelle qui est la première préoccupation, et le fait d’avoir accès à la technologie,» dit Patricia Fernández, 16 ans, qui suit les cours de l’enseignement pré-universitaire.
Daniela Acuña est un peu contrariée par les transports en ville et par les difficultés auxquelles elle fait face le matin pour arriver à son établissement. Elle est également embêtée par la rareté des lieux de divertissement pour les adolescents et par la cherté des endroits qui existent. «J’ai l’habitude de me retrouver avec mes amis dans les parcs, car c’est la solution la moins chère,» explique-t-elle. Cette étudiante du onzième degré [équivalent de la 2nde] du lycée Saúl Delgado regrette que les changements de ces derniers temps dans le pays n’aient pas eu beaucoup d’influence dans sa vie, et c’est la raison pour laquelle dans son groupe de camarades, les jeunes filles n’ont pas l’habitude de dialoguer sur des questions générales concernant la situation du pays.
Tandis que, d’un autre point de vue, Loipa del Castillo, une adolescente, pense que le début des relations avec les États-Unis représente un changement grâce auquel on devrait continuer à avancer, et que ce pays doit mettre fin au blocus économique qui nous touche tant. Elle dit que c’est l’un des sujets dont on parle le plus dans son groupe.
À partir de la fac, les préoccupations tournent un peu plus autour du pays et de l’avenir des nouvelles générations. Les jeunes savent qu’ils font partie des perspectives de demain. C’est ce que l’on constate dans la plupart des échanges qui ont lieu à l’Université de La Havane et dans ses facultés voisines. «Nous sommes préoccupés par la vague de migration, que nous constatons, de personnes qui partent illégalement ou non.
Cela a toujours existé, mais parfois nous avons vraiment l’impression que le phénomène s’accentue. Alors on s’interroge sur ce que sera l’avenir du pays, si ça va s’améliorer ou empirer, car parfois les avis qui s’expriment sur ce sujet ne sont pas si positifs,» expose Talía Piñón, étudiante en Biochimie de la Faculté de Biologie du centre de hautes études. «D’une façon générale, je crois que nous les personnes mineures, nous vivons beaucoup au jour le jour, sans essayer de penser plus loin, et que nous attendons de voir ce qui va se passer.
Comme presque tous les jeunes étudiants, je me préoccupe de ce que sera mon avenir professionnel quand j’aurai mon diplôme, s’il va correspondre à mes attentes ou non,» explique cette future professionnelle de la recherche. Laura Manresa est étudiante en Sciences de l’Informatique et elle remarque que c’est des relations avec les États-Unis que l’on parle le plus dans son milieu, ainsi que de la possibilité d’échanger avec des élèves d’autres universités. «Dans ma faculté, les gens veulent plus d’internet, plus de possibilités d’ouvrir notre champ de connaissances, d’interagir avec d’autres sites et de trouver des lieux où il y a le plus de chances de développer ce que nous étudions et d’enrichir notre formation,» résume-t-elle. «En outre, il serait bon d’améliorer l’économie, qu’il y ait plus de produits, plus de variété en tout. Par chance, en ce qui nous concerne, l’éducation est très bonne et nous sortons très qualifiés de ce cursus si complexe,» considère-t-elle. Du fait des examens, ces mois-ci sont particulièrement stressants.
C’est ce que confirme Yanet Álvarez, étudiante en Droit, qui souligne aussi que pour elle, parmi les urgences, «il devrait y avoir plus de lieux pour se distraire, parce qu’en dehors des fêtes qu’on organise à l’université, il n’y a pas grand chose.» «Je crois que ce qui nous inquiète le plus, c’est de savoir ce que nous ferons quand nous serons diplômés, car nous ne savons pas si cela correspondra à ce que nous étudions et si cela nous permettra de vivre, ce qui au final est le but de tout ce que nous faisons.
Cette incertitude, est-ce que l’on étudie par plaisir pour ensuite se consacrer à autre chose, est toujours préoccupante,» réfléchit Claudia Quintana, élève en Cybernétique. Lorena León, qui suit des études de Mathématiques, nous fait part de ses projets: terminer l’école, commencer à travailler et fonder une famille. «En ce qui concerne le pays, je suis très préoccupée par la situation économique, par nos relations avec le monde et par les conséquences économiques et politiques qu’aura pour Cuba un rapprochement avec les États-Unis,» analyse-t-elle.
À la Faculté de Philosophie, Sociologie et Histoire de la même Université, Debbie Díaz parle de ses préoccupations plus tournées sur l’humain. Elle s’inquiète du comportement des jeunes qui se montrent parfois agressifs, et du fait qu’une partie d’entre eux sont peu cultivés et se contentent de vivre avec ce qu’ils savent sans chercher plus loin. «En plus d’étudier l’Histoire, je me consacre à la musique, et même si les deux professions me plaisent, je finis par pencher plus vers la seconde, car je vois un avenir plus difficile comme historienne, même si la musique dépend aussi beaucoup des circonstances.
J’aimerais en savoir plus sur les cultures et les métiers dans les autres pays, car il est plus facile de rencontrer ici des étudiants d’autres nations, alors que pour nous, il est très difficile de voyager et d’enrichir nos connaissances, surtout en ce qui concerne la langue; il y a de moins en moins de jeunes formés dans d’autres langues,» analyse la jeune fille.
Vêtues de blanc et bleu, deux jeunes étudiantes en Médecine font irruption et n’hésitent pas à parler de leur univers quotidien. «Nous sommes choquées par le fait que de nombreuses personnes n’aient pas conscience des vrais dangers qui touchent la société et mettent leur vie en danger,» indique Berenice Peña, qui rejoint la préoccupation de sa camarade Anabel Carreras à propos du manque de bibliographie spécialisée pour progresser dans sa profession.
Au-delà de ces préoccupations, un rêve leur tient à cœur à toutes les deux : celui de savoir que leur avenir sera consacré à aider les personnes grâce à ce qu’elles vont apprendre au cours de leurs études. Et c’est une motivation suffisante pour aller vers l’avenir.
Auteur : Susana Gomes Bugallo, journaliste au quotidien Juventud Rebelde, Cuba. En exclusivité pour la revue Cuba Sí, de France-Cuba
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