QUAND AL CAPONE EST VENUE A CUBA ! (25/08/2013)
J'ai toujours pensé qu'Al Capone n’était pas venu à Cuba sans protection. Je veux dire quand il l'a fait en 1928 pour superviser l'achat des alcools qui étaient introduits clandestinement aux États-Unis, il avait des contacts plus ou moins solides avec d’importants personnalités de la politique et du monde des affaires cubaines.
Alors les relations entre la mafia étasunienne et les politiciens cubains sont très antérieures à ce que l’on présume généralement.
Le célèbre gangster de Chicago, durant son séjour cubain, a offert une montre Patek Philippe à Rafael Guas Inclán, alors président de la Chambre des Représentants. En paiement d'une dette ? En remerciement ? Une façon de consolider des liens ? Actuellement se sont des questions sans réponses. Un jour il sera peut-être possible de les spécifier.
Les contrebandiers et les pirates
La Prohibition a régi aux États-Unis de 1920 à 1933. Durant ces années, la majorité des produits alcooliques qui entrait sur le territoire étasunien venait des Antilles, dont Cuba parmi elles.
Les vedettes rapides des contrebandiers raillaient les patrouilles de la police nord-américaine et, comme aux temps de la piraterie classique, ces bateaux étaient attaqués à leur tour par d'autres qui les pillaient et les détruisaient.
L’Italien Jim Colosimo vivait depuis plus de trente ans Etats-Unis. Il avait commencé comme balayeur à Chicago et au moment de la prohibition il avait déjà accumulé une certaine notoriété comme « protecteur » des Siciliens et des Calabrais.
Grâce à son soutien, des milliers de vedettes rapides ont commencé à naviguer, clandestinement, de la Floride vers les Caraïbes. L'ex balayeur a gagné des millions de dollars dans ces opérations jusqu'au jour où il a reçu une pluie de plomb.
Son remplaçant, Johnnie Torrio, a soutiré des grands avantages de l’entreprise illégale. La piraterie dans la mer des Caraïbes a commencé au cours de son règne. Ses bateaux ont commencé à être assaillis par d'autres pilotés par d’authentique pirates.
Torrio, comme le faisait Colosimo avant, payait régulièrement les alcools achetés dans les Caraïbes, mais à leur retour ses bateaux étaient pillés par les pirates.
Al Capone a été plus intelligent que Colosimo et Torrio. Il a conclu un accord avec les autorités et, de là, les garde-côtes et la police de la côte se sont convertis en implacables poursuivants des pirates, tout en laissant le feu vert à ceux qui travaillaient pour Al Capone.
Lors du sommet
Al Capone avait une inclinaison pour les femmes et un délire pour la publicité, impensable chez un gangster. Il aimait qu’on parle de lui et que son nom soit répété.
Dans l’hôtel Sevilla de La Havane, où il logeait, il louait tout un étage pour lui et son entourage de conseillers et de gardes du corps. On parle aussi d’une légende populaire : il demandait une réunion avec tous les employés qui se chargeaient dudit étage.
Il leur parlait peu, mais il les remerciait avec un billet de cent dollars pour chacun d'eux.
À l’égal de Lucky Luciano, Al Capone était un membre de la bande Five Points avant d’aller à Chicago comme tueur à gage et de monter au sommet de la pègre de la ville à partir de 1920. On le connaît surtout pour avoir ordonné le massacre de la Saint Valentin en 1929 : un crime dont on n’a jamais pu l’accuser.
À Chicago, Al Capone a éliminé Masseria, le chef local. Et il était heureux de la mort de Maranzano, le substitut de Masseria, orchestrée par Lucky Luciano, alors que celui-ci et Al Capone l’avaient reconnu comme capo des capos.
Les hommes envoyés par Luciano, qui se sont fait passés pour des inspecteurs du Trésor, ont poignardé et criblé de balles Maranzano dans son bureau.
C'est alors que Luciano a modernisé la mafia. Il a établi une forme de diriger plus démocratique, avec une commission composée par les capos de toutes les familles de New York ; il a assis sa structure sur des nouvelles bases corporatives et il est devenu un impresario du crime. Il a recommandé à ses hommes de vivre avec discrétion absolue ; sans attirer l'attention.
Quand les capos lui demandaient comment s’appellerait son organisation, il a dit qu’elle n’avait pas de nom pour que personne ne puisse la mentionner.
La mafia étasunienne cessait d’être une organisation sicilienne pour se convertir en italo-américaine et Al Capone faisait partie de cette transformation.
Les Patek Philippe
On sait peu de chose sur les aventures d’Al Capone à La Havane. Cependant, on sait qu'un après-midi il a acheté trois montres de marque Patek Philippe dans La Palais Royal, de la rue Obispo, certainement la plus importante bijouterie havanaise de l'époque. Il a payé six mille dollars pour les montres. Al Capone en a gardé une pour lui, une qu’il a offert au chef de ses gardes du corps et la troisième, comme nous le savons déjà, pour Rafael Guas Inclán qui, de 1954 à 1958, a été vice-président de la République avec le dictateur Fulgencio Batista.
D’après ce que l’on sait, Al Capone n’est jamais revenu à Cuba après cette visite de 1928. En dépit d'être un des invités, il n’a pas pu assisté à la réunion convoquée par Luciano, en décembre 1946 dans l'Hôtel National de La Havane, avec les principaux chefs de la mafia. Il avait été libéré de prison, après avoir purgé une peine pour fraude fiscale et il était déjà très malade.
Rafael Guas Inclán était un joueur compulsif. En une nuit il pouvait jouer à la roulette, pour gagner ou perdre, des milliers de pesos volés au Trésor de la nation. Il a fui le pays après le triomphe de la Révolution et la Patek Philippe offerte par Al Capone est restée entre les mains de son neveu Roberto de Cal, photographe de profession.
Rafael Guas Inclán est mort à Miami dans les années 1970 et, peu de temps après, Roberto de Cal est mort à La Havane. Le Palais Royal continue à offrir ses services dans la rue Obispo. Cependant, personne ne sait entre quelles mains est arrivée cette Patek Philippe achetée par Al Capone à La Havane.
Traduit par Alain de Cullant, Lettres de Cuba
12:13 | Tags : al capone, cuba | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook | | |