Amérique Latine : un continent "hors-radar" international ?
07/01/2019
Plus de 120 délégations pour Lula ou Dilma Roussef, une quarantaine et trois chefs d'Etat seulement pour l'investiture de Jaïr Bolsonaro au Brésil : malgré la visibilité de ses crises politiques, l'Amérique Latine en plein marasme économique est-elle aussi "hors-jeu" sur le plan international ?
Alors qu'avec l'investiture de Jaïr Bolsonaro au Brésil l'Amérique Latine perd un des principaux moteurs du multilatéralisme, Cuba fête sans fanfare les 60 ans de la révolution castriste. Au-delà de la coïncidence des calendriers, l'avènement d'un nouveau bilatéralisme promis par le Brésil et le renoncement annoncé de Cuba à l'économie socialiste d'Etat soulignent deux évolutions majeures de l'Amérique Latine ces dernières années :
L’Amérique latine était arrivée sur les radars internationaux (diplomatiques, économiques, culturels) depuis les années 2000 et aujourd’hui revient à la périphérie d’où elle était sortie à ce moment-là... Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS
D'une part la stagnation économique guette la plupart des grandes économies, Mexique, Brésil, Argentine ou Chili, quand ce n'est pas la récession au Venezuela ou au Nicaragua (la croissance globale est de 0,5 % sur ces 5 dernières années). Elle finit par peser lourdement sur la possibilité de politiques sociales et le quotidien des populations qui émigrent vers les pays frontaliers. D'autre part, avec Jaïr Bolsonaro, le continent confirme un "basculement" vers la droite (extrême droite dans ce cas) d'un certain nombre de grands pays dirigés à partir des années 2000 par des gouvernements socialistes ou apparentés, devenus repoussoirs dans le contexte de scandales corruption et des campagnes électorales.
L'affaiblissement diplomatique est important. Sur le continent, les principales institutions coopératives et multilatérales sont en salle d'attente (Unasur) ou hors-service (Celac). A leur place s'est substituée la ligue plus informelle du "Groupe de Lima", essentiellement focalisé sur la crise au Venezuela. Quant à la diplomatie non sud-américaine, de même que Jaïr Bolsonaro l'a annoncé pour le Brésil, certains Etats font de plus en plus le pari du bilatéralisme. Le rapprochement assumé avec les Etats-Unis de Donald Trump ou l'accueil des investissements chinois (tournée de Xi Jinping en décembre 2018) sont des paris à double tranchant pour des pays affaiblis ou isolés, présentant le risque d'un retour de "l'arrière-cour" pour l'un, du "piège de la dette" pour l'autre.
Le constat tout à fait nouveau en Amérique latine est qu’apparaissent des phénomènes de migration intracontinentaux extrêmement importants. Certains sont connus (plusieurs centaines de milliers de Vénézuéliens ont quitté leur pays pour des raisons économiques), mais moins connues il y a également les nouvelles migrations d’Haïtiens et de Dominicains (qui ne peuvent plus se rendre aux Etats-Unis). Ils cherchent une porte de sortie vers le Brésil et le Chili, où ils ont déclenché des phénomènes de xénophobies, inconnus jusqu’ici…. Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS
Pendant ce temps, la Russie renforce ses positions militaires et économiques avec Cuba, et surtout le Venezuela où elle vient de tenir des manœuvres aériennes communes et où elle investira 6 milliards de dollars dans le secteur pétrolier.
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