Porto Rico: Une faillite nommée colonialisme spéculatif
05/08/2015
Endettée à hauteur de 72 milliards de dollars (65,6 milliards d’euros), l’île de la Caraïbe, colonie des États-Unis, se retrouve en situation de défaut de paiement.
Porto Rico est une nouvelle victime de la crise de la dette. San Juan n’a jamais caché ses difficultés à rembourser lundi un échéancier de 58 milliards de dollars (52,9 milliards d’euros). Ce même jour, les autorités de cet archipel de la Caraïbe ont annoncé qu’elles ne s’acquitteraient que de la somme de 628 000 dollars (572 748 euros) sur une dette totale estimée à 72 milliards de dollars (65,6 milliards d’euros). Aussitôt, l’agence de notation Moody’s a réagi en estimant que « cet événement (était) la première étape d’un défaut général (du territoire) sur sa dette », a précisé l’un de ses vice-présidents, Emily Raimes, dans un communiqué transmis à l’AFP.
45 % des 3,6 millions d’habitants vivent dans l’extrême pauvreté
Depuis un mois déjà, les médias n’hésitent pas à rebaptiser Porto Rico « la Grèce de la Caraïbe ». Cette colonie des États-Unis, au statut officiel d’État associé à la première puissance mondiale, se débat dans une grave crise économique et financière. L’évasion fiscale ou encore la corruption sont certes des problèmes structurels, mais l’explication est un peu courte. L’île dont la monnaie est le dollar n’a pas de système monétaire propre. Son statut juridique l’exclut du chapitre 9 du Code de banqueroute des États-Unis, l’empêchant ainsi de se déclarer en faillite pour restructurer sa dette, contrairement à d’autres États ou villes, comme ce fut le cas pour Détroit il y a quelques années. Ce qui n’empêche pas les autorités de travailler à la création d’« un moratoire négocié avec les créanciers pour retarder, de quelques années, les paiements de la dette, afin que cet argent soit investi à Porto Rico », a demandé son gouverneur, Alejandro Garcia Padilla. Mais il y a fort à parier que ces créanciers – en majorité des fonds spéculatifs – ne l’entendent pas de cette oreille.
Comme pour la Grèce, le Fonds monétaire international a sommé San Juan de procéder à des « réformes structurelles », autrement dit des thérapies austéritaires de choc alors que l’île souffre de récession depuis une décennie. Les gouvernements ont déjà taillé dans les dépenses publiques en fermant de nombreux centres scolaires. Le salaire minimum a été rayé de la carte. La TVA a grimpé à 16 % tandis que les transports et l’électricité ont été privatisés. 45 % des 3,6 millions d’habitants vivent dans l’extrême pauvreté, dont 56 % d’enfants. De nombreux Portoricains ont été contraints à l’exil et ont pris la route des États-Unis où se tiennent depuis plusieurs semaines des manifestations de solidarité. En campagne électorale, Hillary Clinton a demandé à la Maison-Blanche de faire un geste mais Washington s’en lave les mains. Pour l’instant.
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