Zebda chante le mythe populaire Victor Jara
06/09/2013
Le projet "Être un guitariste chilien", qui accompagne le hors-série de l'Humanité « 11 septembre 1973, Chili, l’espoir assassiné », rend hommage au chanteur Victor Jara.
Il s'inscrit dans la tradition de transmission patrimoniale portée par Tomas Jimenez, alias El Communero, et Zebda. Le groupe et ses invités rendront hommage à Victor Jara à sur la Grande scène de la Fête de l'Humanité, samedi à 16h10.
Que reste-il d’une affiche dans une chambre d’adolescent ? Un regard amusé, souvent. Méprisant, parfois. Une construction, toujours. L’affiche en question, éditée par le Mouvement des jeunes communistes, date de 1973. Nous sommes à Toulouse et les frères Amokrane, futurs Mouss et Hakim de Zebda, découvrent Victor Jara, le chanteur aux doigts coupés à la hache, sur un poster de leur aîné, Salah. « On a très tôt su qui était Victor Jara. Il représentait pour nous l’image de l’engagement ultime. À dire vrai, nous connaissions plus le personnage que ses chansons. Il y avait quelque chose de romanesque chez ce chanteur aux mains coupées par la dictature », raconte Mustapha Amokrane. Plus de vingt ans après les débuts de Zebda, il y a également une phrase sur laquelle il faut s’attarder.
Dans le Talent, extrait de leur dernier album, surgit Victor Jara. En filigrane. « Je voulais écrire de la prose et des vers / mais dans la cité pour celui qu’écrit, ça craint / Faut que je change d’univers / Sous peine de finir en guitariste chilien. » Une lente maturation qui les mène aujourd’hui, à l’aune des quarante ans du coup d’État contre Salvador Allende, à réaliser le projet « Être un guitariste chilien ».
Mais comment s’approprier un tel patrimoine ? « Nous avons de bons amis d’origine chilienne, dont les parents sont réfugiés. Nous avons égrené toute cette histoire avec eux en écoutant les morceaux. L’idée du rythme et de l’énergie qui s’en dégagent a été déterminante. Nous avons également fait le choix de reprendre les chansons qui possédaient une grande théâtralité », poursuit Mouss.
À ce titre, l’exquise Las Casitas del barrio alto, une critique aigre-douce de la bourgeoisie de Santiago, s’est imposée d’elle-même. « Il se moque non seulement des bourgeois, perchés sur les hauteurs de la capitale, mais également de ceux qui vont l’assassiner. Il était primordial de s’approprier la dimension sociale de l’artiste. » Quarante ans après son assassinat, les chansons de Victor Jara, intimement liées à l’histoire de l’Unité populaire d’Allende et du Chili dans son entier, restent un précieux témoignage, « un répertoire qui raisonne pour l’éternité », souligne Mouss. Quand on connaît la valeur qu’attachent El Comunero et Zebda au patrimoine culturel et à sa transmission, la reprise des morceaux de Victor Jara n’est somme toute qu’une suite logique après le projet « Motivés », qui faisait la part belle à la résistance grâce aux reprises populaires du Chant des partisans, Bella Ciao, El paso del Ebro ou du titre antifranquiste l’Estaca, et à l’excellent album Origines contrôlées de reprises des chansons de l’immigration par Mouss et Hakim. « On a de l’émotion à prolonger ce que Victor Jara a porté. On trouve ici toute la détresse du peuple chilien pour plusieurs décennies mais également toute l’histoire culturelle des progressistes et de leurs projets d’éducation populaire, de solidarité. Il a porté une histoire collective jusqu’à en mourir », conclut Mouss.
Outre leur version de El Pueblo unido jamas sera vencido du groupe Quilapayun, Zebda a également eu la bonne idée de faire jouer l’universalité et la solidarité jusqu’au bout en mêlant l’instrumental la Partida de Jara au sublime texte de Kateb Yacine, Poussières de juillet, qui fait le lien avec leur propre histoire. La construction, toujours.
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