À un an du Mondial de football, le Brésil s'embrase
18/06/2013
Hausse du coût des transports publics, corruption gouvernementale et dépenses somptuaires pour préparer le Mondial de football... Le Brésil a été secoué lundi par les manifestations sociales les plus importantes depuis 21 ans, qui ont duré plus de sept heures dans plusieurs villes, notamment à Rio qui a connu des scènes de guérilla urbaine.
Quelque 200.000 personnes ont défilé lundi dans les rues des principales villes du Brésil alors que le pays fait face à une vague croissante de mécontentement. Les manifestations, organisées via les réseaux sociaux, ont perturbé le fonctionnement de plus d'une demi-douzaine d'agglomérations parmi lesquelles Rio de Janeiro, Sao Paulo, Brasilia ou encore Belo Horizonte. Il s'agit des plus grosses mobilisations depuis celles dirigées en 1992 contre la corruption du gouvernement de l'ex-président Fernando Collor de Mello, qui avait démissionné durant son procès politique devant le sénat. Les manifestations se multiplient depuis deux semaines au Brésil en raison d'un ralentissement de l'économie et d'une forte inflation.
Ces protestations se déroulent au moment où le pays abrite la Coupe des confédérations, répétition générale en miniature du Mondial dans un an.
C'est dans la capitale qu'a eu lieu la plus importante manifestation. 100 000 personnes ont défilé dans les rues de Rio de Janeiro, d'abord pacifiquement, contre l'augmentation des tarifs des transports publics et les dépenses somptuaires engagées pour préparer le Mondial-2014 de football, avant de dégénérer dans la violence à la nuit tombée. Un groupe de quelques dizaines de manifestants a pris d'assaut le parlement de l'Etat de Rio. Les policiers anti-émeutes les ont finalement dispersés dans la nuit. A Sao Paulo, où 65 000 manifestants ont défilé sur l'avenue Paulista, un groupe a essayé d'envahir le parlement local mais a été arrêté par les gaz lacrymogènes de la police. A Brasilia, cinq mille manifestants ont protesté dans le quartier des ministères, symbole du pouvoir. Quelque 200 d'entre eux ont réussi à grimper sur le toit du parlement où ils ont entonné l'hymne brésilien avant d'en redescendre spontanément. Des scènes similaires se sont répétées à Porto Alegre, Curitiba, Belo Horizonte notamment, en pleine Coupe des Confédérations de football, répétition générale en miniature du Mondial dans un an.
"Nous sommes arrivés dans la maison du peuple. C'est le premier pas pour montrer que nous ne sommes pas morts; ils pensaient que l'on s'arrêterait pour voir le football mais le Brésil n'est pas seulement ça", a déclaré Bruno Pastrana, un étudiant de 24 ans, assis sur le toit du Congrès National de Brasilia. Les autorités brésiliennes espèrent que le Mondial puis les Jeux olympiques de 2016 à Rio seront l'occasion d'illustrer la place grandissante du pays, puissance émergente, sur la scène internationale. "Pendant de nombreuses années, le gouvernement a entretenu la corruption. Les gens manifestent contre le système", a estimé Graciela Caçador, 28 ans, habitante de Sao Paulo. "Ils ont dépensé des milliards pour construire des stades et rien pour l'éducation ou la santé", a-t-elle ajouté.
La popularité du gouvernement a chuté de huit points en juin
Le gouvernement a d'abord été pris de court par l'éclosion soudaine de ce mouvement apolitique la semaine dernière, après l'annonce de l'augmentation des tarifs des transports publics. Il semble à présent débordé par sa nouvelle dimension en grande partie attisée par l'indignation suscitée par les violences policières de la semaine dernière. "Viens, viens, viens dans la rue, viens!", scandaient à Rio les manifestants en milieu d'après-midi, tandis que du haut des tours de bureaux du centre-ville, des employés jetaient une pluie de morceaux de papier blanc en geste de soutien.
Croissance en berne et inflation
"Nous ne permettrons pas que des manifestations perturbent les événements que nous nous sommes engagés à réaliser", avait averti quelques heures plus tôt le ministre des Sports, Aldo Rebelo. Dans une apparente volonté d'apaisement, la présidente Dilma Rousseff a rectifié le tir quelques heures plus tard, affirmant que "les manifestations pacifiques sont légitimes et propres à la démocratie". "C'est le propre de la jeunesse de manifester", a-t-elle ajouté dans un communiqué. Cette fronde se développe alors que le Brésil, après des années de vigoureux développement économique et social, traverse une passe délicate marquée par une croissance en berne et une poussée de l'inflation notamment sur le prix des denrées alimentaires. La popularité du gouvernement a chuté de huit points en juin, pour la première fois depuis l'élection à la présidence en 2011 de Dilma Rousseff, qui reste largement favorite pour le scrutin de fin 2014.
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